Dictionnaire pratique et historique de la musique/Clavicorde
Clavicorde, n. m. Instrument à
cordes frappées et à clavier, issu du
manicordion joué au moyen âge par
les jongleurs musiciens et appelé également
échiquier, eschaqueil d’Angleterre,
dulcimer et en all. Schachbrett
(échiquier). Son mécanisme, d’une
extrême simplicité, ne comporte qu’un
levier, dont une extrémité, formant
la touche, s’abaisse sous la pression
du doigt, tandis que l’autre, brusquement
relevée, supporte un petit
morceau de laiton dressé, qui va
frapper la corde en dessous. Sa caisse,
rectangulaire, sans pieds, se posant
sur une table ou sur un support
séparé, présente le clavier sur un des
côtés de plus grande longueur.
Clavicorde primitif.
D’après
Virdung (1511) le clavier contenait
38 touches, soit trois octaves et une
tierce chromatiques. Dans le xviie s.
on lui donnait 45 touches, comme au
clavecin, mais il différait de celui-ci
par cette particularité essentielle de
compter environ moitié moins de cordes
que de touches, soit de 22 à 26 cordes
pour 45 touches. Toutes les cordes
étant de même longueur et chacune
répondant à deux ou plusieurs touches,
celles-ci, au moyen de leviers contournés,
les attaquaient en des points
différents. Les facteurs prenaient
soin d’éviter que les touches fussent
dans le cas d’appeler à résonner à la
fois deux sons sur la même corde.
Mais ce système, qui était dit lié,
bornait les ressources harmoniques
de l’instrument. On ne commença
que vers 1720 à construire des Cl.
« indépendants » (en all. Bundfrei),
ayant une corde par touche. Si primitif
qu’il fût, le mode d’attaque de
la corde laissait place à une certaine
gradation dans l’intensité sonore. Le
son, toujours faible, pouvait être
affaibli par une moindre pression.
On le trouvait poétique, doux, mélancolique.
En ajoutant au mécanisme
des étouffoirs de drap s’appliquant
sur les parties de la corde que l’on
voulait empêcher de vibrer, on acheva
de rendre le timbre de l’instrument
voilé et délicat. C’était un instrument
de demi-teinte et d’intimité. Quoique
Forkel ait assuré que Bach le jouait
volontiers, rien dans ses œuvres ne
paraît lui être destiné, et dans sa
succession, qui comprenait cinq clavecins
et une épinette, ne figurait
aucun Cl. Emmanuel Bach, au contraire,
aimait le Cl. et lui a visiblement
consacré quelques œuvres,
notamment la deuxième de ses Sonates
pour les connaisseurs (1779).
C’est lui qui sortit de l’ombre cet
instrument, peu estimé auparavant.
Le clavecin à marteaux, inventé
presque simultanément à Florence
par Cristofori (1711), à Paris, par
Marius (1716), en Allemagne, par
Schrœter (1717), reposait sur le principe
du Cl., qu’il relégua dans les
greniers et les musées, vers la fin du
xviiie s. (Voy. Clavecin, Piano.)