Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Crocodiles

Henri Plon (p. 191).
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Crocodiles. Les Égyptiens modernes assurent que jadis les crocodiles étaient des animaux doux, et ils racontent de la manière suivante l’origine de leur férocité. Humeth, gouverneur d’Égypte sous Gisar Al-Mutacil, calife de Bagdad, ayant fait mettre en pièces l’image de plomb d’un grand crocodile (figure talismanique) que l’on avait trouvée en creusant les fondements d’un ancien temple de païens, à l’heure même de cette exécution les crocodiles sortirent du Nil, et ne cessèrent, depuis ce temps, de nuire par leur voracité[1]. Voy. Étoiles. Pline et Plutarque témoignent que les Égyptiens connaissent, par l’endroit où les crocodiles pondent


leurs œufs, jusqu’où ira le débordement du Nil. Mais il serait difficile, dit Thomas Brown, de comprendre comment ces animaux ont pu deviner un effet qui, dans ces circonstances, dépend de causes extrêmement éloignées, c’est-à-dire de la mesure des rivages dans l’Éthiopie. Les habitants de Thèbes et du lac Mœris rendaient un culte particulier aux crocodiles. Ils leur mettaient aux oreilles des pierres précieuses et des ornements d’or, et les nourrissaient de viandes consacrées. Après leur mort, ils les embaumaient et les déposaient en des urnes que l’on portait dans le labyrinthe qui servait de sépulture aux rois. Les Ombites poussaient même la superstition jusqu’à se réjouir de voir leurs enfants enlevés par les crocodiles. Mais ces animaux étaient en horreur dans le reste de l’Egypte, excepté à Tentiris ou Denderah, dont les habitants ne les redoutaient pas. Ceux qui les adoraient disaient que, pendant les sept jours consacrés aux fêtes de la naissance d’Apis, ils oubliaient leur férocité naturelle et ne faisaient aucun mal ; mais que le huitième jour, après midi, ils redevenaient furieux.

  1. Leloyer, Histoire et discours des spectres, etc., liv. IV, ch. xxi, p. 417.