Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Mécanique
Mécanique. Ainsi que toutes les sciences compliquées, la mécanique a produit des combinaisons surprenantes qui ont été reçues autrefois comme des prodiges. Ce qui a le plus étonné les esprits, c’est l’automate qu’on appelait aussi androïde. Nous avons parlé de l’androïde d’Albert le Grand, qui passa aux yeux de ses contemporains pour une œuvre de magie. Jean Muller, savant du quinzième siècle, plus connu sous le nom de Regiomontanus, fit, dit-on, un aigle automate qui avait la faculté de se diriger dans les airs ; il devançait le canard automate de Vaucanson, qui barbotait, voltigeait, cancanait et digérait. Aulu-Gelle rapporte qu’Architas, dans l’antiquité, avait construit un pigeon qui prenait son vol, s’élevait à une certaine hauteur et revenait à sa place. On attribue à Roger Bacon une tête qui prononçait quelques paroles. Vaucanson fit
un joueur de flûte qui exécutait plusieurs airs. Jacques Droz, son contemporain, fit au dernier siècle un automate qui dessinait et un autre qui jouait du clavecin. Dans le même temps, l’abbé Mical construisit deux têtes de bronze qui, comme l’androïde de Roger Bacon, prononçaient des paroles. Mais ce qui fit plus d’effet encore, ce fut le joueur d’échecs du baron de Kempelen. C’était un automate mû par des ressorts, qui jouait aux échecs contre les plus forts joueurs et les gagnait quelquefois. On ignorait, il est vrai, que le mécanisme était dirigé par un homme caché dans l’armoire à laquelle l’automate était adossé. Mais ce n’en était pas moins un travail admirable.
Autrefois, nous le répétons, on ne voyait dans les androïdes que l’œuvre d’une science occulte. Aujourd’hui, par un revirement inconcevable, on semble faire peu de cas de ces efforts du génie de la mécanique. On a laissé périr tous les automates célèbres, et nos musées et nos conservatoires, qui sont encombrés de tant de futilités, ne possèdent pas d’androïdes.