Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Pendus

Henri Plon (p. 522).
◄  Peigne
Pénitence  ►

Pendus. On sait qu’on gagne à tous les jeux, quand on a dans sa poche de la corde de pendu. — Un soldat de belle corpulence ayant été pendu, quelques jeunes chirurgiens demandèrent la permission d anatomiser son corps. On la leur accorda, et ils allèrent, à dix heures du soir, prier le bourreau de le leur remettre. Le bourreau était déjà couché ; il leur répondit qu’il ne se souciait pas de se lever, et qu’ils pouvaient aller eux-mêmes dépendre le mort. Pendant qu’ils s’y décidaient, le plus éveillé d’entre eux se détacha sans être remarqué, courut devant, se mit en chemise et se cacha sous son manteau au pied de la potence en attendant les autres. Quand ils furent arrivés, le plus hardi de la bande monta à l’échelle et se mit à couper la corde pour faire tomber le corps ; mais aussitôt le camarade caché se montra et dit :« Qui êtes-vous ? et pourquoi venez-vous enlever mon corps ? » À ces mots, et à la vue du fantôme blanc qui gardait la potence, les jeunes gens prennent la fuite épouvantés ; celui qui était sur l’échelle saute à bas sans compter les échelons, pensant que l’esprit du pendu le tenait déjà. « Et ne furent ces pauvres chirurgiens de longtemps rassurés[1]. »

On lisait dernièrement ce qui suit dans le Moniteur du Calvados : — « Voici un déplorable exemple d’aberration causée par la ridicule croyance aux erreurs et aux préjugés populaires, malheureusement enracinés encore profondément dans l’esprit de nos populations des campagnes. Un maçon, honnête ouvrier d’une petite commune du département de l’Orne, arrivait à grand’peine, à l’aide d’un travail opiniâtre, à nourrir sa nombreuse famille ; aussi la tête troublée par les superstitions et la lecture du Petit-Albert, résolut-il de se sacrifier pour le bonheur des siens. Il se pendit, en laissant un billet ainsi conçu : « Adieu, ma femme et mes enfants ! Comme je n’ai pas de fortune à vous donner, je veux vous laisser de quoi réussir dans tout ce que vous entreprendrez : Partagez-vous ma corde. »

  1. Leloyer, Histoire des spectres.