Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lamies

Henri Plon (p. 397-398).
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Lamies, démons mauvais, qu’on trouve dans les déserts sous des figures de femmes, ayant des têtes de dragon au bout des pieds. Elles

Lamies
Lamies


hantent aussi les cimetières, y déterrent les cadavres, les mangent et ne laissent des morts que les ossements. À la suite d’une longue guerre, on aperçut dans la Syrie, pendant plusieurs nuits, des troupes de lamies qui dévoraient les cadavres des soldats inhumés à fleur de terre. On s’avisa de leur donner la chasse, et quelques jeunes gens en tuèrent plusieurs à coups d’arquebuse ; il se trouva que le lendemain ces lamies n’étaient plus que des loups et des hyènes.

Il se rencontre des lamies, très-agiles à la course, dans l’ancienne Libye ; leur voix est un sifflement de serpent. Quelle que soit leur demeure, il est certain, ajoute Leloyer, qu’il en existe, « puisque cette croyance était en vigueur chez les anciens ». Le philosophe Ménippe fut épris d’une lamie. Elle l’attirait à elle ; heureusement qu’il fut averti de s’en défier, sans quoi il eût été dévoré. « Semblables aux sorcières, dit encore Leloyer[1], ces démons sont très-friands du sang des petits enfants. »

Tous les démonomanes ne sont pas d’accord sur la forme des lamies : Torquemada, dans son Hexameron, dit qu’elles ont une figure de femme et des pieds de cheval ; qu’on les nomme aussi chevesches, à cause du cri et de la friandise de ces oiseaux pour la chair fraîche. Ce sont des espèces de sirènes selon les uns ; d’autres les comparent aux gholes de l’Arabie. On a dit bien des bizarreries sur ces femmes singulières. Quelques-uns prétendent qu’elles ne voient qu’à travers une lunette[2]. Wierus parle beaucoup de ces monstres dans le troisième livre de son ouvrage sur les Prestiges. Il a même consacré aux lamies un traité particulier[3].

« Les lamies écossaises, dit un écrivain que nous croyons à ses initiales être M. Alfred Michiëls, enlèvent surtout des enfants, et c’est ce qui a rendu les fées en général si redoutables en nos contrées. Il y en avait en Flandre qui envoyaient de toutes parts des esprits inférieurs, conduisant des voitures peintes en rouge, couvertes de toiles rouges, attelées d’un cheval noir. Les enfants qu’ils trouvaient isolés, ceux qu’ils pouvaient attirer par des promesses, ou en leur montrant des dragées et des joujoux, étaient emmenés par eux, et ils les jetaient dans la voiture avec un bâillon dans la bouche. Selon d’autres, ils les massacraient aussitôt ; c’est pour que le sang ne se vît pas qu’ils avaient adopté la couleur rouge pour leurs voitures. Ces voitures s’appelaient bloed-chies et ceux qui les menaient bloed-elven. Dès qu’on les poursuivait ils disparaissaient, et l’on ne trouvait plus que de grandes taupinières au beau milieu du pavé. Cette croyance causait un effroi si grand aux enfants que, dès qu’une voiture de couleur rouge venait à passer, tous se sauvaient en grande hâte. Je me rappelle fort bien avoir partagé la terreur générale. »

  1. Histoire des spectres ou apparitions des esprits, liv. III, p. 499.
  2. Naudé, Apol. pour les grands personnages, etc., ch. viii.
  3. J. Wieri de Lamiis liber. In 4°. Bâle, 1577.