Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure/BEAUTÉ

◄  BEAU
BERCEAU  ►

BEAUTÉ. La beauté, ſelon Gallien, eſt un juſte accord & une harmonie des traits du viſage, & des membres les uns avec les autres, animés d’un bon tempérament. On ne convient pas trop de ce en quoi conſiſte cet accord & cette harmonie ; la beauté ſemble n’être qu’une maniere d’être du ſujet, qui plaît plus ou moins ſelon qu’elle affecte les yeux des ſpectateurs entichés très ſouvent de préjugés à cet égard ; car en fait de configuration des parties extérieures du corps, la beauté en général réſulte des différens traits, des différentes proportions & rapports, ſelon les différens pays. Un nez que nous appellons camard, eſt un trait de laideur quant à nous, & c’eſt un trait de beauté chez les Négres. Mais en général la beauté conſiſte dans ce qui nous affecte d’une manière à élever nos ſentimens, & à exciter notre admiration. V. Beau, Gracieux. C’eſt l’objet que les Peintres doivent ſe propoſer dans leurs tableaux.

Les Anciens louoient une certaine ſtatue de Polyclete qu’ils avoient nommée la régle, parce qu’elle avoit dans toutes ſes parties un accord ſi parfait, & une proportion ſi exacte qu’il n’étoit pas poſſible d’y trouver à redire. La nature ne raſſemble pas ordinairement dans un même ſujet tous les traits qui concourent à former un beauté parfaite ; les Peintres doivent donc choiſir de pluſieurs corps les parties qui leur ſemblent les plus belles, & de cette diverſité compoſer une figure avec tant de prudence & ſi à propos, qu’ils ſemblent n’avoir eu pour modele qu’une ſeule beauté. C’eſt une maxime qui regarde les Sculpteurs comme les Peintres. Les Anciens l’ont obſervé ſcrupuleuſement, auſſi leurs ouvrages ſont aujourd’hui les meilleurs modeles qu’on puiſſe ſuivre.

La beauté dont il eſt queſtion par rapport à la Peinture, eſt celle des proportions de tous les membres & de toutes leurs parties, & non pas de ce qu’on appelle beauté, quant aux traits du viſage des femmes, quoique cette eſpece de beauté doive également faire l’étude du Peintre d’hiſtoire. La Statue de Polyclete, n’étoit recommandable que par ſes proportions, encore dans un ſeul âge, & ne pouvoit ſervir de modele pour tous. Le beau n’eſt pas arbitraire dans cette partie : il eſt fondé ſur l’examen répété & comparé dans les ſujets des deux ſexes les plus agiles, & les mieux conſtitués.

On dit auſſi des beautés fuyantes. Voyez Fuyant & Passager.