Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lancinet

Henri Plon (p. 399).

Lancinet. Les rois de France ont de temps immémorial revendiqué l’honneur de guérir les écrouelles. Le premier qui fut guéri fut un chevalier nommé Lancinet. Voici comment le fait est conté :

« Il était un chevalier nommé Lancinet, de l’avis duquel le roi Clovis se servait ordinairement lorsqu’il était question de faire la guerre à ses ennemis. Étant affligé de cette maladie des écrouelles, et s’étant voulu servir de la recette dont parle Cornélius Celsus, qui dit que les écrouelles se guérissent si l’on mange un serpent, l’ayant essayée par deux fois, et ce remède ne lui ayant point réussi, un jour, comme le roi Clovis sommeillait, il lui fut avis qu’il touchait doucement le cou à Lancinet, et qu’au même instant ledit Lancinet se trouvait guéri sans que même il parût aucune cicatrice.

» Le roi, s’étant levé plus joyeux qu’à l’ordinaire, tout aussitôt qu’il lit jour, manda Lancinet et essaya de le guérir en le touchant, ce qui fut fait ; et toujours depuis, cette vertu et faculté a été comme héréditaire aux rois de France, et s’est transmise à leur postérité[1]. »

Voilà, sans contredit, un prodige ; mais on représentera que personne ne se nommait Lancinet du temps de Clovis ; que ni Clovis, ni Clotaire, ni le roi Dagobert, ni aucun des Mérovingiens ne se vantaient de guérir les humeurs froides ; que ce secret fut également inconnu aux Carlovingiens, et qu’il faut descendre aux Capétiens pour en trouver l’origine[2].

  1. Delancre, Traité de l’attouchement, p. 159 ; Forcadel, De imper. et philosop. gall.
  2. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, etc., t. I, p. 273.