Dictionnaire pratique et historique de la musique/Lamentation
Lamentation, n. f. Dans la liturgie catholique, le texte des trois premières leçons de l’office de matines, pour les trois derniers jours de la semaine sainte, appelé vulgairement « Ténèbres », et tiré des Lamentations de Jérémie ; ses neufs parties successives ou leçons (voy. ce mot) sont distinguées par la série des lettres hébraïques, Aleph, Beth, etc. ; on le chante sur une formule psalmodiée spéciale ainsi notée dans l’édition bénédictine de Solesmes, d’après les sources anciennes et traditionnelles :
lecture à laquelle succède, pour chaque
leçon, un répons spécial. Dès le
xve s., des pièces polyphoniques
furent composées pour servir à la
célébration de l’office des Ténèbres
et l’imprimeur Petrucci put en faire
paraître un recueil, à Venise, en 1506.
Dans celui qu’imprimèrent à Paris
Le Roy et Ballard, en 1557, figurent
auprès d’œuvres d’Arcadelt, Fevin, P. de La Rue, Claudin de Sermisy,
les L. composées vers 1515 par Elzéar
Genet, dit « il Carpentrasso », pour le
service de la chapelle pontificale, où
elles demeurèrent en usage jusqu’à
l’apparition du livre de L. dédié à
Sixte-Quint (1588) par Palestrina.
Après ce maître, le répertoire liturgique
de la semaine sainte fut enrichi
de L. et de répons par Vittoria, Ingegnieri,
Allegri, Biordi, etc. Le choix
des chants exécutés à la Chapelle
Sixtine fut plusieurs fois remanié, sur
l’ordre des Souverains Pontifes, jusqu’à
ce que, en 1815, Baini eût établi une
nouvelle tradition, comportant, pour
le mercredi saint, l’exécution des
L. de Palestrina, pour le jeudi, de
celles, anonymes, attribuées à ce
maître, et pour le vendredi, de celles
d’Allegri. Dans les célébrations de
l’office des Ténèbres, instituées en
1894 à Paris par les « Chanteurs de
Saint-Gervais » sur le modèle de la
Chapelle Sixtine, les L. sont chantées
en chant grégorien, et les répons avec
la musique de Vittoria ou celle d’Ingegnieri,
longtemps attribuée à Palestrina.
|| Le titre de L. a été donné
parfois à des ouvrages non liturgiques
dont le plus célèbre est sans contredit
la belle cantate, semi-religieuse et semi-patriotique,
de Gounod, Gallia (1871).