Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Brahmanes

Henri Plon (p. 117-118).
◄  Brahma

Brahmanes, Brahmes et Brahmines, sectateurs de Brahma dans l’Inde. Ils croient que l’âme de Brahma passa successivement dans quatre-vingt mille corps différents, et s’arrêta un peu dans celui d’un éléphant blanc avec plus de complaisance ; aussi révèrent-ils l’éléphant blanc.

Ils sont la première des quatre castes du peuple qui adore Brahma. Ces philosophes, dont on a conté tant de choses, vivaient autrefois en partie dans les bois, où ils consultaient les astres et faisaient de la divination, et en partie dans les villes pour enseigner la morale aux princes indiens. Quand on allait les écouter, dit Strabon, on devait le faire dans le plus grand silence. Celui qui toussait ou crachait était exclu.

Les Brahmanes croient à la métempsycose, ne mangent que des fruits ou du lait, et ne peuvent toucher un animal sans se rendre immondes. Ils disent que les bêtes sont animées par les âmes des anges déchus, système dont le père Bougeant a tiré un parti ingénieux.

Il y avait dans les environs de Goa une secte de brahmanes qui croyaient qu’il ne fallait pas attendre la mort pour aller dans le ciel. Lorsqu’ils se sentaient bien vieux, ils ordonnaient à leurs disciples de les enfermer dans un coffre et d’exposer le coffre sur un fleuve voisin qui devait les conduire en paradis. Mais le diable était là qui les guettait ; aussitôt qu’il les voyait embarqués, il rompait le coffre, empoignait son homme ; et les habitants du pays, retrouvant la boîte vide, s’écriaient que le vieux brahmane était allé auprès de Brahma.

Ce Brahma, chef des brahmanes ou brahmes, ou brahmines, est, comme on sait, l’une des trois personnes de la trinité indienne. Il resta plusieurs siècles, avant de naître, à réfléchir dans un œuf d’or, de la coquille duquel il fit le ciel et la terre. Il avait cinq têtes ; il en perdit une dans une bataille, et se mit ensuite à produire quatorze mondes, l’un de son cerveau, l’autre de ses yeux, le troisième de sa bouche, le quatrième de son oreille gauche, le cinquième de son palais, le sixième de son cœur, le septième de son estomac, le huitième de son ventre, le neuvième de sa cuisse gauche, le dixième de ses genoux, le onzième de son talon, le douzième de l’orteil de son pied droit, le treizième de la plante de son pied gauche et le dernier de l’air qui l’environnait. Les habitants de chacun de ces mondes ont des qualités qui les distinguent, analogues à leur origine ; ceux du monde sorti du cerveau de Brahma sont sages et savants.

Les brahmines sont fatalistes ; ils disent qu’à la naissance de chaque être mortel, Brahma écrit tout son horoscope qu’aucun pouvoir n’a plus le moyen de changer.

Les brahmines, toujours astrologues et magiciens, jouissent encore à présent du privilège de ne pouvoir être mis à mort pour quelque crime que ce soit. Un Indien qui aurait le malheur de tuer un brahmine ne peut expier ce crime que par douze années de pèlerinage, en demandant l’aumône et faisant ses repas dans le crâne de sa victime.

Brahmane.

Les brahmanes de Siam croient que la terre périra par le feu, et que de sa cendre il en renaîtra une autre qui jouira d’un printemps perpétuel.

Le juge Boguet, qui fut dans son temps le fléau des sorciers, regarde les brahmanes comme d’insignes magiciens, qui faisaient le beau temps et la pluie en ouvrant ou fermant deux tonneaux qu’ils avaient en leur puissance. Leloyer assure, page 337, que les brahmanes, ou brahmines, vendent toujours les vents par le moyen du diable ; et il cite un pilote vénitien qui leur en acheta au seizième siècle.