Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/CERISES

inconnu
Lottin le Jeune (p. 141-147).

CERISES : fruit rouge & succulent, d’une saveur un peu vineuse ; le premier, avec les fraises, des fruits. Il y en a de précoces, d’hâtives ; mais les meilleures sont celles à courtes queues ; telles que les coulars, ou cerises de Montmorency.

On distingue plusieurs autres especes de cerises, telles que les guignes, les bigarreaux, les cœurets, le guindoux, les merises, les griottes ou agriottes. La guigne differe de la cerise, en ce qu’elle est blanche d’un côté, d’un rouge moins vif que la cerise, & d’une saveur douce ; elle ressemble plus au bigarreau par la figure & le goût, mais sa chair est plus molle. Le bigarreau est plus indigeste, & sujet aux vers. Le cœuret est à-peu-près de même nature. Les merises sont le fruit d’une espece de cerisier qui vient dans les bois ; ce fruit est petit & noir, & teint les doigts & la bouche d’un noir purpurin. En général, les cerises sont un fruit du plus grand usage, & toutes les especes se consomment ; mais les cerises proprement dites sont celles dont on se sert le plus, & qu’on emploie à plus de différens procédés : c’est d’elles particuliérement que nous allons parler dans les articles suivans.

Cerises à l’eau-de-vie. Choisissez-les claires & grosses ; coupez la queue à moitié ; lavez-les à l’eau fraîche, & les faites ressuyer. Mettez-les en bouteilles avec un peu de jus de cerises & de framboises ; ensuite baignez-les d’eau-de-vie avec cinq quarterons de sucre par pinte, & assaisonnez avec un sachet dans lequel vous mettrez de la cannelle, de la coriandre, du macis, & fort peu de poivre long. Retirez le sachet, quand votre liqueur en aura suffisamment pris le goût.

Cerises à oreilles. Choisissez les plus belles ; ôtez le noyau. Faites-leur faire quelques bouillons au sucre cuit à soufflé, & les laissez ensuite dans ce sucre jusqu’au lendemain. Tirez-les & les égouttez ; faites cuire le sucre au grand perlé, & y remettez le fruit ; faites-lui faire quelques bouillons couverts, écumez bien. Tirez-les de leur sucre, & les faites égoutter & sécher ensuite à l’étuve après les avoir saupoudrées de sucre. Pour les servir, on les fend en deux, & on en appliquer deux l’une contre l’autre, la chair en dedans : la dose du sucre est de trois quarterons pour livre de fruit.

Cerises au caramel. Ce sont des cerises à l’eau-de-vie qu’on fait égoutter & sécher à l’étuve, & qu’on retourne dans du sucre cuit au caramel.

Cerises bottées à la Royale. Sur six livres de cerises, ôtez les queues & les noyaux de quatre, & coupez la moitié de la queue du reste. Faites confire comme celles à oreille ; appliquez sur les cerises à queues trois ou quatre de celles qui n’en ont point, en les arrondissant, bien saupoudrées de sucre fin, & faites sécher à l’étuve. Séches d’un côté, retournez & saupoudrez de l’autre ; mettez dans des boëtes pour le besoin.

Cerises. (Clarequets de) Prenez le jus de deux livres de cerises, & d’une livre de groseilles. Faites-le cuire en gelée au sucre cuit à cassé. Quand votre sucre tombe en nappe bien net de l’écumoire, versez dans des moules à clarequets : il faut trois quarterons de sucre pour demi-septier de jus.

Cerises. (Compôte de) Prenez de belles cerises ; essuyez-les & leur coupez la queue à moitié ; faites cuire à grand feu avec de l’eau & du sucre, en levant l’écume, avec du papier : demi-livre de sucre pour livre de fruit.

Cerises (Confiture de) à noyaux. Prenez de belles cerises ; coupez la queue à moitié ; essuyez-les bien ; faites-leur faire plusieurs bouillons dans le sucre cuit à la grande plume ; augmentez-les le lendemain d’un même sucre avec jus de groseilles pour les achever, & faites cuire ensemble en les finissant au perlé.

Cerises (Confitures de) framboisées : comme les précédentes, en les augmentant de jus de framboises, au lieu de celui de groseilles : on met à l’une & à l’autre confiture livre de sucre pour livre de fruit.

Cerise. (Conserve de) Exprimez le jus de vos cerises ; ne prenez que le plus épais du jus ; faites réduire sur le feu au tiers ; mêlez avec du sucre cuit à la grande plume, autant de sucre que de fruit ; mettez ensuite dans des moules de papier ; & cette conserve étant froide, coupez-le de la forme & grandeur que vous voudrez.

Cerises égrainées à mi-sucre. Ôtez-leur le noyau ; faites faire cinq à six bouillons au cure cuit à perlé ; laissez-les y reposer jusqu’au lendemain que vous les égoutterez. Faites cuire ce sucre à lissé, & y remettez vos cerises ; faites-leur faire plusieurs bouillons en les écumant bien, & les laissez reposer à l’étuve ; il ne faut que demi-livre de sucre pour livre de fruit.

Cerises en bouquet. Choisissez-les belles & égales, attachez-les ensemble par petits bouquets ; faites cuire du sucre à soufflé, livre pour livre de fruit ; trempez dedans vos bouquets, & les y laissez bouillir quelques minutes ; ôtez-les du feu, écumez-les ; & quand le sucre sera refroidi, mettez les bouquets dans une terrine à l’étuve jusqu’au lendemain. Faites-les égoutter ensuite sur des feuilles de fer-blanc, & sécher à l’étuve.

Cerises en chemises. Trempez-les dans le blanc d’œuf fouetté ; roulez-les à mesure dans du beau sucre en poudre, soufflant dessus, pour qu’elles n’en prennent que la quantité suffisante ; mettez-les sécher à l’étuve sur un tamis, à une chaleur douce jusqu’au moment de les servir.

Cerises. (Esprit de) Faites fermenter des cerises noires dans un vaisseau ; & lorsqu’elles auront suffisamment fermenté, faites distiller le tout, & conservez cet esprit pour le besoin. On prétend qu’il est en même tems rafraîchissant & apéritif.

Cerises filées. Prenez des cerises confites & tirées au sec, ou des cerises à l’eau-de-vie ; coupez-les en filets, & finissez au caramel de l’un & l’autre côté.

Cerises. (Gelée de) Préparez vos cerises comme pour les confire ; faites cuire du sucre à perlé, & y mettez vos cerises bouillir jusqu’à ce qu’il soit revenu à ce degré ; passez le tout au tamis en pressant, & empotez : il faut autant de sucre que de fruit.

Cerises. (Autre gelée de) Prenez des cerises belles & bien mûres ; exprimez-en le jus ; ayez autant de sucre cuit à cassé que de jus. Mêlez le tout ; écumez bien, & faites cuire au petit perlé, & dressez dans des pots bien nets.

Cerises. (Glace de) Sur une livre & demie de cerises écrasées & passées avec un peu d’eau, mettez une demi-livre de sucre : travaillez à la salbotiere jusqu’à ce que votre mêlange soit pris.

Cerises. (Maniere de blanchir les) Battez un ou plusieurs blancs d’œufs, selon la quantité de fruit, avec de l’eau de fleurs d’oranges. Jettez-les dans un plat avec du sucre très-fin en poudre ; roulez-y vos cerises ; & lorsqu’elles seront bien couvertes, faites-les sécher sur des clayons au soleil, ou à un feu clair, mais placées à telle distance qu’elles ne sentent que le degré de chaleur du soleil.

Cerises. (Marmelade de) Écrasez des cerises bien mûres & bien choisies ; passez-les au tamis ; faites-les bouillir ensuite & réduite à moitié ; mettez ensuite bouillir dans du sucre cuit à la grande plume : il ne faut qu’une livre de sucre pour deux livres de fruit.

Cerises. (Massepains de) Écrasez des cerises & passez-les au tamis ; mettez ce jus avec de la pâte d’amandes ; desséchez-les ensemble dans la poële. Repilez cette pâte au mortier avec des blancs d’œufs frais, en y ajoûtant du sucre. Dressez vos massepains de la forme & grandeur que vous jugerez à propos, & faites cuire à un feu très-doux.

Cerises. (Pâte de) Écrasez des cerises bien mûres & de bon choix ; passez au tamis : faites dessécher ce que vous aurez extrait jusqu’à le réduire en pâte ; délayez ensuite dans du sucre cuit à la grande plume : il faut une livre de sucre sur cinq quarterons de pâte. Mettez cette pâte dans les moules, & faites sécher.

Cerises. (Potage aux) Mettez dans un pot de l’eau, du sel & un quarteron de bon beurre ; faites-les bouillir quelques bouillons. Mettez-y ensuite des cerises, du sucre, du girofle & de la cannelle, ce que vous jugerez convenable, pour que ce potage ne soit point trop aigre ; faites cuire le tout ensemble, & dressez.

Cerises. (Ratafia de) Mettez un quart de framboises avec trois quarts de cerises ; exprimez-en bien le jus ; mettez-y les noyaux concassés, & laissez cuver d’un jour à l’autre. Mettez autant d’eau-de-vie que de jus, une livre de sucre seulement pour quatre pintes de liqueur : vous pouvez l’assaisonner avec un sachet composé, comme on verra à l’article Sachet.

Après quoi, on le laissera infuser long-tems au soleil ; & pour lui donner une couleur plus foncée, on peut y joindre le jus de mûres ou de merises.

Cerises séchées au four. Choisissez les plus belles & les plus mûres, sans être tournées ; mettez-les sur des clayons au four, à une chaleur modérée. Quand elles seront un peu séchées, retournez-les, & les remettez au four à la même chaleur jusqu’à ce qu’elles soient séches. Liez-les alors en bouquets, & les serrez en lieu sec.

Cerises. (Syrop de) Prenez-les du meilleur choix ; ôtez les queues & les noyaux ; faites-les bouillir dans le sucre à la grande plume, jusqu’à ce qu’elles soient réduites en syrop. Passez-les au tamis : il faut, pour ce syrop, livre de sucre pour livre de fruit.

Cerises. (Tourte de) Si vous les prenez dans la saison, ôtez les queues & les noyaux ; faites-les cuire à court syrop ; & étant froides, foncez-en une abaisse de feuilletage avec un bord de la même pâte ; faites cuire & glacez de sucre. Si c’est hors de la saison, prenez des cerises confites au liquide. Faites sur une tourtiere une abaisse de demi-feuilletage, & garnissez de cerises, en formant de petits quarrés avec des filets découpés de la même pâte : faites cuire & glacez.

Cerises. (Vin de) Prenez de cerises ; ôtez les queues & les noyaux. Cassez les noyaux, écrasez le fruit, exprimez-en le jus. Mettez ce jus, avec les noyaux pilés, dans un baril, avec un quarteron de sucre par pinte de jus. Laissez fermenter pendant quinze jours ou trois semaines, comme le vin nouveau, en remplissant à mesure de jus de cerises autant qu’il en jettera par l’ébullition. Couvrez ensuite le bondon avec une feuille de vigne, & un peu de sable autour. Lorsque cette liqueur ne fermentera plus, vous boucherez bien votre baril, jusqu’au tems de le soutirer & de le mettre en bouteilles.

Observation médecinale.

Les bonnes especes de cerises prises à leur juste degré de maturité, sont un aliment très-sain, rafraîchissant, un peu laxatif, & propre, par son acidité legere, à corriger les mauvaises qualités des humeurs trop exaltées par la chaleur de l’été, à empêcher cet effet & à en prévenir les fuites. Les personnes délicates doivent en manger peu, parce que la quantité d’eau qu’elles contiennent, relâche & rafraîchit trop leur estomac, qui ne digere pas la peau ni la chair : cet organe foible s’en débarrasse avec peine.