Dictionnaire pratique et historique de la musique/Hautbois

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Hautbois, n. m. Instrument à vent, en bois, à tuyau conique et à anche double. Le principe de sa construction est regardé comme d’origine très ancienne et a engendré plusieurs familles d’instruments dont les modèles primitifs apparaissent figurés sur les monuments de l’Égypte et se perpétuent dans l’usage des peuples orientaux. Conservés au moyen âge dans l’Europe occidentale, ils s’y divisèrent en deux familles que distingue déjà Virdung (1511) et que décrit Prætorius (1618) ; l’une constituée par les cromornes de différentes dimensions, à anche double et tube cylindrique, l’autre par le chalumeau aigu (kleines Schalmey), la douçaine (discant Schalmey), le pommer alto (plus tard appelé hautbois de chasse, ou de forêt) et les trois grandes variétés de pommer, ancêtre du basson. Le « discant » ou douçaine, est devenu le H. ordinaire. On l’employait aux xvie et xviie s. pour accompagner la danse, et Thoinot Arbeau (1589) lui trouvant quelque ressemblance avec la trompette, recommandait l’association des gros et petits H. sonnant à l’octave l’un de l’autre, disant « cette couple bonne pour faire résonner un grand bruit, tel qu’il faut ès festes de village et grandes assemblées ». Mersenne (1636) donnait au H. la même destination, lui trouvant « le son le plus fort et le plus violent de tous les instruments, si l’on excepte la trompette », ce qui le fit adopter pour la composition des premiers corps de musique militaire, organisés sous Louis xiv. Les joueurs de H. figuraient, confondus avec les joueurs de musette, dans la musique de l’Écurie (voy. ce mot) et De Pure (1665) trouvait « peu de chose à désirer » dans la manière dont ils jouaient. Ce peu de chose était la difficulté de « s’assurer sur le vent », c’est-à-dire d’obtenir un son égal et prolongé. Estimé pour le volume sonore qu’il pouvait développer, autant que par la qualité de son timbre, le H. fut longtemps regardé comme un excellent instrument de remplissage et les exécutions d’opéras, d’oratorios ou de cantates de Steffani, de Keiser, de Hændel et de Bach ont autrefois souvent comporté un nombre relativement élevé de H., doublant les parties de violon. Les exécutions du Messie, de Hændel, selon l’orchestration originale, qui ont été dirigées à Paris par Raugel en 1910, se sont conformées à cette disposition dont l’excellent résultat dans les passages en force a été constaté. C’est par l’effet des progrès accomplis par les grands virtuoses dans le jeu du H. que s’est établie la coutume de le traiter dans l’orchestre comme un instrument de solo. L’habileté des frères Besozzi y contribua largement, dans la seconde moitié du xviiie s. À cette époque, le H. n’avait encore que 3 clefs, dont deux avaient été ajoutées en 1727 par le facteur allemand Gerhard Hoffmann. Le musée du Conservatoire de Paris conserve le H. à 4 clefs dont se servait Sallantin. Le nombre des clefs fut graduellement accru et l’instrument perfectionné par Delusse (1780), Buffet (1844), Brod (1846) et surtout par Triébert (1813-1878) qui était, comme Brod, à la fois exécutant et facteur. Le seul H. actuellement en usage, — à l’exception du cor anglais (voy. ci-après) — et qui correspond à la douçaine ou « discant Schalmey », H. soprano, comporte, avec 6 trous latéraux, 10 clefs. Sa longueur théorique est de 0m,696. Il se construit en ut et sa partie se lit par conséquent sans transposition. Il fournit une échelle chromatique complète de 2 octaves et une quarte dont la première octave, du si à l’ut dièse, est en sons naturels, et dont les notes suivantes s’obtiennent en faisant octavier l’instrument.


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On peut y ajouter une ou deux notes à l’aigu par des artifices de doigté. On fabrique des H. en buis, en ivoire, plus fréquemment en ébène ou en cèdre. On a essayé d’en construire en cuivre, pour les corps de musique militaire, qui ont presque complètement rejeté l’usage de ce bel instrument, faute d’avoir continué à l’employer par masses, ainsi qu’à l’origine,
Hautbois.
et d’insister sur la qualité « claire et mordante » de son timbre, jugé autrefois martial comme celui des cornemuses britanniques, et aujourd’hui considéré essentiellement comme agreste, pour son analogie avec celui de la musette. Le rôle de « grand soliste pathétique » que lui avait assigné Bach, est passé au cor anglais. Le caractère poétique de son timbre, la faculté qu’il a de rendre des effets nuancés, délicats, élégants et légers ont été mis au premier plan par les compositeurs modernes. Dans la musique de chambre, le H. a joué un rôle d’une certaine importance : des concertos, des trios, une sonate de Hændel ; un quatuor de Mozart ; un trio pour deux H. et cor anglais et un quintette de Beethoven comportent le H. Depuis Schumann jusqu’aux modernes, l’instrument a toujours eu la prédilection des compositeurs. Des méthodes pour le H. ont été publiées par Brod (1846), Garnier, etc. || De l’ancienne famille du chalumeau, l’orchestre moderne a conservé
Cor anglais.
auprès du H. ordinaire en ut, une variété équivalente à l’ancien « pommer ténor » et au H. de chasse, ou de forêt, oboe di caccia, usité à l’époque de Bach. Le nom de Cor anglais, donné à cette variété, est inexpliqué, l’origine de l’instrument n’ayant rien de britannique. C’est, en réalité, un H. alto, sonnant en fa, une quinte au-dessous du H. ordinaire. Sa longueur théorique est de 1m. 043. Son échelle comprend 2 octaves et une quarte, du mi au si bémol.


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Sa sonorité particulièrement belle dans le médium et les dernières notes au grave lui ont fait confier le rôle pathétique autrefois tenu dans quelques œuvres célèbres par le H. soprano. Berlioz le vante comme « supérieur à tous les autres (instruments) quand il s’agit d’émouvoir en faisant renaître les images et les sentiments du passé », et il s’en est servi avec bonheur en ce sens dans la romance du Roi de Thulé, de La Damnation de Faust (1848), ainsi que Wagner dans l’introduction du 3e acte de Tristan et Isolde (1865). Le mode de notation de la partie de cor anglais a varié. En France, jusqu’au milieu du xixe s., on l’écrivait en sons réels, en clef d’ut 2e ligne ; en Italie, à la même époque, on la notait dans le ton réel, mais à l’octave inférieure. De nos jours, on l’écrit communément en clef de sol 2e ligne et en ut, ce qui nécessite, à la lecture de la partition, une transposition mentale à la quinte inférieure. || H. d’amour, variété en usage au temps de Bach, qui s’en est servi dans plusieurs de ses cantates, sonnait une tierce mineure au-dessous du H. ordinaire en ut et tenait par conséquent le milieu entre celui-ci et le cor anglais. Quelques exemplaires modernes en ont été construits par différents facteurs, pour l’exécution des œuvres de Bach. || On donne le nom de H. à un jeu d’orgues à anches, d’une sonorité brillante, imitée de celle du H. d’orchestre.