Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Prêtres

Éd. Garnier - Tome 20
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PRÊTRES[1].

Les prêtres sont, dans un État, à peu près ce que sont les précepteurs dans les maisons des citoyens, faits pour enseigner, prier, donner l’exemple ; ils ne peuvent avoir aucune autorité sur les maîtres de la maison, à moins qu’on ne prouve que celui qui donne des gages doit obéira celui qui les reçoit. De toutes les religions, celle qui exclut le plus positivement les prêtres de toute autorité civile, c’est sans contredit celle de Jésus : Rendez à César ce qui est à César. — Il n’y aura parmi vous ni premier ni dernier. — Mon royaume n’est point de ce monde.

Les querelles de l’empire et du sacerdoce, qui ont ensanglanté l’Europe pendant plus de six siècles, n’ont donc été de la part des prêtres que des rebellions contre Dieu et les hommes, et un péché continuel contre le Saint-Esprit.

Depuis Calchas, qui assassina la fille d’Agamemnon, jusqu’à Grégoire XII et Sixte V, deux évêques de Rome qui voulurent priver le grand Henri IV du royaume de France, la puissance sacerdotale a été fatale au monde.

Prière n’est pas domination ; exhortation n’est pas despotisme. Un bon prêtre doit être le médecin des âmes. Si Hippocrate avait ordonné à ses malades de prendre de l’ellébore sous peine d’être pendus, Hippocrate aurait été plus fou et plus barbare que Phalaris, et il aurait eu peu de pratiques. Quand un prêtre dit : Adorez Dieu, soyez juste, indulgent, compatissant, c’est alors un très-bon médecin ; quand il dit : Croyez-moi, ou vous serez brûlé, c’est un assassin.

Le magistrat doit soutenir et contenir le prêtre, comme le père de famille doit donner de la considération au précepteur de ses enfants et empêcher qu’il n’en abuse. L’accord du sacerdoce et de l’empire est le système le plus monstrueux : car dès qu’on cherche cet accord, on suppose nécessairement la division ; il faut dire : la protection donnée par l’empire au sacerdoce. Mais dans les pays où le sacerdoce a obtenu l’empire, comme dans Salem, où Melchisédech était prêtre et roi, comme dans le Japon, où le daïri a été si longtemps empereur, comment faut-il faire ? Je réponds que les successeurs de Melchisédech et des daïri ont été dépossédés.

Les Turcs sont sages en ce point. Ils font à la vérité le voyage de la Mecque ; mais ils ne permettent pas au shérif de la Mecque d’excommunier le sultan. Ils ne vont point acheter à la Mecque la permission de ne pas observer le ramadan, et celle d’épouser leurs cousines ou leurs nièces ; ils ne sont point jugés par des imans que le shérif délègue ; ils ne payent point la première année de leur revenu au shérif. Que de choses à dire sur tout cela ! Lecteur, c’est à vous de les dire vous-même.


  1. Dictionnaire philosophique, 1765. (B.)