Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Marguerite (italienne)

Henri Plon (p. 445-446).

Marguerite, Italienne qui avait un esprit familier. Lenglet-Dufresnoy rapporte ainsi son histoire


sur le témoignage de Cardan : « Il y avait à Milan une femme nommée Marguerite, qui publiait partout qu’elle avait un démon ou esprit familier qui la suivait et l’accompagnait partout, mais qui pourtant s’absentait deux ou trois mois de l’année. Elle trafiquait de cet esprit ; car souvent elle était appelée en beaucoup de maisons, et incontinent qu’on lui avait fait commandement d’évoquer son esprit, elle courbait la tête ou l’enveloppait "de son tablier et commençait à l’appeler et adjurer en sa langue italienne. Il se présentait soudain à elle et répondait à son évocation ; la voix de cet esprit ne s’entendait pas auprès d’elle, mais loin, comme si elle fut sortie de quelque trou de muraille ; et si quelqu’un se voulait approcher du lieu où la voix de cet esprit résonnait, il était étonné qu’il ne l’entendait plus en cet endroit, mais en quelque autre coin de la maison.

» Quant à la voix de l’esprit, elle n’était point articulée ni formée de manière qu’on la pût bien entendre ; elle était grêle et faible, de sorte qu’elle se pouvait dire plutôt un murmure qu’un son de voix. Après que cet esprit avait sifflé ainsi et murmuré, la vieille lui servait de truchement et faisait entendre aux autres ce qu’il avait dit. Elle a demeuré en quelques maisons où les femmes, qui ont observé ses façons de faire, disent, qu’elle enferme quelquefois cet esprit en un linceul, et qu’il a coutume de lui mordre la bouche tellement qu’elle a presque toujours les lèvres ulcérées. Cette misérable femme est en si grande horreur à tout le monde, à cause de cet esprit, qu’elle ne trouve personne qui la veuille loger ni qui consente à fréquenter avec elle[1]. » Nous n’avons pas besoin d’ajouter que c’était là un tour de ventriloquie.

  1. Recueil de dissertations de Lenglet-Dufresnov, t. I, p. 156.