Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/CHAMPIGNON

inconnu
Lottin le Jeune (p. 149-152).

CHAMPIGNON : plante fongueuse dont il y a plusieurs especes, & presque toutes dangereuses. La plus sûre & la meilleure, est celle qui vient sur couche. Le goût agréable qu’elle a, fait qu’on s’en sert beaucoup en cuisine, & qu’elle est devenue un ingrédient nécessaire dans presque tous les ragoûts, soit en substance, ou en jus, en coulis, en sauce, en ragoût.

Champignons à la crême. Coupez en dés ; faites cuire à grand feu dans une casserole, avec beurre, sel, poivre, muscade, bouquet de fines herbes ; lorsque la sauce sera réduite, mettez-y de la crême fraîche, & servez.

Champignons au four. Mettez-les dans une terrine, avec lard, beurre frais, persil, ciboules entiers, sel, poivre & muscade. Faites cuire au four ; quand ils seront bien rissolés, panez-les, & servez avec persil frit.

Champignons au four autrement. Prenez les plus gros ; épluchez & les laissez entiers ; hachez-en quelques-uns avec persil, ciboules & pointes d’ail ; passez le tout un tour ou deux sur le feu, avec de l’huile. Dressez sur un plat, l’huile par-dessus, fines herbes, sel, gros poivre ; saupoudrez de mie de pain, & mettez au four.

Champignons au gras. (Ragoût de) Prenez-les petits ; épluchez ; lavez, égouttez, & mettez dans une petite casserole avec lard fondu, bouquet, sel, poivre ; mouillez de jus de veau, & faites mitonner à petit feu. Dégraissez & liez d’un coulis de veau & de jambon : il sert pour tout ce qu’on veut, & pour entremets.

Champignons au maigre. (Ragoût de) Il se fait, comme le précédent, si ce n’est qu’on met du beurre, du bouillon de poisson & du coulis d’écrevisse, à la place du lard, bouillon & coulis de veau & de jambon.

Champignons. (Coulis de) Prenez du jus, faites comme dessus ; faites-y tremper des croûtes de pain ; quand elles seront bien trempées, passez-les à l’étamine, pour vous en servir au besoin.

Champignons frits. On les peut frire cruds ; on les fait bouillir ensuite dans de petit vin blanc, & on les assaisonne de sel, gros poivre, & un jus d’orange.

Champignons frits autrement. Épluchez & faites amortir à la casserole avec un peu de bouillon gras, ou de poisson, ou purée claire. Saupoudrez de farine, poivre, & sel menu ; faites frire au beurre, ou sain-doux ; servez pour entremets, garni de persil frit avec un jus d’orange.

Champignons. (Jus de) Nettoyez-les bien, & les passez à la casserole, au lard, ou au beurre ; faites-les bien rissoler, jusqu’à ce qu’ils s’attachent. Lorsqu’ils seront bien roux, mettez-y un peu de farine, & faites-la rissoler encore avec les champignons. Mouillez de bon bouillon gras, ou maigre, laissez bouillir un instant ; retirez, & mettez le jus à part ; assaisonnez de sel, & d’un morceau de citron. Quant aux champignons hachés menu, ou entiers, ils peuvent encore servir pour garnitures de potages, entrées, ou entremets.

Champignons. (Maniere de conserver les) On peut les faire cuire & les conserver de la même maniere que les culs d’artichauts, ou les fricasser & les mettre dans un pot avec du beurre fondu par-dessus, pour les empêcher de prendre l’évent. Au bout de trois semaines, levez ce beurre, & en mettre d’autre salé d’un travers de doigt d’épaisseur, & ainsi de suite de mois en mois, & les tenir en lieu frais.

Champignons. (Autre maniere de conserver les) Épluchez & lavez vos champignons ; passez-les un peu au beurre avec des épices. Mettez dans un pot avec un peu de saumure, du vinaigre, & beaucoup de beurre par-dessus, & couvrez bien. Il faut les dessaler, avant de s’en servir.

Champignons. (Autre maniere de conserver les) Pilez-les, & mettez-les à mesure dans l’eau fraîche. Faites chauffer de l’eau avec feuilles de laurier, marjolaine & ciboules ; faites-y faire quelques bouillons à vos champignons ; tirez-les ensuite, & les laissez égoutter sur un clayon : ensuite mettez-les dans un pot avec cloux, poivre, oignons, sel, laurier, bon vinaigre ; & bouchez bien.

Champignons. (Poudre de) Ayez de bons champignons, la quantité que vous voudrez, autant de morilles, & de truffes ; épluchez bien le tout ; faites sécher au soleil, ou au four, après le pain cuit. Pilez le tout dans un mortier. Passez au tamis, & mettez cette poudre dans une boëte bien close : on s’en sert toute l’année dans les ragoûts, pâtés chauds & froids, pour assaisonner des lardons. On peut se servir de champignons simplement.

Champignons & mousserons. (Rissoles de) Passez des champignons & mousserons coupés en dés, avec un morceau de beurre, un bouquet, une tranche de jambon, une pincée de farine ; mouillez d’un peu de réduction, deux cuillerées de coulis, du bouillon, & sel ; faites cuire & dégraissez ; la sauce étant liée, mettez un jus de citron, & laissez refroidir. Faites de petites abaisses de pâte brisée ; recouvrez de pareilles abaisses ; bordez-les bien ; faites faire de belle couleur.

Champignons. (Sauce aux) Nettoyez, lavez & hachez ; mettez à la casserole avec un coulis clair de veau & de jambon ; assaisonnez, & laissez mitonner. Que la sauce soit de bon goût. [Voyez le Dictionnaire domestiques, chez Vincent, rue Saint Severin, pour les couches de champignons.]

Observation médecinale.

Les champignons les mieux choisis pour l’espece & le degré de maturité, & bien cuits, sont un aliment échauffant, qui, quoique difficile par lui-même à digérer, favorise cependant la digestion des autres alimens. Je n’exhorterai pas à les bannir de la cuisine, puisque ni le jugement défavorable que les médecins en ont porté de tout tems, ni les maux que tout le monde sçait qu’ils produisent, n’ont encore pu déterminer les gens les plus instruits à s’en priver. J’avertis seulement les personnes délicates, & dont l’estomac est foible ; celles qui sont sujettes aux maladies nerveuses, aux maux d’estomac, aux coliques des intestins, aux dévoiemens & dyssenteries, que les champignons sont un des alimens & même des assaisonnemens qu’elles doivent s’interdire avec le plus de soin. Quand aux convalescens, il suffit de leur dire que cet aliment renouvellera bientôt leurs maux, ou leur en causera d’autres. S’ils s’en permettent même une petite quantité, le souvenir de la maladie les rendra, sans doute, plus dociles.