Dictionnaire national et anecdotique par M. De l’Épithète/LESE

LESE : usité seulement dans ces expressions : crime de lese-majesté, crime de lese-nation.

Avant la révolution, on ne connoissoit que le crime de lese-majesté, divine ou humaine.

De lese-majesté divine, quans on se rendoit criminel envers Dieu, soit en le blasphémant, soit en profanant les vases sacrées, &c.

De lese-majesté humaine, au premier chef, quand on attentoit à la vie du prince. De lese-majesté humaine, au second chef, quand on blasphêmoit contre les ministres, ou leur réputation, ou celle des Vestales qui leur étoient attachées. Ce dernier attentat étoit le plus souvent puni aussi rigoureusement que le crime de lese-majesté au premier chef. La différence n’étoit pas dans le supplice, mais dans le lieu & l’exécuteur. La Bastille étoit ce lieu, & de Launay, cet exécuteur.

Depuis que la nation s’est réhabilitée, on a connu du crime de lese-nation au premier & second chef.

On est criminel de lese-nation au premier chef, quand on trame contre cette nation quelque complot ou conjuration, ou qu’on se charge d’en être l’exécuteur. D’après cette définition, il est évident que le général Victor est criminel de lese-nation, que Lambesc est criminel de lese-nation, qu’on doit les punir comme tels, eux, leurs fauteurs & adhérens, donc, donc, &c. Mais pour parvenir à donner à la nation cette satisfaction, il falloit suivre d’autres erremens, & ne pas la forcer, pour ainsi dire, à recouric elle-même à la lanterne, ou de rester invengée. Il ne falloit pas aller demander à Pierre & à Guillot si tel ou tel ordre étoit émané du prince, parce que Pierre, ni Guillot n’approchoient pas même le dernier des dix corridors à traverser pour arriver à la salle du conseil. C’étoit au prince lui-même qui falloit s’adresser, il eût dit franchement la vérité, parce que franhise & vérité sont dans son caractere. D’après ce témoignage auguste, l’accusé qui eût été absous étoit réintégré dans l’opinion publique, qui est le tribunal souverain, qui connoît en dernier ressort des crimes de lese-nation.

On est criminel de lese-nation au second chef, quand on quitte un poste glorieux qu’on a obtenu, je ne sais comment ni pourquoi, pour aller semer la division dans les provinces & armer le frere contre le frere. Il y a encore felonie envers la nation quand on fait des motions insidieuses ou perfides, qui tendre à répandre l’esprit de discorde. Il y a encore felonie… Mais je n’aurois jamais fini, si je les articulois toutes. Que les aristo-félons mettent la main sur leur conscience, elle leur en fera l’énumération ; car la conscience des impartiaux est dans doute impartiale aussi.