Dictionnaire hydrographique de la France/CANAL DE LANGUEDOC

CANAL DE LANGUEDOC, grand canal qui traverſe cette province de l’eſt à l’oueſt, commence ou finit à la ville de Cette, & aboutit à la Garonne près Toulouſe. Il a trente-deux lieues de longueur en ligne droite, & quarante-cinq par le cours ſinueux & anguleux de ſon lit, ſur trente pieds de largeur : on compte enſuite cinquante-ſix lieues de Toulouſe à la tour de Cordouan en ligne droite, & ſoixante-dix par cours d’eau ; ce qui fait en tout quatre-vingt-huit lieues de route directe, & cent quinze lieues de route d’eau d’une mer à l’autre. Le projet de ce canal fut exécuté ſous Louis XIV par les ſoins du ſieur Riquet, d’après le plan de M. Androſi, habile ingénieur. On y travailla depuis 1666 juſqu’en 1681, qu’il fut porté à ſa derniere perfection, & qu’on en fit les premiers eſſais. Les frais de conſtruction monterent à treize millions, dont le Roi paya la moitié & la province l’autre. Par ce canal les marchandiſes de l’Océan & de la Méditerranée ſe tranſportent de l’une à l’autre mer, ſans être obligé de paſſer le détroit de Gibraltar, où l’on avoit à courir mille dangers. Les nivellemens pris, on reconnut que l’endroit le plus élevé entre les deux mers, par la conduite du canal, étoit Naurouze ; ce qui fut indiqué par une fontaine dont les eaux venant à ſe partager, couloient partie à l’eſt & partie à l’oueſt : ce lieu fut de-là appellé le point de partage. Trois obſtacles ſe préſenterent dans l’exécution de ce canal ; mais le génie ſçut les vaincre, 1o l’inégalité du terrain, mais remédié par des écluſes, qui ſoutiennent l’eau dans les deſcentes ; il y en a quinze du côté de l’Océan, & quarante-cinq du côté de la Méditerranée. Celles qui ſont le plus bel aſpect, ſont les huit près Beziers, qui forment une caſcade d’écluſes de cent cinquante-ſix toiſes de longueur ſur onze de pente ; 2o les montagnes, mais on obvie à cette difficulté, parce qu’on les entr’ouvrent : la plus conſidérable eſt le Malpas, percée ſur la longueur de cent vingt toiſes, pour donner paſſage au canal ; 3o les rivieres qui, coulant à travers le canal, en devoient intercepter le cours, mais on y pourvut par des ponts & aqueducs ſur leſquels on a fait paſſer le canal & les rivieres par deſſous ; il a fallu conſtruire trente-ſept aqueducs. À Naurouze, dont on a fait le point de portage des eaux, eſt un baſſin de deux cents toiſes de longueur ſur cent cinquante de largeur, qui a conſtamment ſept pieds d’eau. Là ſe fait la diſtribution des eaux par deux écluſes, l’une du côté de l’Océan, & l’autre du côté de la Méditerranée. Afin que ce baſſin ne tariſſe jamais, & fourniſſe ſuffiſamment d’eau au canal, on a conſtruit un réſervoir ou baſſin à Saint-Feriol, près Revel, qui a douze cents toiſes de longueur, ſur cinq cents de largeur & vingt de profondeur ; il eſt toujours plein d’eau, & ſa digue eſt traverſée par un aqueduc qui porte l’eau en tout tems au baſſin de Naurouze par une rigolle. Ce magaſin d’eau ne s’eſt fait qu’en recueillant les eaux d’alentour, ſur-tout celles de la montagne noire, par une rigolle qui en ramaſſe pluſieurs autres, & qui va côtoyant la côte d’Eſcamaze par une voûte qu’on y a conſtruit. C’est eaux viennent auſſi en partie du baſſin de Lampy, & ont enſuite leur pente naturelle vers le réſervoir de Saint-Feriol. En ſuivant ce canal, on paſſe par des portes de défenſes établies aux endroits du paſſage des rivieres, pour empêcher qu’elles ne verſent leurs ſables dans le canal[1].

  1. Près de ce canal eſt la ville de Caſtelnaudary, dans le haut Languedoc. L’armée de Gaſton, duc d’Orléans, y fut battue par le maréchal de Schomberg, & le duc de Montmorenci y fut pris en 1632, ſous le régne de Louis XIII.