Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Rétractation

Éd. Garnier - Tome 20
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RÉTRACTATION NÉCESSAIRE[1]

D’UN DES AUTEURS DES « QUESTIONS SUR L’ENCYCLOPÉDIE ».

Ma première rétractation[2], est sur les ciseaux avec lesquels j’avais coupé plusieurs têtes de colimaçons. Toutes leurs têtes revinrent en 1772 ; mais celles que je coupai en 1773 ne sont jamais revenues. Des gens plus habiles que moi m’ont fait apercevoir que lorsque mes têtes étaient ressuscitées je n’avais coupé que la peau de leur visage, et que je n’avais pas entamé leur cervelle, qui est la source de leur vie tout comme chez nous. Lorsque j’ai coupé la tête entière avec plus d’adresse, cette tête ne s’est point reproduite ; mais c’est toujours beaucoup d’avoir fait renaître des visages. La nature est admirable partout ; et ce qu’on appelle la nature n’est autre chose qu’un art peu connu. Tout est art, tout est industrie depuis le zodiaque jusqu’à mes colimaçons. C’est une idée hardie de dire que la nature est art ; mais cette idée est très-vraie. Philosophes, voyez ce qui en résulte.

Ma seconde rétractation[3] est pour l’article Justice. On a rapporté à ce mot, dans plusieurs éditions, une lettre qui contient une des plus abominables injustices que les hommes aient jamais faites. Mais on m’a fait connaître que, dans cette lettre même, il y avait une injustice qu’il est absolument nécessaire de réparer. On y accuse M. B......., magistrat très-estimé dans Abbeville, d’avoir été la première cause de la sentence aussi horrible qu’absurde prononcée dans Abbeville contre deux jeunes gens sortant de l’enfance, et plus imprudents que criminels. Non-seulement nous savons avec certitude que M. B....... n’a point été la cause de cet événement, mais il déclare par une lettre que nous avons entre les mains, signée de lui, qu’il a toujours détesté les manœuvres infernales par lesquelles on est parvenu à obtenir l’exécution appelée légale de ce carnage commis par le fanatisme.

Je rends donc justice à M. B......., comme je la rends aux auteurs de cette boucherie de cannibales.

FIN DU DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE.

  1. Cette rétractation, omise par les éditeurs de Kehl et par tous leurs successeurs, parut, en 1775, à la fin du sixième et dernier volume des Questions sur l’Encyclopédie, après la table, mais avant l’errata. (B.)
  2. Cette première rétractation portait sur l’article Colimaçons, qui se composait, comme il a été dit, tome XVIII, page 204, de deux morceaux d’un ouvrage que Voltaire avait publié en 1768.
  3. Cette seconde rétractation porte sur ce que le nom de Belleval se trouvait dans la Lettre qui faisait partie de l’article Justice (voyez tome XIX, page 550), et qui n’était autre chose que la réimpression de la Relation de la mort du chevalier de La Barre (voyez les Mélanges, année 1766). Malgré cette rétractation, il faut s’en tenir à la première version de Voltaire. Il n’est que trop vrai que Belleval fut la première cause du malheur de La Barre (voyez, dans la Correspondance, la lettre à Florian, du 26 février 1774). Outre les égards pour les enfants Belleval, une autre circonstance put déterminer Voltaire à faire cette rétractation, qui n’est pas sans ironie. Il pensait alors à faire annuler le jugement porté contre d’Étallonde, condamné par contumace en même temps que La Barre ; et dans l’intérêt de son protégé, Voltaire devait avoir bien des ménagements. (B.) — Voyez dans les Mélanges, année 1775, une note de Voltaire sur le Cri du sang innocent.


Déclaration des amateurs

Rétractation