Dictionnaire pratique et historique de la musique/Point
Point, n. m. Signe semblable au point de l’écriture ordinaire. Placé à la suite d’une figure de note ou de silence, il en augmente la durée de moitié. Une ronde pointée vaut une ronde et demie ou trois blanches. Un soupir pointé vaut un soupir et un demi-soupir. Lorsque la figure de note ou de silence est suivie de deux points, sa durée s’augmente de la moitié et du quart : une blanche suivie de deux points vaut une blanche, une noire et une croche. : Ex. :
Le point a été le germe de tous les
systèmes de notation qui se sont développés
depuis le moyen âge et sa
forme agrandie subsiste encore dans
la dorme des notes modernes. (Voir
Notation.) Il a donné son nom au Contrepoint,
qui, à l’origine, était représenté
à l’œil par la superposition des
lignes de points exprimant les parties
de la composition contrepointique.
Après que la notation neumatique se
fut développée et transformée, le point
prit dans la notation proportionnelle
un sens nouveau, relatif à la figuration
des valeurs de durée. On distingua
alors, selon le rôle que l’on entendait
faire jouer au point ajouté à une note :
Le point de perfection, affirmant la
valeur ternaire de la note lorsqu’il
pouvait y avoir doute ;
Le point de division, qui jouait le
rôle de nos barres de mesure, pour
séparer des rythmes que la théorie
ordinaire aurait réunis ;
Le point d’augmentation, seul conservé
dans la notation actuelle, qui
augmentait la note de la moitié de sa
valeur, lorsqu’elle était binaire, et
plus tard, le point de translation,
le point d’altération, etc.
Le point était sous-entendu en certains cas dans la musique ancienne. Frescobaldi, dans ses Toccatas de 1614, prescrit à l’exécutant, lorsqu’il se trouvera en présence d’un passage où la main droite devra jouer des doubles croches pendant que la gauche jouera des croches, d’avoir à pointer chaque deuxième double croche :
Chez Couperin aussi, le point est sous-entendu en certain cas ; il décrit comme d’usage en France le fait d’écrire en notes égales plusieurs notes qui se succèdent par degrés conjoints, mais de les pointer. Sur une de ses pièces, l’Allemande La Laborieuse, Couperin écrit : « sans lenteur, et les doubles croches un tant soit peu pointées ». L’organiste Gigault conseille « pour animer son jeu plus ou moins adjouster des points où l’on voudra » (1685). Chez Couperin (1717), le point placé au-dessus de la note, dans un dessin mélodique, indique un agrément du genre des coulés, dans l’exécution duquel « la seconde note de chaque temps doit être plus appuyée », ce qui est diamétralement contraire à notre usage moderne.
Le point au-dessus de la note prescrit aujourd’hui de la détacher légèrement. L’emploi du point sans qu’il soit noté persiste, principalement chez les instrumentistes français, jusque dans la 2e moitié du xviiie s., tel que Couperin l’avait indiqué. Les auteurs mentionnent les croches égales et inégales avec des diversités d’application dans leur usage, qui rendent l’affirmation d’une coutume uniforme tout à fait impossible. C’était « pour le goût du chant » que dans les séries de plusieurs notes semblables par temps, on supposait l’indication du point. J.-J. Rousseau (au mot Pointer) désigne cet usage comme français, et dit que les Italiens font les notes égales. Les exécutants, aux xviie-xviiie s., n’observaient pas avec rigueur la valeur du point. Il est reconnu que cette valeur était approximative chez les Français, ainsi que chez Bach et Hændel. Une succession de notes pointées :
telle qu’il s’en présentait très fréquemment
dans les ouvertures, pouvait fort
bien se jouer :
Sans doute trouvait-on plus de piquant à cette exécution saccadée. Couperin remarque en 1717, au sujet de l’exécution en notes pointées de passages notés sans points que « les Italiens écrivent leur musique dans les vraies valeurs qu’ils ont pensées ». Il était recommandé de faire très courte la note de moindre valeur, dans un dessin avec notes pointées. Dannreuther cite à cet égard J.-P. Agricola (p. 191). Emm. Bach (1753) dit que les notes qui suivent les points doivent invariablement être jouées plus brèves que leur valeur. Le double point n’était pas en usage au temps de Bach et Hændel, comme notation, mais il se réalisait dans l’exécution :
Le dessin, fréquent chez Bach, ainsi noté : | |
est incorrect avec le point simple ; il se joue : |
Dans une succession de notes pointées, l’usage moderne le plus fréquent est de pointer la première de chaque groupe de deux notes. Au xviie s. les deux formes, 1re note pointée, ou seconde note pointée, étaient usitées, celle-ci plus rarement. On la trouve souvent chez Frescobaldi.