Dictionnaire pratique et historique de la musique/Gigue
Gigue, n. f. 1. Instrument
à cordes, à archet, usité au
moyen âge et formant, auprès
du rebec,
le plus petit modèle de la
famille des vièles.
Gigue.
Son
nom lat. Giga,
s’est maintenu
en all. sous la
forme Geige,
comme l’une
des dénominations
du violon.
La caisse,
à fond bombé,
sans éclisse, se
prolongeait en
s’amincissant
jusqu’au cheviller.
La table,
percée d’une ou
de deux ouïes
était recouverte, du côté du
manche, par la touche. Ses
cordes étaient ordinairement
au nombre de trois,
quelquefois quatre. On ne
connaît plus cet instrument que par les
représentations figurées qu’en ont laissées
les peintres et les enlumineurs.
|| 2. Danse populaire en Irlande dès
la première moitié du xvie s. Elle
tirait vraisemblablement son nom,
Jig ou Jigg, de l’instrument qui servait
à en guider les pas. Introduite en
Angleterre et en Écosse
sous le règne d’Élisabeth,
elle y obtint une grande
vogue et pénétra du répertoire
des bals dans celui de la musique
de chambre. Son apparition sur le
continent semble dater du séjour que
firent les souverains anglais à la cour
de Louis xiv. Un air resté populaire
dans la Grande-Bretagne, intitulé
the King’s Jig, publié sous Charles ii
et utilisé depuis comme timbre de
chansons, fait supposer que ce monarque
l’a dansée. Le livre de pièces
intitulé La Guitare royale, que Francisque
Corbet dédia à Louis xiv
en 1669, mais dont les planches
avaient été gravées en Angleterre,
renferme plusieurs G. Dès l’année
suivante, Chambonnières place une G.
en canon dans ses Pièces pour le
clavecin. En s’emparant de cette danse
populaire, les musiciens ne s’astreignirent
plus à en observer le rythme
spécial, qui se mesurait généralement
à 9/8, avec anacrouse d’une croche, et usage
fréquent du point pour accentuer
le premier triolet de chaque mesure.
Chez les compositeurs de diverses nationalités qui ont traité cette forme depuis le xviie siècle, on trouve des G. de construction binaire, mesurées sous les chiffres 2, C, 6/8, 12/8, 6/4, et d’autres ternaires, à 3, 3/4, 3/8 et 9/8. Cette incertitude montre assez que ces maîtres n’écrivent plus leurs G. en vue de la danse. Les virtuoses cherchent des effets de velouté dans l’exécution des successions rapides de triolets. D’après Brossard (1703), la gigue est « pleine de notes pointées et syncopées qui en rendent le chant gai et pour ainsi dire sautillant ». Mattheson (1720) range la Loure et les Canaries parmi les G., ce qui lui permet d’en énumérer 4 espèces. La vivacité du mouvement de la G. l’a fait souvent choisir comme morceau final de la suite. Froberger (1693) a terminé par une G. 18 sur 24 de ses suites pour le clavecin, et Hændel, 13 sur 16. Ce maître traite la G. à la manière italienne, qui est mélodique et brillante ; Bach y introduit les richesses de son style contrepointé et fugué, et il adopte presque constamment le procédé qui consiste à renverser le thème, dans la seconde reprise. Les auteurs modernes qui ont écrit des suites « dans le style ancien » y ont volontiers placé une G. finale. Le même titre a été donné, dans les ballets de quelques opéras, à des morceaux plus ou moins analogues aux modèles classiques. La jolie mélodie de Ch. Bordes, Dansons la gigue (1889), sur des vers de Verlaine, présente la particularité d’un rythme d’accompagnement formé de quatre mesures à 2/8, sur un mouvement de gigue moderne ressemblant plutôt à une sorte de zortzico (voir ce mot), où se superpose la partie vocale en deux mesures à 2/4 :