Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Wivre

Henri Plon (p. 701-702).
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Wivre, monstre du moyen âge, à qui on a donné des formes fantastiques.

« Sur le plateau de Haute-Pierre, dans la Franche-Comté, on a vu quelquefois passer une autre Mélusine, un être moitié femme et moitié serpent. C’est la wivre ; elle n’a point d’yeux, mais elle porte au front une escarboucle qui la guide comme un rayon lumineux le jour et la nuit. Lorsqu’elle va se baigner dans les rivières, elle est obligée de déposer cette escarboucle à terre, et si l’on pouvait s’en emparer, on commanderait à tous les génies ; on pourrait se faire apporter tous les trésors enfouis dans les flancs des montagnes. Mais il n’est pas prudent de tenter l’aventure ; car, au moindre bruit, la wivre s’élance au dehors de la rivière, et malheur à celui qu’elle rencontre ! Un pauvre homme de Moustier, qui l’avait suivie un jour de très-loin, et qui l’avait vue déposer son escarboucle au bord de la Loue et plonger ses écailles de serpent dans la rivière, s’approcha avec précaution du bienheureux talisman ; mais à l’instant où il étendait déjà la main pour le saisir, la wivre, qui l’avait entendu, s’élance sur lui, le jette par terre, lui déchire le sein avec ses ongles, lui serre la gorge pour l’étouffer ; et si ce n’était que le malheureux avait reçu le matin même la communion à l’église de Lods, il serait infailliblement mort, sous les coups de cette méchante wivre ; mais il rentra chez lui le visage et le corps tout meurtris, se promettant bien de ne plus courir après l’escarboucle[1]. »


  1. Xavier Marmier, Souvenirs de voyages et traditions populaires, p. 72.