Dictionnaire pratique et historique de la musique/Cornemuse
Cornemuse, n. f. Instrument à
vent, caractérisé par un sac de cuir
servant de réservoir d’air où s’alimente
une série de tuyaux, variables en
nombre et en longueurs, dont les uns
sonnent à vide et forment bourdon,
et dont le principal, percé de trous,
permet l’exécution de dessins mélodiques.
Connu dès l’antiquité, populaire
depuis le moyen âge, cet instrument
porte des noms différents et
affecte des formes variées selon les
contrées. Il se sépare de la musette
en ce que celle-ci, plus petite, est
munie d’un soufflet par le moyen
duquel l’exécutant remplit le sac
d’air. Le genre C., dans lequel l’alimentation
en air se fait par le souffle
humain, comprend principalement la
C. française et flamande, le biniou
breton, l’ancienne bag-pipe irlandaise,
la bag-pipe écossaise, la Sackpfeife
allemande, la zampogna calabraise.
Ces variétés se subdivisent
elles-mêmes en sous-variétés.
Cornemuse.
La C.
française et flamande a
d’ordinaire deux bourdons,
dits le grand et le petit,
et un chalumeau percé de
sept ou huit trous ;
La C. de Poitou s’en
écarte par l’absence
de petit
bourdon ; le biniou
breton, de
dimensions relativement
réduites,
n’a également
qu’un bourdon ;
son chalumeau
est à sept
trous ; on l’associe
souvent à la
bombarde ; c’est de cette façon que,
pendant la guerre de 1914-1918, un
de nos régiments d’infanterie, appartenant
à une garnison de Bretagne,
marcha aux sons de ses instruments
nationaux, remplaçant le clairon. En
Auvergne, la C. est appelée cabrette,
et celui qui en joue, cabrettaïre, à
cause de la peau de chèvre dont est
fait le réservoir d’air. L’ancienne bag-pipe
irlandaise, antérieure au xvie s.,
avait deux bourdons et un chalumeau à
six trous. La bag-pipe écossaise actuelle,
dont jouent les pâtres dans leurs
montagnes et qui forme avec les tambours
la musique des régiments de
highlanders, comporte un tube à piston,
appelé blown-pipe, conduisant l’air
de la bouche au sac, d’où, par la
pression du bras gauche, il s’échappera
par quatre tuyaux à anche ; de
ceux-ci, les trois plus longs sonnent à
vide, en bourdons, rendant chacun
un son dont l’exécutant peut modifier
la hauteur par le glissement d’une
pièce qui raccourcit à volonté la hauteur
de la colonne d’air. Le dernier
tuyau, appelé chaunter (chanterelle)
est un tube conique percé de sept trous
en dessus et un en dessous, fournissant
une gamme diatonique de
neuf sons, constituée par un partage
de l’octave assez différent de celui du
système tempéré ; cette tonalité produit
à l’oreille un effet d’étrangeté
qui s’ajoute au timbre martial et
quelque peu rauque de l’instrument
et à la saveur des mélodies et de leurs
formules ornementales, pour communiquer
à l’ensemble une couleur
nationale très prononcée. La Sackpfeife
allemande se divisait, au temps
de Prætorius (1618), en quatre ou
cinq variétés dont la plus petite,
appelée Dudelsack, avait trois bourdons
sonnant la fondamentale, la
quinte et l’octave. La zampogna de la
Calabre et des Abruzzes a deux bourdons
sonnant à l’octave et deux chalumeaux
percés l’un de cinq, l’autre de
quatre trous, qui fournissent une
gamme de sol, sans dièse, et permettent
la production de quelques accords simultanés
sur la basse invariable et incessante
du bourdon. Les compositeurs
ont souvent imité les effets de bourdon
de la C. dans des ouvrages à intentions
pittoresques ou descriptives, tel que
la symphonie Harold en Italie, de
Berlioz (1834), ou dans des scènes
d’opéras et de ballets champêtres.