Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Hocque

Henri Plon (p. 336-338).
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Hocque. Après l’édit de 1682 pour la punition des maléfices, la race des sorciers malfaisants diminua sensiblement en France. Mais il restait encore dans la Brie, aux environs de Paris, une cabale de bergers qui faisaient mourir les bestiaux, attentaient à la vie des hommes, commettaient plusieurs autres crimes et s’étaient rendus formidables à la province. Il y en eut enfin d’arrêtés ; le juge de Pacy instruisit le procès, et par les preuves il parut évident que tous ces maux étaient commis par maléfices et sortilèges.

Les sorts et les poisons dont ces bandits se servaient pour faire mourir les bestiaux consistaient dans une composition qu’ils avouèrent au procès, et qui est rapportée dans les factums, mais remplie de sacrilèges, d’impiétés, d’abominations et d’horreurs, en même temps que de poisons. Ils mettaient cette composition dans un pot de terre, et l’enterraient ou sous le seuil de la porte des étables aux bestiaux, ou dans le chemin par où ils passaient ; et tant que ce sort demeurait en son lieu, ou que celui qui l’avait posé était en vie, la mortalité ne cessait point ; c’est ainsi qu’ils s’en expliquèrent dans leurs interrogatoires.

Une circonstance singulière de leur procès fit croire qu’il y avait un vrai pacte entre eux et le diable pour commettre tous ces maléfices. Ils avouèrent qu’ils avaient jeté des sorts sur les bestiaux du fermier de la terre de Pacy, près de Brie-Comte-Robert, pour venger l’un d’eux que ce fermier avait chassé et mis hors de son service. Ils firent le récit exact de leur composition ; mais jamais aucun d’eux ne voulut découvrir le lieu où ils avaient enterré le sort, et on ne savait, après de semblables aveux, d’où pouvait venir leur réticence sur ce dernier fait. Le juge les pressa de s’en expliquer ; ils dirent que s’ils découvraient ce lieu, et qu’on levât le sort, celui qui l’avait posé mourrait à l’instant.

L’un de leurs complices, nommé Étienne Hocque, moins coupable que les autres, et qui n’avait été condamné qu’aux galères, était à la chaîne dans les prisons de la Tournelle. On gagna un autre forçat nommé Béatrix, qui était attaché avec lui. Ce dernier, à qui le seigneur de Pacy avait fait tenir de l’argent, fit un jour tant boire Hocque qu’il l’enivra, et en cet état le mit sur le chapitre du sort de Pacy. Il tira de lui le secret qu’il n’y avait qu’un berger nommé Bras-de-Fer, qui demeurait près de Sens, qui pût lever le sort par ses conjurations.

Béatrix, profitant de ce commencement de confidence, engagea le vieux berger à écrire à son fils une lettre par laquelle il lui mandait d’aller trouver Bras-de-Fer, pour le prier de lever le sort, et lui défendait surtout de dire à Brasde-Fer qu’il fût condamné et emprisonné, ni que c’était lui, Hocque, qui avait posé ce sort.

Cette lettre écrite, Hocque s’endormit. Mais à son réveil, les fumées du vin étant dissipées, et réfléchissant sur ce qu’il avait fait, il poussa des cris et des hurlements épouvantables, se plaignant que Béatrix l’avait trompé et qu’il serait cause de sa mort. Il se jeta en même temps sur lui et voulut l’étrangler, ce qui excita les autres forçats contre Béatrix, en sorte qu’il fallut que le commandant de la Tournelle vînt avec ses gardes pour apaiser ce désordre et tirer Béatrix de leurs mains.

Cependant la lettre fut envoyée au seigneur, qui la fit remettre à son adresse. Bras-dë-Fer vint à Pacy, entra dans les écuries, et, après avoir fait des figures et des imprécations, il trouva effectivement le sort qui avait été jeté sur les chevaux et sur les vaches ; il le leva et le jeta au feu, en présence du fermier et de ses domestiques. Mais à l’instant il parut chagrin, témoigna du regret de ce qu’il venait de faire et dit que le diable lui avait révélé que c’était Hocque, son ami, qui avait posé le sort en cet endroit, et qu’il était mort à six lieues de Pacy, au moment où ce sort venait d’être levé…

En effet, par les observations qui furent faites au château de la Tournelle, il y a preuve qu’au même jour et à la même heure où Bras-de-Fer avait commencé à lever le sort, Hocque, qui était un homme des plus forts et des plus robustes, était mort en un instant dans des convulsions étranges, et se tourmentant comme un possédé, sans vouloir entendre parler de Dieu ni de confession…

Bras-de-Fer avait été pressé de lever aussi le sort jeté sur les moutons, mais il dit qu’il n’en ferait rien, parce qu’il venait d’apprendre que ce sort avait été posé par les enfants de Hocque, et qu’il ne voulait pas les faire mourir comme leur père. Sur ce refus, le fermier eut recours aux juges du lieu. Bras-de-Fer, les deux fils et la fille de Hocque furent arrêtés avec deux autres bergers, leurs complices, nommés Jardin et le Petit-Pierre ; leur procès instruit, Bras-deFer, Jardin et le Petit-Pierre furent condamnés à être pendus et brûlés, et les trois enfants de Hocque bannis pour neuf ans[1]

Bras-de-Fer

  1. Le commissaire Delamarre, Traité de la police.