Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Mammouth

Henri Plon (p. 439-440).
◄  Mammon
Man  ►

Mammouth, animal dont la race est perdue. Voici sur ce monstre une tradition des indigènes de l’Amérique du Nord :

« Il y a dix mille lunes que cette terre était couverte de forêts épaisses. Des bandes de bêtes féroces et des hommes aussi libres qu’elles étaient les seuls maîtres du pays. Il existait une race d’animaux grands comme un précipice, cruels comme des panthères, légers comme l’aigle ; les chênes craquaient sous leurs pieds, et le lac diminuait quand ils venaient y éteindre leur soif. C’est en vain qu’on tirait contre eux le fort javelot ; la flèche aiguë était également inutile. Les forêts étaient dévastées et réduites en farine. On entendait de tous côtés les gémissements des animaux expirants, et des contrées entières habitées par des hommes étaient détruites. Les clameurs qu’excitait cette désolation s’étendaient de tous côtés, jusque dans la région de la paix, qui est à l’ouest.

» L’esprit bon s’interposa pour sauver les malheureux : un éclair fourchu brilla et un trèsgrand coup de tonnerre ébranla le monde ; les feux du ciel furent lancés seulement contre les cruels destructeurs, et les échos des montagnes retentirent des mugissements de la mort. Tous furent tués, excepté un mâle, le plus féroce de la race, contre lequel les traits du ciel frappèrent en vain. L’animal monta sur le sommet le plus bleu d’où sort la source du Monangohela, et par ses terribles rugissements, il bravait toute vengeance : la foudre rouge cassa un très-gros chêne et lança contre lui les éclats de cet arbre ; mais à peine effleurèrent-ils la peau du monstre enragé. À la fin, la fureur le rendit fou ; il fit un grand saut par-dessus les vagues de l’ouest, et il règne maintenant monarque absolu du désert ; il règne malgré la toute-puissance divine[1]. »

  1. M. Ferdinand Denis. Le monde enchante.