Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Mikado

Henri Plon (p. 460).
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Mikado, l’un des deux empereurs du Japon. Il est spécialement chargé du spirituel. Aux yeux de ses sujets, disent les voyageurs, le mikado n’est pas un homme, c’est un dieu ; c’est même bien plus qu’un dieu, car tous les autres dieux de la mythologie japonaise, tous les kamis (ainsi les nomme-t-on) sont d’un rang inférieur au mikado ; ils le craignent, ils lui obéissent, et ils viennent, tous les ans, passer un mois à sa cour. Il est vrai qu’ils ne sont visibles qu’à l’œil du mikado. Pendant ce mois, les temples restent déserts ; les dieux n’y résidant plus, personne ne vient en troubler la solitude.

Le mikado ne touche jamais la terre de son pied sacré ; notre planète est indigne d’un tel honneur. Toujours porté sur les épaules de ses valets, ce monarque ne sort jamais de sa demeure ; nul regard profane ne saurait venir le souiller. Tout ce qui pourrait ressembler à une mutilation de sa personne auguste est défendu ; c’est lorsqu’il dort qu’on lui coupe les cheveux, que l’on rogne ses ongles. Il peut épouser neuf fois neuf femmes, mais habituellement il juge que neuf c’est bien assez pour un dieu japonais. On ne l’approche qu’à genoux, on le consulte sur toutes les affaires importantes, mais on ne lui accorde, après tout, qu’un vain titre et de riches revenus. Sa race est impérissable ; s’il advient cependant qu’il ne devienne point père, le ciel y pourvoit ; on trouve un matin sous un arbre du jardin un bel enfant que des mains surnaturelles y ont déposé durant la nuit : c’est le mikado présomptif. Le mikado actuel est le cent dixseptième de la troisième dynastie, et la première dynastie monta sur le trône, suivant les chronologistes japonais les plus exacts, 836794 ans avant notre ère. C’est une date qu’on peut débattre.

C’est dans le corps du mikado que s’est incarné le dieu Ama-terasu-oo-Kami, l’arbitre souverain des hommes et des choses ; il s’occupe à fixer les jours auxquels doivent se célébrer certaines fêtes mobiles ; il détermine les couleurs propres à effrayer les mauvais esprits ; il passe, chaque vingt-quatre heures, un assez long espace de temps assis sur son trône, dans une immobilité complète. S’il faisait, de droite ou de gauche, * le moindre mouvement, on ne doute point qu’il n’amenât d’affreuses catastrophes sur ce côté réprouvé de l’empire. Lorsqu’il est demeuré ainsi comme pétrifié durant trois heures, il se lève et s’en va. Le reste du temps, la couronne impériale occupe sa place ; elle doit se conformer air même principe d’immobilité absolue durant vingt heures.

Le mikado ne porte jamais deux fois le même vêtement ; tout ce qui a touché sa personne sacrée est brûlé aussitôt qu’il s’en dépouille ; les verres, les plats, les assiettes, qui paraissent sur sa table sont brisés immédiatement après le dessert; nul profane ne pourra s’en servir.

L’empereur temporel s’appelle le Taïcoun.