Dictionnaire pratique et historique de la musique/Cloche

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Cloche, n. f. Instrument de percussion en métal, en forme de coupe profonde renversée, mis en vibration, soit par le choc d’un battant suspendu à l’intérieur et qui heurte sa paroi lorsqu’on imprime à l’ensemble un mouvement de balancement, soit par celui d’un marteau placé à l’extérieur et qui frappe la Cl. restée immobile. Le principe de la Cl. est connu depuis la plus haute antiquité. Sous la forme réduite de clochette elle a de tout temps servi aux signaux. Le christianisme en a fait par excellence la voix qui appelle les hommes dans la maison de prière, et, pour lui ménager une place appropriée aux services que le culte exigeait d’elle, l’architecture a créé les clochers et les tours qui couronnent l’humble chapelle ou la splendide cathédrale ; après que la Cl. eut débordé, au moyen âge, de la vie religieuse jusqu’à la vie civile et que, sans cesser d’être la voix des temples, elle fut devenue celle des cités, on érigea les beffrois où elle sonnait les heures, le couvre-feu, le tocsin, les réjouissances et les deuils publics. Au xvie s., le traducteur du Rationale de G. Durand dénomme cinq espèces de Cl., qui ont chacune son rôle spécial. « La cloche, dit-il, sonne en l’église, l’esquelle au réfectoire, le timbre au cloître, la nole au chœur et la nolete en l’horloge ». Le nom de nole, qui venait de l’église de Nola, en Campanie, où l’évêque saint Paulin (ve s.) avait le premier fait usage des Cl., disparut avant le mot campane, qui avait le même sens et la même origine et duquel se sont formés campanaire, campanologie, etc. Le haut moyen âge connaissait deux modes de fabrication des Cl., les unes étant forgées, les autres, coulées. Une petite Cl. conservée dans le trésor de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon et qui passe pour la plus ancienne de France est faite d’une lame de cuivre battue au marteau, en forme d’une pyramide tronquée à angles arrondis, avec les bords relevés et une anse ajoutée, en bronze. Elle pèse 4 kg. 250 et n’a qu’une très faible sonorité. Après de longs tâtonnements on adopta pour le métal de Cl. un alliage d’environ 76 p. 100 de cuivre et 24 p. 100 d’étain. Les Cl. de fonte n’ont obtenu quelque succès que par l’infériorité de leur prix. Les Cl. d’acier, nombreuses en Angleterre, exigent des soins particuliers au moment de la trempe. La forme générale des Cl. a peu changé, mais les rapports de la hauteur et du diamètre, ainsi que l’épaisseur des parois sont variables. On appelle frappe la partie la plus épaisse formant un renflement près du bord de la Cl. et contre laquelle heurte le battant, cerveau sa partie supérieure fermée que recouvre la calotte et à laquelle sont fixés, en dedans, l’anneau qui porte le battant mobile, en dehors, les anses, disposées en couronne, par où passe la partie de la charpente appelée mouton. La mise en branle
Cloche (A, anses et mouton ; B, cerveau ; C, panse ; D, frappe ; E, battant).
de la Cl. a lieu par le balancement imprimé au mouton, soit à bras d’homme et au moyen de câbles, soit par l’intermédiaire d’un système de treuils et de rouages auquel on applique parfois aujourd’hui l’énergie électrique. Depuis un temps très reculé il est d’usage d’orner les Cl. de devises et de reliefs, emblèmes, blasons, figures de saints, etc., qui leur communiquent souvent une haute valeur historique. Un grand nombre de belles Cl. ont péri dans les guerres politiques et religieuses. La grosse Cl. de la cathédrale de Mende, appelée la Nonpareille, fondue vers 1515, pesant 2 500 kg., fut détruite par les huguenots en 1579 ; la Cl. Georges d’Amboise, de la cathédrale de Rouen, fondue en 1501, pesant environ 17 000 kg., fut brisée et monnayée pendant la Révolution. La plus grande Cl. du monde, le Tsar Kolokol du Kremlin de Moscou, fondue en 1734, brisée dans un incendie qui détruisit sa charpente en 1737, pesait, selon l’estimation la plus vraisemblable, 221 650 kg. et mesurait 7 m. de diamètre. Le second rang, par ordre de dimensions, appartient à une autre Cl. de Moscou, appelée Trotzkoï, du poids de 164 000 kg. Bien au-dessous de ces poids monstrueux, on cite, parmi les plus grosses Cl., celle de la basilique du Sacré-Cœur, à Paris, dite la Savoyarde, fondue à Annecy en 1891, pesant 18 711 kg., et mesurant 3 m. 03 de diamètre ; la grosse Cl. de la cathédrale Saint-Paul, à Londres, 17 500 kg. ; le bourdon de Notre-Dame de Paris, 13 225 kg. ; la Mute, de la cathédrale de Metz, fondue en 1605, pesant 10 920 kg. ; la Cl. Charlotte, de la cathédrale de Reims, datée de 1570, pesant 10 450 kg. La plus ancienne Cl. d’un poids supérieur à 5 000 kg. qui sonne encore aujourd’hui paraît être celle de Ratisbonne (Bavière), fondue en 1325. L’une des difficultés de la fabrication des grosses Cl. est d’arriver à une parfaite égalité d’épaisseur, sans laquelle se produisent des battements souvent perceptibles à une oreille attentive. Le phénomène de la résonance peut également être étudié dans les vibrations des grosses Cl., et G. Sizes a établi sur des observations ainsi recueillies une partie de sa théorie des sons inférieurs. Les musiciens ont souvent introduit ou imité le son des Cl. dans l’orchestre, mais Gevaert a signalé l’erreur où ils tombent communément en le notant deux octaves trop bas. Meyerbeer, au 4e acte des Huguenots, a noté le tocsin de la Saint-Barthélémy sur les notes fa-ut, en clef de fa (fa sur la 4e ligne et ut au-dessus de la portée), qui nécessiteraient des cloches pesant 9 628 kg. et 2 862 kg. 5. Le nombre des vibrations d’une Cl. est en raison inverse de la racine cubique de son poids. Si l’on veut connaître le poids d’une Cl. sonnant à l’octave inférieure d’une première Cl. donnée, on multiplie par 8 le poids de celle-ci, et l’on obtient, selon les calculs de Mahillon, la série suivante, de ut en ut :


\language "italiano"
melody = \relative do''' {
  \override Staff.TimeSignature.color = #white
  \override Staff.TimeSignature.layer = #-1
  do1_\markup { "44.K.8." } \bar "||" \time 6/4 do,_\markup { "358.K.4." } s4 s4 \bar "||"
  \clef bass do,1_\markup { "2867.K.2." } s2 \bar "||" 
  do,1_\markup { \lower #3 "22937.K.6." } s4 s4 \bar "||" s4 do,1_\markup { "103500.K.8." } s4 \bar "||"
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \autoBeamOff \melody }
  >>
  \layout {
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    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}

On s’est donc occupé de construire des appareils propres à imiter le son des Cl. en des proportions d’intensité appropriées à l’orchestre. On a établi des barres, des spirales, des tubes de métal, accordés au ton voulu et frappés à coups de maillet. (Voy. Carillon.) En d’autres cas, les compositeurs ont tenté de produire, par des associations de timbres choisis dans l’orchestre, l’illusion d’un son de Cl. Rimsky-Korsakow, dans l’ouverture de la Grande Pâque russe fait résonner en pianissimo le triangle, les cymbales touchées par une baguette, et le tam-tam, au milieu d’accords très simples et très doux que forment, avec les harpes, les instruments à cordes en pizzicati et les instruments à vent en longues tenues. Dukas représente par un accord dissonant, que prolonge au grave la sonorité creuse d’une quinte nue, le bourdonnement confus et chargé de résonances d’une grosse Cl. sonnant dans le lointain :


\language "italiano"
melody = \relative do' {
  \override Staff.TimeSignature.color = #white
  \override Staff.TimeSignature.layer = #-1
  \clef bass
  \key si \major
  << { <do lad! fad mi>1-> | <do lad! fad mi>->  } \\ { \stemUp r4 <mi,, lad,>2._\p | r4 <mi lad,>2. } >> | 
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \autoBeamOff \melody }
  >>
  \layout {
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             }
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               \override SpacingSpanner.base-shortest-duration = #(ly:make-moment 1/64)
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    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}