Dictionnaire pratique et historique de la musique/Archet

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Archet, n. m. Baguette garnie d’une mèche de crins dont le frottement met en vibration les cordes du violon ou des instruments de la même famille.
Archets.
Connu dans l’Extrême-Orient depuis une haute antiquité et perfectionné par les Arabes, mais ignoré des civilisations gréco-latines, l’A. pénétra dans l’Europe occidentale vers le viiie ou ixe s. avec le rebec (voy. ce nom). Sa forme demeura longtemps celle de l’arc qui lui a donné son nom et se modifia lentement par allongement et par le redressement que permit l’addition d’une hausse ou pièce rapportée, servant à attacher les crins à l’extrémité inférieure.

Au xvie s., la hausse fut munie d’une crémaillère permettant d’augmenter ou de diminuer la tension des crins. Moins rapides que ceux de la lutherie, les progrès de l’A. furent déterminés par ceux de la musique elle-même, qui, devenant plus variée, plus riche et plus nuancée, exigeait des moyens d’exécution plus délicats et plus dociles. Le violoniste Tartini, vers 1740, leur donna une impulsion décisive en exigeant une baguette plus longue et plus légère, marquée de cannelures à sa base, de façon à ne point tourner dans la main. Tandis que l’art de la construction des instruments à cordes avait atteint en Italie son apogée, c’est en France que la facture des A. fut portée à son point de perfection. Tourte le père, établi à Paris vers 1740, passe pour avoir le premier remplacé la crémaillère par une vis à pression faisant avancer ou reculer la hausse pour tendre la mèche à volonté. Son fils François, dit Tourte le jeune (1747-1835), fixa définitivement la longueur des A., pour le violon à 0 m. 74 ou 0 m. 75, pour l’alto à 0 m. 74, pour le violoncelle à 0 m. 72 ou 0 m. 73. Il inventa le recouvrement par une place de nacre de l’extrémité de la mèche attachée à la hausse, et la virole métallique servant à établir régulièrement les crins ; il choisit entre toutes les essences le bois de Fernambouc, ou bois de Brésil, importé jusque-là comme matière tinctoriale et dont il découvrit les qualités de résistance et d’élasticité ; il détermina enfin les règles de l’amincissement progressif de la baguette, de sa cambrure, obtenue au feu, de son diamètre et de l’équilibre de poids entre ses différentes parties, avec une telle précision, que ses modèles furent universellement recherchés, imités et rarement sinon jamais égalés. Les quatre figures ci-jointes représentent la forme de l’A. au temps de Virdung (1511), de Kircher (1650), de Tartini (vers 1740), et de Tourte jeune et Viotti (fin du xviiie s.). Le maniement de l’A. forme une partie essentielle du jeu des instruments à cordes, où il correspond au toucher dans le jeu du piano. L’intensité du son et les nuances du phrasé et de l’expression en dépendent uniquement : aussi les grands virtuoses y ont-ils toujours attaché une importance primordiale. Tartini a intitulé L’Art de l’archet un de ses principaux ouvrages, et Baillot a consacré à l’A. 50 pages de sa Méthode (1834). Sous le même titre que Tartini, L. Capet a publié récemment (1915) un ouvrage considérable. Plusieurs signes spéciaux introduits dans la notation se rapportent au mode d’exécution par l’A. ; il est admis que toute série de notes surmontée du signe de liaison doit être jouée d’un seul coup d’A., soit qu’elle se compose en effet de notes liées, soit que les sons doivent être détachés, ce que l’on marque par un point surmontant chaque note sous le signe de liaison. Le tiré de l’A. se prescrit par 𝆪, le poussé, par V. Les lettres T, M et P indiquent à l’exécutant qu’il doit faire usage du talon, du milieu ou de la pointe de l’A. || Par abrév., on dit parfois archets pour désigner les instruments à A. ou ceux qui en jouent : « cet orchestre compte d’excellents A. » ; « un quatuor d’A. ». Cette dernière locution est la traduction littérale de l’allemand Streichquartett.