Dictionnaire pratique et historique de la musique/Chacone

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Chacone, n. f. Ancienne danse d’origine supposée espagnole ou basque, en rythme ternaire, d’allure modérée, divisée en courtes reprises de 4 mesures. Le recueil de Musiche varie de F. Mannelli (1636) contient trois Ch. chantées à 2 et 3 voix, dont la dernière, dite La Luciata, est « à sonner avec divers instruments ». Vers la fin du xviie s., la Ch. prit une importance toute spéciale dans la musique instrumentale, comme type d’une forme particulière de variations. « C’est, dit Brossard (1703), un chant composé sur une basse obligée de 4 mesures, pour l’ordinaire en triple de noires (mesure à 3/4), et qui se répète autant de fois que la Ch. a de couplets ou de variations, c’est-à-dire de chants différents composés sur cette basse ». Une Ch. pour orgue de Pachelbel (vers 1692) présente 31 répétitions consécutives de cette simple succession :


\language "italiano"
melody = \relative do {
  \clef "bass" 
  \time 3/4
  re,2. | mi | fa2 sol4 | la2. \bar ":|."
}
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  \new Staff { \melody }
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
             }
    \context { \Score
               \override SpacingSpanner.base-shortest-duration = #(ly:make-moment 1/32)
    }
    indent = 0\cm
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}


sur laquelle le compositeur dispose des dessins de plus en plus animés et brillants. Georges Muffat compose de même la Ch. contenue dans son Apparatus musico-organisticus (1690). Bach fait reposer le dernier chœur de sa Cantate : Nach dir, Herr, verlangett mich (1712), sur un thème presque identique :


\language "italiano"
melody = \relative do {
  \clef "bass" 
  \key re \major
  \time 3/2
  \stemUp
  si1 si2 | dod1 dod2 | re1 re2 | mi fad fad, | si1 s2_\markup { \italic "etc." }
}
\score {
  \new Staff { \melody }
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
             }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}


Des Ch. pour le violon se trouvent dans la 4e Sonate de Bach, dans la 12e sonate de l’op. 2 de Corelli ; des Ch. pour le clavecin, dans les Pièces de Hændel (1720) et les Componimenti de Gottlieb Muffat (1739). La distinction entre la Ch. et la passacaille (voy. ce nom), qui a embarrassé les historiens, paraît résider en ce que, dans la Ch., on maintient une tonalité unique, tandis que la passacaille comporte des modulations. Cette habitude de varier de nombreuses répétitions d’un dessin très court offrait une disposition favorable à des ballets d’opéra ; il y eut donc des Ch. dans plusieurs grands ouvrages représentés à l’Opéra de Paris pendant le xviiie s. L’une des premières fut celle de Pyrame et Thisbé, de Rebel et Francœur (1726) ; on apprécia presque à son égal la Ch. ajoutée par Aubert à la partition d’Alcione, de Marais, pour la reprise de 1756 ; mais on vanta surtout celle de L’Union de l’Amour et des Arts, de Floquet (1773), que dansèrent ensemble Vestris et Gardel. Ces Ch. étaient écrites dans la mesure à 2 temps.