Dictionnaire pratique et historique de la musique/Croisement
Croisement, n. m. Interversion de deux objets, qui échangent entre eux leurs places. Dans la composition harmonique, passage d’une partie au-dessus de celle qui lui est normalement supérieure, et réciproquement. Les C. sont prohibés dans l’enseignement classique, sauf en des cas exceptionnels concernant la résolution des dissonances. Mais les maîtres anciens et modernes ne se croient pas tenus à toujours les éviter, et l’on en trouve dans leurs œuvres des exemples fréquents.
|| Dans le
jeu des instruments à clavier,
passage de l’une des
mains par-dessus l’autre.
Rameau, dans ses Pièces de
Clavecin (1724), s’attribue
l’invention de ce procédé,
aussi agréable, dit-il, à l’œil
qu’à l’oreille, ce que confirme
le titre d’une pièce
de L. Marchand, Le Spectacle
des mains (1748). Le
C. de mains apparaît donc,
à cette époque, comme un
artifice de virtuosité, regardé
comme propre à
gagner l’admiration du public.
Une fois passée la période de nouveauté
où ce but accessoire perdrait
son intérêt, l’on devait conserver
l’usage du C. de mains pour faciliter
le transport d’un motif dans les
régions extrêmes du clavier, et créer
des oppositions entre les sons aigus
et les sons graves. Les nombreux
exemples qui en sont offerts dans les
œuvres de Domenico Scarlatti († 1757)
font désigner ce maître comme le
véritable promoteur du C. de mains.
Beethoven et ses contemporains ont
fait un usage fréquent de ce procédé,
qui est d’un usage constant chez les
pianistes modernes. Ceux-ci, pour
éviter les changements de clef, usent
souvent d’une notation à trois portées.