Dictionnaire pratique et historique de la musique/Chapelle-musique

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Chapelle-musique, n. f. Réunion de musiciens attachés au service de la chapelle privée d’un souverain. La Chapelle pontificale, issue de la Scola cantorum établie par le Pape saint Grégoire le Grand († 604), fut le prototype de toutes les institutions de ce genre. Elle fut réorganisée sous l’influence française pendant le séjour de la Papauté à Avignon (xive s.). Dans le même temps, le roi de France, Charles v, avait, au dire de Christine de Pisan, « souveraine chapelle », et ses musiciens chantaient « à déchant » les dimanches et fêtes. Charles vii et Louis xi eurent pour « premier chapelain » et maître de chapelle le grand contrepointiste flamand Jean de Ockeghem († 1495), sous les ordres duquel se groupaient 11 ou 12 chanteurs recrutés avec soin, comme ceux de tous les établissements similaires, dans la France du Nord et les provinces belges. « Les Belges, les Picards et les Français, disait Adrien Petit (1552), ont un talent naturel qui leur permet d’arracher aux autres la palme. » Cependant à la même époque la chapelle pontificale était divisée entre trois « nations », les Italiens, les Français et les Espagnols, et les souverains de la maison d’Autriche, qui entretenaient trois chapelles, à Vienne, pour le service de l’empereur, à Bruxelles, pour le gouverneur des Pays-Bas, à Madrid, pour le roi d’Espagne, peuplaient cette dernière d’Espagnols et recevaient dans la première des Allemands. La chapelle-musique du roi d’Angleterre se recrutait uniquement dans les Îles Britanniques. En 1515 à Bologne, en 1520 au camp du Drap-d’Or, en 1532 à Boulogne-sur-Mer, La Chapelle du roi de France fut appelée à rivaliser avec celles du Pape Léon x et de Henry viii en des rencontres mémorables. En 1532 elle avait pour « Maître » le cardinal de Tournon, archevêque de Bourges, et pour chef musical, ou « Sous-maître », le compositeur Claudin de Sermisy. Vingt chanoines-chantres et plusieurs clercs, ainsi qu’un « noteur » ou copiste de musique en formaient le personnel, qui était distinct de celui de la « chapelle de plain-chant », composée de douze chantres et trois clercs. En 1619, sous Louis xiii, la chapelle royale, ne formant plus qu’une organisation unique présidée par l’évêque de Carcassonne, comptait deux sous-maîtres, Nicolas Formé et Eustache Picot, 24 chantres, un joueur de cornet, deux maîtres de luth pour les enfants et plusieurs chapelains et clercs ; le service y était réglé par semestre, et les gages formaient un total de 28 600 l. t. valant 112 000 fr. de notre monnaie. Louis xiv, en 1683, réorganisa sa chapelle, y fit entrer, auprès de l’orgue, l’accompagnement de l’orchestre et se fit lui-même juge d’un concours à la suite duquel il désigna quatre « sous-maîtres », Goupillet, Minoret, Collasse et R. de Lalande, pour servir par « quartiers ». La chapelle exécutait chaque jour un « grand motet » à la messe du roi et un autre à la messe de la reine. Elle subsista jusqu’à la Révolution, fut rétablie sous Napoléon Ier, et supprimée en 1830. Les chefs d’État n’étaient pas seuls à prétendre au luxe d’une chapelle-musique. C’est pour la chapelle privée du duc de Chandos, au château de Cannons, que Hændel composa douze de ses grandes antiennes. || Dans l’Allemagne protestante, le nom de Capelle ou Kapelle, détourné de son sens propre, fut appliqué d’abord à un orchestre à la solde d’une ville ou d’un prince, puis à un orchestre quelconque, civil ou militaire. Par un enchaînement logique, le terme de Capellmeister, traduction littérale de « maître de chapelle », est devenu dans la langue allemande l’équivalent de « chef d’orchestre ».