Dictionnaire pratique et historique de la musique/Courante
Courante, n. f. Danse en usage du xvie au xviiie s., à laquelle on a assigné tantôt une origine italienne, tantôt une origine française. Elle paraît être issue du branle, dont elle forme une variété, sous le nom de branle courant, dans le livre de Danceries de Cl. Gervaise (1550), où elle se présente en rythme ternaire :
La description qu’en donne l’Orchésographie
(1588) explique à la fois ses
transformations musicales et sa vogue ;
on la danse, dit-il, en sautant les pas,
ce qui ne se fait point dans les basses
danses et les pavanes, et l’on y jouit
d’une grande liberté d’évolution en
tous sens, qui conduit les danseurs
habiles à se laisser aller à leur fantaisie
et au plaisir de briller individuellement,
en esquissant des figures
« en forme de jeu et de ballet ». Aussi
la C. devint-elle, en France, la danse
élégante la plus appréciée. On la
dansait « en solo » par deux personnes
seulement à la fois, et Louis xiv y
déployait « une grâce infinie ». Le
ms. de Cassel, qui contient une collection
d’airs à danser français du milieu
du xviie s., ne renferme pas moins
de cinquante C. Les musiciens allemands
cultivaient cette forme d’après
les modèles français et italiens. Le
recueil de Prætorius, Terpsichore musarum
(1612), en contient un grand
nombre ; il y en a vingt dans le Banchetto musicale de Schein (1617). Mais
ce n’était pas, en musique, une forme
fixe. On la trouve mesurée quelquefois
sur un rythme binaire, plus
souvent ternaire ; ses phrases comportent
ou non une anacrouse précédant
le premier temps ; elles se divisent
en périodes variables de quatre, six ou
huit mesures, souvent cinq, parfois
sept. Ces différences résultent d’ailleurs
souvent de la gêne imposée à l’allure
mélodique par le placement des
barres de mesure. Mersenne (1636)
attribue pour fondement rythmique
à la C. le pied ïambique, ‿ —, mais,
ajoute-t-il, « on peut lui donner telle
mesure qu’on voudra ». Maurizio
Cazzati, dans son livre de Correnti
e balli à cinq parties (1667), oppose
les C. alla francese à celles all’ italiana ;
toutes deux sont en rythme
ternaire avec anacrouse et premier
temps appuyé par l’usage du point :
Lorsque, au xviiie s., Bach, Hændel,
Rameau et leurs contemporains placent
une C. dans leurs suites, cette
forme n’a plus avec la danse qu’une
relation nominale. Succédant presque
invariablement à l’allemande, elle
contraste avec celle-ci et remplit le
rôle du fugato en mouvement rapide,
qui se rattache à l’adagio dans la
sonate et l’ouverture.
Les compositeurs
modernes qui ont écrit des
suites « en style ancien », ont traité
la C. sur le modèle de Bach, avec des
développements et quelquefois des
« doubles » en variations.