Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Démocrite

Henri Plon (p. 201-202).
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Démocrite, philosophe célèbre qui florissait en Grèce environ trois cents ans après la fondation de Rome. Les écrivains du quinzième et du seizième siècle l’ont accusé de magie ; quelques-uns lui ont même attribué un traité d’alchimie. Psellus prétend qu’il ne s’était crevé les yeux qu’après avoir soufflé tout son bien à la recherche de la pierre philosophale. La cécité de Démocrite a embarrassé bien des personnes. Tertullien dit qu’il se priva de la vue parce qu’elle était pour lui une occasion de mauvaises convoitises. Plutarque pense que c’était pour philosopher plus à son aise, et c’est le sentiment le plus répandu, quoiqu’il soit aussi dénué de fondement que les autres. Démocrite ne fut point aveugle, si l’on en croit Hippocrate, qui raconte qu’appelé par les Abdéritains pour guérir la folie prétendue de ce philosophe, il le trouva occupé à la lecture de certains livres et à la dissection de quelques animaux, ce qu’il n’eût point fait s’il eût été aveugle.

De jeunes Abdéritains, sachant que Démocrite s’était enfermé dans un sépulcre écarté de la ville pour philosopher, s’habillèrent un jour en démons avec de longues robes noires et des masques hideux ; puis ils l’allèrent trouver et se mirent à danser autour de lui ; Démocrite n’en parut pas effrayé ; il ne leva pas même les yeux de dessus son livre et continua d’écrire[1]. Il riait de tout, nous dit-on, mais son rire était moral, et il voyait autrement que les hommes dont il se moquait. Croyons donc, avec Scaliger, qu’il était aveugle moralement, quod aliorum more oculis non uteretur.

On a dit qu’il entendait le chant des oiseaux, et qu’il s’était procuré cette faculté merveilleuse en mangeant un serpent engendré du sang mélangé de certains oisillons ; mais que n’a-t-on pas dit ! On a dit aussi qu’il commerçait avec le diable, parce qu’il vivait solitaire.


  1. Leloyer, Histoire des spectres ou Apparition des esprits, liv. I, ch. ix, p. 80.