Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Fèves

Henri Plon (p. 271-272).
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Fèves. Pythagore défendait à ses élèves de manger des fèves, légume pour lequel il avait une vénération particulière, parce qu’elles servaient à ses opérations magiques et qu’il savait bien qu’elles étaient animées. On dit qu’il les faisait bouillir ; qu’il les exposait ensuite quelques nuits à la lune, jusqu’à ce qu’elles vinssent à se convertir en sang, dont il se servait pour écrire sur un miroir convexe ce que bon lui semblait. Alors, opposant ces lettres à la face de la lune quand elle était pleine, il faisait voir à ses amis éloignés, dans le disque de cet astre, tout ce qu’il avait écrit sur son miroir… Pythagore avait puisé ses idées sur les fèves chez les Égyptiens, qui ne touchaient pas à ce légume, s’imaginant qu’il servait de refuge à certaines âmes, comme les oignons servaient de logement à certains dieux. On conte qu’il aima mieux se laisser tuer par ceux qui le poursuivaient que de se sauver à travers un champ de fèves. C’est du moins une légende borgne très-répandue. Quoi qu’il en soit, on offrait chez les anciens des fèves noires aux divinités infernales.

Il y avait en Égypte, aux bords du Nil, de petites pierres faites comme des fèves, lesquelles mettaient en fuite les démons. N’étaient-ce pas des fèves pétrifiées ? Festus prétend que la fleur de la fève a quelque chose de lugubre, et que le fruit ressemble exactement aux portes de l’enfer… Dans l’ Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincue, page 263, Delancre dit qu’en promenant une fève noire, avec les mains nettes, par une maison infestée, et la jetant ensuite derrière le dos en faisant du bruit avec un pot de cuivre et priant neuf fois les fantômes de fuir, on les force de vider le terrain. Les jeunes filles de Venise pratiquaient avec des fèves noires une divination qui n’est pas encore passée de mode. Quand on veut savoir de plusieurs cœurs quel sera le plus fidèle, on prend des fèves noires, on leur donne à chacune le nom d’un des jeunes gens par qui on est recherchée, on les jette ensuite sur le carreau : la fève, qui se fixe en tombant, annonce le cœur certain ; celles qui s’écartent avec bruit sont des poursuivants volages.