Dictionnaire pratique et historique de la musique/Valse

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Valse, n. f. Danse tournante dont la mesure se marque à 3/4. L’origine de la valse a été cherchée par les Français dans la volte, que Thoinot Arbeau (1588) décrit comme une gaillarde provençale, en mesure ternaire, dansée en tournant le corps. On lui a aussi donné pour ancêtre le tourdion, seconde partie, ternaire, d’une danse médiévale (xve s.), dont la première partie, la basse-danse, était binaire. Les Allemands lui donnent pour point de départ la Springtanz (sauteuse) qui correspond au même signalement, et ils présentent comme une ancienne mélodie de V. le lied du xviie s., Ach ! du lieber Augustin. Les danses de cette famille sont nommées assez indifféremment jusqu’au xixe s., Waltz, Roller, Dreher, Deutscher Tanz, Allemande (différente de l’allemande binaire grave), Danza tedesca, Laendler. Leur allure jusqu’au xixe s.. était généralement modérée : l’édition française d’une Sonatine de Haydn (vers 1766) indique pour le menuet : « mouvement de walze » (sic). Le développement de la V. moderne se place entre 1780 et 1830. La V. a été dès le premier temps de sa faveur introduite au théâtre, dans la musique de ballet et dans les divertissements. Une des plus anciennes V. au théâtre se trouve dans Richard Cœur de Lion, de Grétry (1785), à la fête finale. Le titre est : Air très vif pour valser. Il y a trois reprises de huit mesures. Orchestre : petite flûte, cordes et basson :


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melody = \relative do'' {
  \key re \major
  \time 3/8
  <fad re la>8 <fad re>[ <la fad>] | <fad re la>8 <fad re>[ <la fad>] | <sol mi>16[ <la fad> <si sol> <la fad> <sol mi> <fad re>] | \break
  \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
  \override Score.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
  <mi dod>4. | <fad re la>8 <fad re>[ <la fad>] | <fad re la>8 <fad re>[ <la fad>] | <sol mi>[ <mi dod> <dod la>] | <re fad,>4. \bar "||"
}
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De danse populaire, la V. devint citadine, en Autriche, après qu’elle eut été dansée sur le théâtre dans La Cosa rara de Martini Soler, en 1786, à Vienne. Elle parvint dans les dix années suivantes à Paris et à Londres où elle fut critiquée au point de vue plastique et au point de vue moral, entre autres par Mme de Genlis et par lord Byron. Il y a des V. de Mozart de 1787.

Les Danses allemandes ou Allemandes ternaires, de Mozart, sont souvent rythmées dans une manière analogue à la V. du Freischütz. Dans la série de 12 danses allemandes pour grand orchestre, composées en 1789, à Vienne, par Mozart (Kochel 586, Wyzewa 545) les nos 1 et 7 débutent par :


\language "italiano"
porteeA = \relative do'' {
  \time 3/4
   << { \voiceOne \partial 4 si8 do | re do fa mi la sol | sol4 sol si8 do | \break }
      \\
      { \voiceTwo \partial 4 r4 | do,, <sol' mi> <sol mi> | do, <sol' mi> <sol mi> | }
   >>
   \set Staff.explicitKeySignatureVisibility = #end-of-line-invisible
   \key sol \major 
   \override Staff.TimeSignature.break-visibility = #end-of-line-invisible
   \time 3/4
   \partial 4 sol'8 fad | sol re si re do mi | dod[ re si sol sol' fad]_\markup { \hspace #2 { \italic "etc." }} | \hideNotes do32
}
\score {
 { \porteeA }
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  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}

Les maîtres se mettent donc à composer dans cette forme. Haydn écrivit en 1792 une suite de douze V. pour le bal annuel de la Société des artistes viennois ; Beethoven en 1795, 1799, 1802 ; il y a de lui, entre autres, six V. pour le piano, et un morceau intitulé alla danza tedesca, en rythme ternaire analogue à l’ancienne V. populaire allemande, dans le Quatuor à cordes op. 130 (1825). On peut en rapprocher son presto alla tedesca de la Sonate pour piano, op. 79 (1809), qui est sur le même thème. À cette époque la V., comme les autres pièces de musique de danse, était de peu d’étendue, et divisée en courtes reprises. En 1802, Koch dit que la V. se compose ordinairement de deux reprises de huit mesures. Weber et Schubert contribuèrent grandement au succès musical de la V. On connaît les délicieuses V. de Schubert ; des deux célèbres V. de Weber, l’une, celle du Freischütz, représentant une danse de paysans, rentre dans l’ancienne forme (1818), l’autre, Invitation à la V. (avec une introduction et une péroraison curieusement descriptives) (1818-1821), est complètement moderne, et dépasse les proportions d’une danse. C’est la première V. de concert à citer. La grande vogue de la V. comme danse a commencé dans le second quart du xixe s. ; la V. à danser est restée longtemps une spécialité viennoise : Jos. Lanner, (1801-1843), Joh. Strauss père (1804-1849) et fils, en furent les plus célèbres et les plus féconds représentants. Ils ont publié des V. par centaines, et créèrent ainsi un genre, qu’avec moins d’invention, dans une forme fixée, continuèrent les musiciens viennois des générations suivantes. Ils trouvèrent des rivaux dans le Bohémien Labitzky (1802-1881), le Hongrois Gungl (1810-1889), le Français Olivier Métra (1830-1889), l’Alsacien Émile Waldteufel (1837). La caractéristique de la V. est dans sa basse, qui marque les trois temps, le premier par une note fondamentale, les second et troisième par un même accord plaqué. Au temps déjà de Lanner et de Strauss, la forme primitive est agrandie : la V. destinée à la danse, aussi bien que celle du concert, commencent le plus souvent par une introduction en mouvement lent ou modéré et dans une mesure qui peut être aussi bien binaire que ternaire. Après cette introduction, la V. dansée commence généralement par deux mesures de préparation rythmique, après quoi elle se construit par période de huit ou seize mesures, de manière à former une chaîne de cinq V., quelquefois plus, quelquefois moins, opposées les unes aux autres par la variété des dessins et des tonalités et terminées par une V. finale de même coupe, avec coda, offrant le résumé de toute la chaîne. Là V. a été traitée un nombre incalculable de fois en forme de morceau de salon ou de concert. Tout le monde connaît l’Invitation à la V., de Weber, qui, écrite pour le piano, fut orchestrée par Berlioz pour être introduite dans le Freischütz, à l’Opéra de Paris, en 1841, et réorchestrée de nouveau, par F. Weingartner, avec des intercalations de son cru. Chopin a écrit 10 V. pour le piano. La V.-caprice de Rubinstein a été beaucoup jouée, du temps que l’auteur la répandait lui-même dans ses tournées de concert. La V. a été introduite dans le répertoire symphonique par Berlioz, qui a placé une V. charmante dans sa Symphonie Fantastique (1830) ; Tschaikowsky a placé des mouvements de V. dans sa 4e et sa 5e Symphonies. C’est en partie sur des rythmes de V. que se développe le tableau coloré du Camp de Wallenstein de d’Indy. Dans le répertoire des opéras, la V. de Giselle, ballet d’Ad. Adam (1841) et la V. de Faust, de Gounod (1859) sont au nombre de celles dont la fortune a été la plus brillante. On connaît la V. lente du ballet de Sylvia, de Delibes. Le rythme entraînant de la V. a assuré le succès de quelques V. chantées, qui remplaçaient dans certains opéras l’ancien air « de bravoure », sans se justifier davantage sous le rapport dramatique. On peut citer la V. chantée de Roméo et Juliette, de Gounod (1867). On doit rappeler enfin les V. chantées à plusieurs voix, de Brahms, dites Liebesliederwalzer.