Dictionnaire pratique et historique de la musique/Menuet

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Menuet, n. m. Ancienne danse française, de rythme ternaire, qui apparaît au xviie s. et semble un dérivé du « branle à mener » poitevin. D’Anglebert l’intitule en effet M. de Poitou dans ses Pièces de clavecin, qui en offrent le type primitif.


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(Chambonnières, Pièces de clavecin, Menuet du Poitou.)

Cette origine donnerait du nom de M. une meilleure étymologie que celles qui ont été proposées, en le faisant provenir du v. mener, au lieu de l’adjectif menu. D’ailleurs, les suites françaises d’orchestre du xviie s., extraites du ms. de Cassel publié par Écorcheville, contiennent, au milieu de leurs branles avec le simple titre à mener des pièces du type menuet, mot qui n’apparaît pas encore dans cette collection. Quoi qu’il en soit, le M. fut en grande vogue depuis le règne de Louis xiv. C’était une danse en solo, que la princesse palatine déclarait aussi ennuyeuse à regarder qu’à exécuter, mais où d’habiles danseurs pouvaient déployer toute leur grâce. L’allure en était modéré. La musique, en rythme ternaire, comportait un total de 32 mesures, partagées en quatre périodes de 8 mesures formant deux reprises de 16. Brossard (1703), qui confirme qu’elle vient du Poitou, dit qu’on devrait, « à l’imitation des Italiens, se servir du signe 3/8 ou 6/8 pour en marquer le mouvement, qui est fort guay et fort vite ». Du répertoire des bals et des ballets de Cour, le M. était passé rapidement dans celui de l’opéra et de la musique instrumentale. Lulli, qu’on en a prétendu l’inventeur, en avait donné des modèles admirés. Les deux Florilèges de son élève Georges Muffat (1695 et 1698) ne contiennent pas moins de 19 M. disposés par couples, pour se jouer alternativement. Ce plan, et la coupe des reprises, se conservèrent longtemps sans changements sensibles. Dans quelques-uns des M. de Bach, le second M. est composé dans le ton relatif mineur du premier, qui se reprend pour finir. Le même maître a placé exceptionnellement dans son Concerto de violon en fa un M. comportant trois M. alternatifs, entre chacun desquels le morceau principal est répété. À cette époque, le M. ne faisait point, comme l’allemande ou la gigue, partie constitutive de la Suite ; il s’y introduisait accessoirement, ainsi que la gavotte ou la bourrée. Cependant il fut le seul des anciens mouvements de danses qui eut le privilège de pénétrer dans le plan de la symphonie et de s’y fixer, après une période de flottement, comme troisième morceau. Si l’initiative de cette introduction est contestée à Haydn, ce maître a du moins, par une prédilection constante et par les plus heureux exemples, contribué d’une façon particulièrement efficace et brillante à la longue fortune du M. symphonique. Sans en élargir les dimensions, il en renouvela l’esprit, en lui donnant une allure plus animée que celle du M. destiné à la danse, et en établissant une opposition de caractère entre le premier et le second M. La coutume qui s’était établie à l’époque de Haydn ou de ses prédécesseurs immédiats, de désigner le second M. par le titre de trio, résultait d’une recherche analogue de contraste, obtenue par la réduction des parties instrumentales ou des exécutants au nombre de trois. Mozart, bon danseur lui-même, et dans l’œuvre duquel figurent plusieurs suites de M. composés pour les bals de Salzbourg ou de Vienne, conserva dans le célèbre M. de Don Giovanni les formes habituelles et ne les modifia pas sensiblement dans les M. de ses grandes symphonies, empreints d’une noblesse et d’une ampleur de style que ne connaissent pas les charmantes pièces de Haydn. Mozart ne s’est d’ailleurs aucunement astreint à placer un M. dans chacune de ses Symphonies ou chacun de ses Quatuors ; mais, dans un divertissement composé en 1772, il a inséré un M. avec trois trios et un autre avec 2 trios et une coda. Cette disposition, déjà signalée chez Bach, présage les Scherzi de Beethoven et de Schumann. La transformation du M., ou plutôt du morceau en « mouvement de menuet », tempo di minuetto, s’accomplit dans l’œuvre de Beethoven. On y compte 17 pièces portant ce titre, dans les Sonates, le Septuor (op. 20), la 1re et la 8e Symphonies (op. 21 et 93), contre 46 intitulées Scherzo, où se renouvellent les traditions du M., en des proportions souvent plus vastes et en des cadres dégagés des obligations de la danse.

L’histoire du M. est regardée comme « pratiquement close » avec Beethoven. Cependant, cette jolie forme artistique attire encore de temps en temps les compositeurs modernes.


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(Beethoven, Sonate pour piano, no 3, Scherzo.)


Non seulement on la voit reparaître dans les ballets d’opéra dont le livret invite à l’emploi de coupes musicales anciennes comme le Falstaff de Verdi (1893) où, par parenthèse, elle constitue bel et bien un anachronisme, mais dans les œuvres symphoniques où l’inclination des maîtres détermine seule son introduction : le M. des follets, de La Damnation de Faust, de Berlioz (1848), le M. de L’Arlésienne de Bizet (1872) en sont deux brillants exemples. Les M. pour le piano, rangés dans la catégorie des morceaux de genre, ne se comptent pas.