Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Cercles magiques

Henri Plon (p. 149-150).
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Cercles magiques. On ne peut guère évoquer les démons avec sûreté sans s’être placé dans un cercle qui garantisse de leur atteinte, parce que leur premier mouvement serait d’empoigner, si l’on n’y mettait ordre. Voici ce qu’on lit à ce propos dans le fatras intitulé Grimoire du pape Honorius : « Les cercles se doivent faire avec du charbon, de l’eau bénite aspergée, ou du bois d’une croix bénite… Quand ils seront faits de la sorte, et quelques paroles de l’Évangile écrites autour du cercle, sur le sol, on jettera de l’eau bénite en disant une prière superstitieuse dont nous devons citer quelques mots : « — Alpha, Oméga, Ély, Élohé, Zébahot, Élion, Saday. Voilà le lion qui est vainqueur de la tribu de Juda, racine de David. J’ouvrirai le livre et ses sept signets… » Il est fâcheux que l’auteur de ces belles oraisons ne soit pas connu, on pourrait lui faire des compliments.

On récite cela après quelque formule de conjuration, et les esprits paraissent. Voy. Conjuration. Le Grand Grimoire ajoute qu’en entrant dans le cercle, il faut n’avoir sur soi aucun métal impur, mais seulement de l’or ou de l’argent, pour jeler la pièce à l’esprit. On plie cette pièce dans un papier blanc, sur lequel on n’a rien écrit ; on l’envoie à l’esprit pour l’empêcher de nuire ; et, pendant qu’il se baisse pour la ramasser devant le cercle, on prononce la conjuration qui le soumet. Le Dragon rouge recommande les mêmes précautions.

Il nous reste à parler des cercles que les sorciers font au sabbat pour leurs danses. On en montre encore dans les campagnes ; on les appelle cercles du sabbat ou cercles des fées, parce qu’on croyait que les fées traçaient de ces cercles magiques dans leurs danses au clair de la lune. Ils ont quelquefois douze ou quinze toises de diamètre et contiennent un gazon pelé à la ronde de la largeur d’un pied, avec un gazon vert au milieu. Quelquefois aussi tout le milieu est aride, desséché, et la bordure tapissée d’un gazon vert. Jessorp et Walker, dans les Transactions philosophiques, attribuent ce phénomène au tonnerre : ils en donnent pour raison que c’est le plus souvent après des orages qu’on aperçoit ces cercles. D’autres savants ont prétendu que les cercles magiques étaient l’ouvrage des fourmis, parce qu’on trouve souvent ces insectes qui y travaillent en foule. On regarde encore aujourd’hui, dans les campagnes peu éclairées, les places arides comme le rond du sabbat. Dans la Lorraine, les traces que forment sur le gazon les tourbillons des vents et les sillons de la foudre passent toujours pour les vestiges de la danse des fées, et les paysans ne s’en approchent qu’avec terreur[1].

  1. Madame Elise Voïart, notes au livre Ier de la Vierge d’Arduène.