Dictionnaire pratique et historique de la musique/Clarinette

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Clarinette, n. f. Instrument à vent, en bois, à tube cylindrique et à anche. On admet généralement qu’elle fut inventée vers 1690-1700 par Denner, de Nuremberg, sous forme d’un perfectionnement de l’ancien chalumeau. Cependant Mattheson l’ignorait encore en 1713. Walther, en 1732, remarque qu’elle sonne, de loin, comme une trompette. En 1739, deux joueurs de Cl. sont mentionnés à Francfort. En 1749 et 1751, Rameau place des parties de Cl. dans l’orchestre de Zoroastre et d’Acanthe et Céphise. On entend des Cl. au Concert spirituel, à Paris, depuis 1754, dans les symphonies de Ruggi, Schencker, Stamitz. Ce dernier les introduit à Mannheim en 1758. On traite à cette époque les parties de Cl. comme des parties de hautbois, et on les désigne quelquefois par le nom de clarini, qui prête à des confusions. (Voy. Clarino.) Vers 1770, le sens des deux mots est séparé, et la musique spéciale pour Cl. solo ou Cl. d’orchestre est enfin nettement définie. Ce progrès coïncide avec le perfectionnement de l’instrument, qui ne comportait d’abord que deux clefs, et en reçoit une troisième vers 1760. Sa construction, à cette époque, est encore sujette à des écarts de forme et de dimensions. On la fait le plus souvent en buis, quelquefois en ébène, dans plusieurs tons, avec des corps de rechange. Les Cl. du facteur Amlingue, de Paris (1782), ont 5, 6 ou 7 clefs. On attribue au virtuose Iwan Muller l’invention de la Cl. à 13 clefs (1811), permettant de jouer dans différents tons sans corps de rechange. En lui appliquant le système Bœhm, qui comporte, comme dans la flûte, un grand nombre de clefs et d’anneaux mobiles, Klosé réforma le doigté de la Cl. (1843). Le nombre des modèles de Cl. atteint une quinzaine. On les classe en petites Cl., formant le soprano aigu de la famille, construites en la , fa, mi , et  ; le type en mi figure aujourd’hui dans les orchestres militaires ; — Cl. ordi
Clarinette.
naires, équivalant au soprano, construites en ut, si, si , la ; le modèle en si, employé dans une œuvre de Mozart, est depuis longtemps abandonné ; le modèle en ut tend à disparaître de l’orchestre symphonique, où subsistent régulièrement les Cl. en si et en la ; la première est brillante ; c’est « l’instrument des virtuoses » ; la Cl. en la possède « une suavité incomparable » (Gevaert), une « incomparable noblesse » (Widor) ; — Cl. alto en fa et en mi  ; la Cl. en fa, dite cor de basset, d’après son nom allemand, Basset-horn, passe pour avoir été inventée en Bavière, en 1770 ; son timbre grave et doux contraste avec celui des Cl. ordinaires ; — Cl. basses, en si et en la, inventées, selon les uns, par l’Allemand Greuser (1793), selon d’autres, par l’Italien Papalini ; Ad. Sax, vers 1836, fit adopter un modèle qui comportait 21 clefs, sur un corps de buis ; mais son essai de Cl. bourdon ou Cl. contre-basse, sonnant à l’octave au-dessous de la Cl. basse, ne réussit point, non plus que celui de Fontaine-Besson, qui proposa des Cl. contrebasses
Cor de basset.
munies d’une branche d’embouchure et terminées par un tube conique coudé en métal ; — la Cl. d’amour dont les musées conservent quelques spécimens du xviiie s., tenait le milieu entre la Cl. ordinaire et le cor de basset. Pour toutes les variétés, la partie de Cl. se note en ut. On divise l’étendue de l’instrument en trois registres, dits chalumeau, médium et clairon ou aigu. La Cl. en ut, prise comme étalon, fournit quatre octaves et une quarte, qui sonnent et s’écrivent, en notes réelles :


\language "italiano"
melody = \relative do {
\clef "bass"
  \once \override Staff.TimeSignature.color = #white
  \once \override Staff.TimeSignature.layer = #-1
  \time 10/4
  \override Stem.length = #0
  mi1 \clef "treble" si''!4 \ottava #1 mi'1 la4 \bar "||"
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \autoBeamOff \melody }
  >>
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
             }
    \context { \Score
               \override SpacingSpanner.base-shortest-duration = #(ly:make-moment 1/32)
    }
    indent = 0\cm
%    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}

L’échelle est chromatique. Le cor de basset a le même ambitus que la Cl. en ut, une septième au-dessous. En raison de sa perce cylindrique, la Cl. n’octavie pas, elle quintoye, c’est-à-dire que, pour la production des sons harmoniques, elle saute à la douzième de la fondamentale, ou double quinte. Dans la Cl. en ut, les sons se produisent ainsi, comme 3e harmonique, à partir du si naturel, clef de sol, et les derniers à l’aigu, difficiles à donner, comme harmoniques 5 et 9. L’instrument se prête à l’exécution des traits rapides, gammes chromatiques, trilles, arpèges, batteries, notes répétées, etc. Il fournit les nuances d’intensité les plus délicates, les oppositions les plus tranchées. Mozart est le premier maître qui ait fait de la Cl. un emploi conforme à ses ressources. Ses œuvres de musique de chambre contiennent notamment un Adagio pour 2 Cl. et 3 cors de basset (1782) et un Quintette en la, pour Cl. et instruments à cordes, écrit pour le clarinettiste Stadler (1789) et dont le larghetto tout au moins est universellement célèbre ; sa Symphonie en mi , d’où les hautbois sont absents, attribue un rôle intéressant aux Cl. Beethoven n’a guère écrit une œuvre pour l’orchestre sans les y faire figurer. Weber a marqué pour elles une véritable prédilection. Berlioz, qui dépeignait leur timbre comme « la voix de l’héroïque amour », l’a choisi pour exprimer la douleur d’Andromaque devant le tombeau d’Hector, dans La prise de Troie (1856). Wagner a employé à peu près tous les types de Cl. et en a fait souvent les interprètes de ses thèmes les plus pénétrants. Les œuvres des maîtres russes, et notamment celles de Rimsky-Korsakow, offrent des exemples nombreux de l’emploi des divers modèles de Cl. Dans la musique de chambre moderne, on rappellera le Trio pour piano, Cl. et violoncelle, de V. d’Indy, op. 29 (1887), et le Quintette de Brahms, pour Cl. et instruments à cordes, op. 115 (1892). — Les Cl. employées par masses tiennent aujourd’hui le rôle des violons dans les orchestres d’instruments à vent, militaires ou civils. Pour cette destination, on les construit généralement en cuivre. Parmi les arrangements qui alimentent le répertoire de ces bandes, on a pu entendre exécuter une Valse de Chopin par 24 Cl. Des méthodes pour Cl. ont été publiées par Lefèvre (1802), Vanderhagen, Baermann, Klosé, Berr (1836), etc. Les traités d’instrumentation de Gevaert (2e éd.) et de Widor (4e éd., 1910) contiennent des tableaux notés de l’étendue de chaque variété de Cl. de la concordance de leur notation en ut avec les sons réels, et des formules de trilles qui leur sont accessibles. || On donne le nom de Cl. à un jeu d’orgues à anche, de 8 pieds, dont la sonorité tend à imiter celle de la Cl. d’orchestre.