Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Saladin

Henri Plon (p. 592-593).
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Saladin. Au moyen âge, on croyait très-généralement que les Sarasins, dans leurs guerres, étaient, comme insignes sorciers, assistés par le diable. Walter Scott, dans sa Démonologie, rapporte un exemple que voici ; il est tiré du vieux roman de Richard Cœur de lion.

Le fameux Saladin, y est-il dit, avait envoyé une ambassade au roi Richard, avec un jeune cheval qu’il lui offrait comme un vaillant destrier. Il défiait en même temps Cœur de lion à un combat singulier, en présence des deux armées, dans le but de décider tout d’un coup leurs prétentions à la Palestine et la question théologique de savoir quel était le vrai Dieu, ou le Dieu des chrétiens, ou celui qu’adoraient les Sarasins. Mais ce semblant de défi chevaleresque cachait une perfidie, dans laquelle l’esprit malin jouait un rôle. Un charmeur sarasin avait enfermé deux démons dans les corps d’une jument et de son poulain, leur donnant pour instruction que chaque fois que la jument hennirait, le poulain, qui était d’une taille peu commune, devrait s’agenouiller pour teter sa mère. Le poulain maléficié fut envoyé au roi Richard, dans l’espoir qu’il obéirait au signal accoutumé, et que le Soudan, monté sur la mère, aurait ainsi l’avantage. Mais le monarque anglais fut averti par un songe du piège qu’on lui tendait, et avant le combat le poulain fut exorcisé, avec ordre de rester docile à la voix de son cavalier durant le choc. L’animal endiablé promit soumission en baissant la tête ; et cette promesse n’inspirant pas assez de confiance, on lui boucha encore les oreilles avec de la cire. Ces précautions prises, Richard, armé de toutes pièces, courut à la rencontre de Saladin, qui, se confiant dans son stratagème, l’attendit de pied ferme. La cavale hennit de manière à faire trembler la terre à plusieurs milles à la ronde ; mais le poulain ou démon, que la cire empêchait d’entendre le signal, n’y put obéir. Saladin, désarçonné, n’échappa que difficilement à la mort, et son armée fut taillée en pièces par les chrétiens.