Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Exorcisme

Henri Plon (p. 255-256).
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Exorcisme, conjuration, prière à Dieu et commandement fait au démon de sortir du corps des personnes possédées. Souvent il est seulement destiné à les préserver du danger. On regarde quelquefois exorcisme et conjuration comme synonymes ; cependant la conjuration n’est que la formule par laquelle on commande au démon de s’éloigner ; l’exorcisme est la cérémonie entière[1]. — Les gens qui s’occupent de magie ont aussi leurs exorcismes pour évoquer et renvoyer. Voy. Conjurations.

Voici une légende bizarre sur un exorcisme : on lit dans Césaire d’Hesterbach[2] que « Guillaume, abbé de Sainte-Agathe, au diocèse de Liège, étant allé à Cologne avec deux de ses moines, fut obligé de tenir tête à une possédée. Il fit à l’esprit malin des questions auxquelles celui-ci répondit comme il lui plut. Le diable faisant autant de mensonges que de réponses, l’abbé s’en aperçut et le conjura de dire la vérité ; il obéit. Il apprit au bon abbé comment se portaient plusieurs défunts dont il voulait savoir des nouvelles. Un des frères qui l’accompagnaient voulut lier conversation avec le diable.

— Tais-toi, lui dit l’esprit malin, tu as volé hier douze sous à ton abbé ; ces douze sous sont maintenant dans ta ceinture. — L’abbé, ayant entendu ces choses, voulut bien en donner l’absolution à son moine ; après quoi il ordonna au diable de quitter la possédée.

» — Où voulez-vous que j’aille ? demanda le démon. — Je vais ouvrir ma bouche, répondit l’abbé, tu entreras dedans, si tu peux. — Il y fait trop chaud, répliqua le diable ; vous avez communié. — Eh bien ! mets-toi ici. Et l’abbé, qui était gai, tendait son pouce. — Merci, vos doigts sont sanctifiés. — En ce cas, vas où tu voudras, mais pars. — Pas si vite, répliqua le diable ; j’ai permission de rester ici deux ans encore…

» L’abbé dit alors au diable : — Montre-toi a nos yeux dans ta forme naturelle. — Vous le voulez ? — Oui. — Voyez.

» En même temps la possédée commença de grandir et de grossir d’une manière effroyable. En deux minutes elle était déjà haute comme une tour de trois cents pieds ; ses yeux devinrent ardents comme des fournaises et ses traits épouvantables. Les deux moines tombèrent évanouis ; l’abbé, qui seul avait conservé du courage, adjura le diable de rendre à la possédée la taille et la forme qu’elle avait d’abord. Il obéit encore et dit à Guillaume : — Vous faites bien d’être pur : car nul homme ne peut, sans mourir, me voir tel que je suis, s’il est souillé. » Voy. Pactes, Possessions, etc.

  1. Bergier, Dictionnaire théologique.
  2. Caesarii Heisterbach miracul., liv. V, ch. xxix, et Schellen, De diabol., liv. VII.