Dictionnaire historique universel/Introduction

Robert Arnault (1p. 5-10).

INTRODUCTION.

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L’histoire occupe de nos jours un rang fort élevé parmi les connaissances humaines; elle devient l’objet d’une multitude d’ouvrages qui en attesteraient assez l’importance, s’il n’était point honteux aujourd’hui d’ignorer les élémens d’une science aussi généralement répandue; et ces élémens sont la chronologie. Quoi de plus ridicule, en effet, que ces anachronismes sans nombre, que commettent à chaque instant les personnes peu instruites dans l’histoire chronologique, en transposant les faits par l’ignorance des dates.

L’utilité de l’histoire est incontestable, et l’on convient généralement que la chronologie doit servir d’introduction à l’étude qu’on doit en faire, car autrement l’esprit s’égarerait dans la multiplicité des faits. Les époques de cette science sont comme des points d’appui sur lesquels la mémoire se repose, ou comme autant de points de réunion autour desquels les autres faits viennent se ranger dans l’esprit. Par là, on parvient sans travail à embrasser à la fois une foule d’événemens, de même qu'on saisirait d'un coup d'oeil toutes les parties d'un vaste tableau.

Divers savans se sont exercés avec succès sur la chronologie; mais les livres des uns sont hérissés d'épines, et ceux des autres sont diffus et surchargés de colonnes embarrassantes, ou trop volumineux. On est effrayé lorsqu'il faut lire, pour s'instruire des élémens d'une science, plusieurs gros volumes en petit caractère, qui demandent une attention suivie, et qu'il faut avoir médités pour trouver tout de suite ce que l'on cherche.

Ainsi qu'on l'a fait pour les autres sciences, il était nécessaire que l'histoire chronologique fût présentée sous la forme d'un dictionnaire-manuel, pour suivre le goût de l'époque, et pour être mieux à la portée de tous. C'est ce que l'on a voulu faire en composant ce petit livre, qui sera distingué des grands dictionnaires historiques, en ce que ces derniers tendent toujours à multiplier les articles, et que celui-ci tend au contraire à les choisir, en rejetant ceux qui sont peu importans, et en évitant les dissertations, pour ne présenter que des précis et des résultats. Il sera aussi distingué de la plupart des abrégés, en ce que, plus complet peut-être qu'aucun autre, il contient toutes les chronologies anciennes et modernes, profanes et sacrées, même celles des peuples qui ne sont que très-peu connus, et celles des états les plus modernes. Des chronologies des hommes célèbres, des découvertes, etc., en font un complément utile, qui dispense de beaucoup d'autres livres. Il offre encore un avantage par la disposition des matières, qui sont rangées tout à la fois suivant l'ordre géographique et suivant l'ordre chronologique, et de plus accompagnées d'une table générale alphabétique. Ces trois moyens rendront les recherches infiniment faciles.

Un objet qui devait surtout attirer l'attention de l'auteur, dans la composition de ce petit dictionnaire, c'est la chronologie de l'histoire de France. Quelques chronologies se bornent à présenter l'ordre de succession des soixante et quelques rois qui nous ont gouvernés, ce qui est insuffisant sans la chronologie des autres faits mémorables dans notre histoire; d'autres offrent des détails trop nombreux, ou des récits trop développés, ce qui gêne dans la recherche des dates, objet essentiel de la chronologie. Il fallait donc prendre le milieu entre ces deux extrêmes, c’est-à-dire n’omettre aucun fait important à consigner dans l’histoire, et s’abstenir de toute réflexion sur la moralité des événemens dont on ne doit que constater l’ordre chronologique. C’est dans cette intention qu’a été conçue la chronologie de l’histoire de France qui fait partie de ce petit ouvrage ; elle commence au temps de l’origine des Francs, plus de 1000 ans avant Pharamond, et descend jusqu’à nos jours.

Il n’est pas hors de propos de rapporter ici qu’il existe un très-grand nombre de systèmes chronologiques différens, touchant le calcul des années depuis la création jusqu’à la naissance de Jésus-Christ. On en compte soixante-dix principaux, mais on se bornera à en citer les plus remarquables.

SELON LA VULGATE :

Le P. Petau compte 3984 ans.
Rabbi Nahasson 3740
Joseph Scaliger et Ubbo Emmius 3950
Usserius 4004
Le P. Torniel, Salian et Sponde 4052
Le P. Labbe et Muller 4053
Riccioli 4184

SELON LES SEPTANTE :

Eusèbe et le Martyrologe romain. 5200
Isaac Vossius. 5590
Riccioli. 5634
Les Tables alphonsines. 6984

Tous les autres calculs y sont renfermés entre 3740 et 6984 ans.

Pour fixer le calcul des chronologistes, Joseph Scaliger a inventé, au seizième siècle, la période julienne ; mais elle est peu en usage et l'on aime mieux se servir du calcul qui commence à la création, comme on l'a fait pour ce petit dictionnaire, ou qui rétrograde, en commençant par l'année de la naissance de Jésus-Christ.

Selon Newton, qui par ses profondes recherches a répandu tant de lumière sur l'antiquité, le monde est moins vieux que ne le croient les chronologistes. Les preuves qu'il donne sont de deux espèces: les premières roulent sur l'évaluation des générations; la seconde espèce de preuves est tirée de l'astronomie. Mais il faut avouer que ce système n'a point réussi. Il a été attaqué avec force par Fréret et le P. Souciet; il a cependant trouvé des défenseurs en France et en Angleterre.

L'année de la naissance de J.-C. est aussi fort disputée; il y a sept à huit ans de différence, sur ce point, entre les auteurs. Mais, depuis ce temps la chronologie commence à devenir plus certaine, par la quantité des monumens; et les différences qui peuvent se rencontrer dans les calculs sont beaucoup moins considérables.

Comme l'histoire ancienne est ténébreuse, parce que les matériaux nous manquent, et que les chronologies sont contradictoires les unes avec les autres, on doit en conclure que les nombreux systèmes que nous possédons sont plutôt le tableau des opinions de leurs auteurs que celui des faits réels. Il serait inutile alors de se fatiguer à les concilier ou à en imaginer de nouveaux; il suffit d'en choisir un et de le suivre. Tel a été le sentiment de l'auteur de cet ouvrage; il a adopté, pour les époques principales, comme l'a fait M. le comte de Las-Cases, dans la composition de son Atlas, le système du P. Petau, parce qu'il est le plus généralement suivi, qu'on l'emploie dans l'application des nouvelles méthodes d'enseignement, et qu'il s'écarte peu de celui d'Usserius, autre système assez répandu.

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