Dictionnaire philosophique/La Raison par alphabet - 6e ed. - Cramer (1769)/Carême

Cramer (Tome 1p. 96-98).

CARÊME.


Questions sur le Carême.



Les premiers qui s’avisèrent de jeûner, se mirent-ils à ce régime par ordonnance du médecin pour avoir eu des indigestions ?

Le défaut d’appétit qu’on se sent dans la tristesse fut-il la première origine des jours de jeûne prescrits dans les religions tristes ?

Les Juifs prirent-ils la coutume de jeûner des Égyptiens dont ils imitèrent tous les rites, jusqu’à la flagellation & au bouc émissaire ?

Pourquoi Jésus jeûna-t-il quarante jours dans le désert où il fut emporté par le diable, par le Cnathbull ? St. Matthieu remarque qu’après ce carême il eut faim, il n’avait donc pas faim pendant ce Carême.

Pourquoi dans les jours d’abstinence l’Église Romaine regarde-t-elle comme un crime de manger des animaux terrestres, & comme une bonne œuvre de se faire servir des soles & des saumons ? le riche papiste qui aura eu sur sa table pour cinq cents francs de poisson sera sauvé, & le pauvre, mourant de faim, qui aura mangé pour quatre sous de petit salé sera damné !

Pourquoi faut-il demander permission à son évêque de manger des œufs ? Si un roi ordonnait à son peuple de ne jamais manger d’œufs, ne passerait-il pas pour le plus ridicule des tyrans ? quelle étrange aversion les évêques ont-ils pour les omelettes ?

Croira-t-on que chez les papistes il y ait eu des tribunaux assez imbéciles, assez lâches, assez barbares pour condamner à la mort de pauvres citoyens qui n’avaient commis d’autres crimes que d’avoir mangé du cheval en carême ? Le fait n’est que trop vrai : j’ai entre les mains un arrêt de cette espèce. Ce qu’il y a d’étrange, c’est que les juges qui ont rendu de pareilles sentences se sont crus supérieurs aux Iroquois.

Prêtres idiots & cruels ! à qui ordonnez-vous le carême ? est-ce aux riches ? ils se gardent bien de l’observer. Est-ce aux pauvres ? ils font carême toute l’année. Le malheureux cultivateur ne mange presque jamais de viande, & n’a pas de quoi acheter du poisson. Fous que vous êtes, quand corrigerez-vous vos loix absurdes ?


CATÉCHISME CHINOIS

OU
Entretien de Cu-su, disciple de Confutzée, avec le prince Kou, fils du roi de Lou, tributaire de l’empereur chinois Gnenvan, 417 ans avant notre ère vulgaire.
Traduit en latin par le père Fouquet, ci-devant ex-jésuite. Le manuscrit est dans la bibliothèque du Vatican, numéro 42759.


Kou.

Que dois-je entendre quand on me dit d’adorer le ciel ? (Chang-ti.)

Cu-su.

Ce n’est pas le ciel matériel que nous voyons ; car ce ciel n’est autre chose que l’air, & cet air est composé de toutes les exhalaisons de la terre. Ce serait une folie bien absurde d’adorer des vapeurs.

Kou.

Je n’en serais pourtant pas surpris. Il me semble que les hommes ont fait des folies encor plus grandes.