Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Momies

Henri Plon (p. 470-471).

Momies. Le prince de Radzivill, dans son Voyage de Jérusalem, raconte une chose singulière dont il a été le témoin. Il avait acheté en Égypte deux momies, l’une d’homme et l’autre "de femme, et les avait enfermées secrètement en des caisses qu’il fit mettre dans son vaisseau lorsqu’il partit d’Alexandrie pour revenir en Europe. Il n’y avait que lui et ses deux domestiques qui sussent ce que contenaient les caisses, parce que les Turcs alors permettaient difficilement qu’on emportât les momies, croyant que les chrétiens s’en servaient pour des opérations magiques. Lorsqu’on fut en mer, il s’éleva une tempête qui revint à plusieurs reprises avec tant de violence, que le pilote désespérait de sauver le navire. Tout le monde était dans l’attente d’un naufrage prochain et inévitable. Un bon prêtre polonais, qui accompagnait le prince de Radzivill, récitait les prières convenables à une telle circonstance ; le prince et sa suite y répondaient. Mais le prêtre était tourmenté, disait-il, par deux spectres (un homme et une femme) noirs et hideux, qui le harcelaient et le menaçaient. On crut d’abord que la frayeur et le danger du naufrage lui avaient troublé l’imagination. Le calme étant revenu, il parut tranquille ; mais le tumulte des éléments reparut bientôt ; alors ces fantômes le tourmentèrent plus fort qu’auparavant, et il n’en fut délivré que quand on eut jeté les deux momies à la mer, ce qui fit en même temps cesser la tempête<ref>Dom Calmet, Dissertation sur les apparitions.<ref>. »

Ajoutons que de nos jours les marins du Levant conservent cette opinion que les momies attirent les tempêtes, et on ne peut les embarquer qu’à leur insu.