Dictionnaire historique et critique/Projet, 1692/Tome 1
PROJET
ET
FRAGMENS
D’UN
DICTIONNAIRE
CRITIQUE
M D C X CII
AVIS DU LIBRAIRE.
Oicy l’Ouvrage qui fut annonce au mois de Novembre 1690 dans l’Histoire des ouvrages des Savans. Je croyois le publier peu de mois après, & j’en commençai l’impression au mois de Decembre suivant. Les articles des trois premieres lettres, étoient la plûpart presque tout dressez, & pendant qu’on les auroit imprimez, l’Auteur devoit preparer les autres avec la preface. Mais il fut obligé d’interrompre ce travail dès que la premiere feuille eut été tirée, de sorte qu’il laissa là son projet peu après l’avoir formé. Un an ou plus s’est passé sans qu’il en ait repris la pensée, & lors qu’enfin je l’ai pressé de la reprendre, il a falu, qu’il se soit jetté sur les premieres matieres, que le hasard luy a presentées, avant que d’avoir pu rassembler les livres dont il avoit à faire, sur tout pour des sujets plus curieux & plus importans que ceux qu’on verra ici. Ce que je me croy obligé de faire savoir au Lecteur, afin que si on veut juger du Dictionaire Critique par ces Fragmens dressez à la hâte, & de la maniere qui a paru à l’Auteur avoir le plus de besoin d’être rectifiée sur de bons avis, on fasse telles compensations que de raison. J’espere de ne manquer pas de bons livres, & comme cet Ouvrage a besoin de bonnes Tables Alphabetiques, j’y en mettrai autant qu’il en faudra.
PROJET
D’UN
DICTIONNAIRE
CRITIQUE
A
Mr DU RONDEL,
Monsieur,
I. Raison & but de cette entreprise.
Si vous le prenez ainsi, Monsieur, craignez que vôtre amitié pour moy ne vous seduise, & corrigez vôtre erreur par l’aveu sincere que je vous fais, que je ne me sens capable que de très-peu de chose, de quelque côté que je me voulusse tourner. J’avoüe qu’en travaillant à cecy j’aplique mes petites forces par leur foible, au lieu de choisir l’endroit par où elles se pourroient produire avec le moins de desavantage. Mais en verité ce n’est pas la peine de choisir, lors que l’on est convaincu come je le suis, que la difference de son fort & de son foible est presque insensible. D’ailleurs je vous dirai franchement, que si j’avois voulu tourner ma plume du côté que vous me croyez le plus avantageux, je me serois vû dans la necessité, ou de deplaire à certaines gens que[3] la prudence ne veut pas que l’on irrite, ou de me deplaire à moi-même. Or vous savez bien qu’en fait de compositions, il ne faut jamais forcer son[4] genie, & vous n’ignorez pas qu’on peut s’apliquer en divers sens la reponse judicieuse d’un ancien[5] Grec. Et puis qu’est-ce que de ne se pas produire par son beau côté ? C’est à faire à ne recevoir pas les loüanges que l’on auroit remportées, peut-être. Je dis peut-être, car le caprice des hommes & le hasard dominent là d’une étrange sorte. Mais otons le peut-être : que seroit-ce après tout, sinon une privation de loüange, c’est-à-dire un rien pour un homme qui ne s’est jamaif reglé, & qui se regle à present moins que jamais sur ce principe ? Je voudrois que cet ancien poëte[6], qui avoit si bien commencé à montrer le vuide des choses humaines, eût poussé sa pensée jusques à dire cornea mihi fibra est : vous verriez icy l’application qu’on se feroit des trois vers, qu’il nous eût laissez en ce cas-là. Que si d’une part je n’ignore pas que mon entreprise demande beaucoup de forces de corps, je fais reflexion de l’autre que la patience naturelle, jointe à l’habitude de ne se mêler que de ses livres, de sortir peu de son cabinet, & de fuir. comme la peste les manière de ces esprits brouillons dont j’ay parlé, qui cherchent à se fourrer par tout, & jusques dans les affaires d’Etat, peut supléer bien des choses.
Pour ces savans, dont l’érudition dans les matieres de fait est proportionnée à l’application infatigable, que leur temperament robuste leur a permise, je vous declare, Monsieur, que si je ne pretens pas avoir empieté sur leurs droits, & qu’au contraire je ne me propose que de leur fournir un Essai, ou une Ebauche qui puisse en determiner quelques uns à perfectionner ce plan, & à grossir de plusieurs volumes ce Dictionnaire Critique. Je consens de bon cœur qu’on dise de moy à cet égard, ce qui fut dit à Varron sur les matieres de la Philosophie[7], qu’il en avoit dit assez pour en faire naître l’envie, mais non pas pour en donner la connoissance. Je veux même aquiescer à ceux qui diront, que le public me ferois plus de faveur que de justice, si l’on me traitoit selon la regle[8] qu’Aristote aprouve dans quelcun de ses Ecrits ; & je fais fort sincerement la même declaration que cet habile homme, qui nous a donné l’Histoire de la Societé Royale. Pour reponse, dit-il,[9] j’alléguerai à mon égard que ce que j’ay à dire, bien loin d’empêcher les labeurs d’autruy qui pourroient embellir un si digne sujet, n’est advancé en aucune autre façon que comme les édifices les plus superbes ont acoutumé du commencement d’être representez par quelque peu d’ombres, & petits modelles, lesquels on n’a pas intention d’égaler à la principale structure, mais seulement pour montrer en raccourcy, de quels materiaux, de combien de depense, & par combien de mains on la peut élever par après. Je travaille dans le même esprit ; je ne me propose que d’indiquer un dessein à ceux qui auront la capacité d’en fournir l’execution : & afin qu’ils puissent mettre la main à l’œuvre d’autant plûtôt, je me hâterai le plus qu’il me sera possible de publier mon Ebauche, qui ne contiendra qu’un in folio.
II. Qu’il y a beaucoup de fautes dans les livres.
La matiere pour des éditions plus amples ne leur manquera point ; car si ce sujet me peut fournir de quoi dresser un beau volume, malgré les autres occupations indispensables qui entre-coupe tout mon tems, & malgré la disette de livres où je suis reduit, que ne feront point des gens de beaucoup d’érudition, & de grand loifir, & à portée d’une grande Bibliotheque, lors qu’ils voudront travailler à des recueils de cette nature ? Ce seront des courses d’où ils reviendront toûjours chargés de butin, & il n’y a point de Prince, quelque soin qu’il prenne de faire tendre des toiles, & d’ordonner tout ce qu’il faut pour une fameuse partie de chasse, qui puisse être plus certain de la prise d’un très-grand nombre de bêtes, qu’un Savant Critique qui va à la chasse des erreurs, doit être assûré qu’il en decouvrira beaucoup. Ce seroit quelque chose de curieux, s’il arrivoit à cet Ouvrage ce qui est arrivé à celui qu’un docte[10] Suisse intitula le Theatre de la vie humaine, & qu’on a tant de fois gugmenté, qu’enfin il comprend huit gros volumes in folio. Ne doutez point que les fautes des Auteurs ne puissent former un entassement aussi massif que celuy-là ; & à vôtre avis, Monsieur, un Theatre de ces fautes en autant de gros volumes, seroit-il moins divertissant & moins instructif que celuy de la vie humaine ? Vous m’apprendrez quand il vous plaira si le livre intitulé les Chasseurs, qui contenoit le catalogue des larcins de Theopompus, étoit fondé quant au titre sur la comparaison, ou sur la metaphore de la chasse dont je viens de me servir ; vous me l’aprendrez dis je, quand il vous plaira, n’y ayant personne qui ait deterré comme vous les particularitez les plus cachées de l’Antiquité.
On conviendra facilement qu’il y a une infinité de fautes dans les livres, si l’on considere que les Ecrits des plus grands bommes n’en sont pas exemts, & que le moindre Critique y en decouvre beaucoup. Combien de fois rencontre-t-on dans les Sommaires, & dans les Tables des livres les plus mediocres, Scaliger notatus, hallucinatio Scaligeri, & choses semblables ? Mr. Morus[11] s’est imaginé qu’il y avoit là une mauvaise affectation d’Auteur glorieux, & cherchant à faire parler de luy. Cela peut être, mais aucun habile homme ne niera, qu’on ne puisse justement reprendre Scaliger en une infinité de choses. Il n’en faut point d’autre[12] preuve que les ouvrages de Mr. de Saumaise, où l’on voit à tout moment Scaliger surpris en faute. Il est vray qu’on ne le nomme pas, & qu’on le designe par l’éloge magnifique de vir magnus, vir summus ; mais toutes ces grandes honnêtetez n’afoiblissent point la realité de la faute, lors que la censure est bien fondée. Mr. de Saumaize qui n’avoit pas les mêmes raisons de menager ainsi les autres savans, en irrita quelques-uns, qui exercerent sur ses Ecrits une impitoyable Critique : Il se défendit, & les attaqua à son tour. La partie fut principalement liée entre luy & le Jesuite Denys Petau, & tellement liée qu’ils n’ont gueres cessé de se batre qu’en mourant. On peut assûrer que c’étoient deux Athletes dignes l’un de l’autre, & que jamais gladiateurs ne furent mieux appariez que ces deux-là ; car il ne seroit point juste de s’en raporter, à ce qu’en ont[13] dit des gens qui étoient juge & partie. C’étoient les deux plus savans hommes de France, & ils auroient pu non seulement éclairer leur siecle, mais aussi luy faire beaucoup d’honneur par leurs longues contestations, si à la honte de la literature, ils ne les avoient infectées de l’aigreur excessive de leur bile, qui leur dictoit presque autant d’injures que de paroles. Tous les autres antagonistes de Mr. De Saumaize n’ont pas été capables de luy rendre precisément coup pour coup, je veux dire de decouvrir autant de fautes dans ses écrits, qu’il en decouvroit dans les leurs ; mais ils ne laissoient pas de luy montrer qu’il se trompoit assez souvent. Qui pourroit douter après cela, que la moisson de cette sorte de fautes ne soit grande ? Où n’en trouvera-t-on pas, puis qu’on en trouve dans les productions des Scaligers et des Saumaises, & qui ne se consoleroit de ses erreurs par cette raison ?
Penetrant comme vous êtes, vous n’avez pas besoin d’être averti que j’ai proposé l’exemple de ces deux grands hommes, non pas tant afin de raisonner du plus au moins, qu’afin de donner quelque sorte de consolation aux Auteurs du second rang, & à ceux qui comme moi sont du plus petit. La consolation pourra être plus efficace, que le raisonnement ne seroit juste, car il est certain que les Auteurs du premier rang, sont quelquefois ceux à qui il échape le plus de fautes, soit à cause qu’ils sont trop hardis dans leurs décisions, & qu’ils aiment trop les routes nouvelles, soit à cause qu’ils se laissent saisir tôt ou tard à la vanité de se distinguer par la multitude de leurs Ouvrages, soit pour plusieurs autres raisons qu’il me seroit facile d’étaler, si je voulois qu’on y reconnût quelcun : mais il n’est pas moins certain, que cela n’empêche pas que ces exemples ne soient consolans. On se laisse plus toucher en fait de consolation à des pensées populaires & specieuses, qu’aux raisonnemens les plus conformes aux regles de la Logique. Disons donc que les Scaligers & les Saumaizes doivent faire à l’égard des autres Auteurs, ce que fit Carthage à l’égard des autres peuples. Post[14] Carthaginem vinci neminem puduit, personne n’eut honte d’être vaincu après que Carthage eut été vaincuë.
Je pourrois joindre Baronius à ces deux celebres Auteurs. C’est assûrément un grand homme : ceux qui l’ont examiné pour écrire contre lui, sont peut-être ceux qui l’admirent le plus. Cependant combien de fautes y a-t-il dans ses Annales ? On ne les compte point par centaines, mais[15] par milliers ; il s’est trompé non seulement par interêt de parti, par prevention Ultramontaine, mais aussi en mille choses qui ne servent de rien aux pretentions de la Cour de Rome. On l’a fait voir toutes les fois qu’on l’a attaqué, & tout fraichement le public en a pu être convaincu[16] d’une manière solide. Il semble que Baronius ait pris plaisir à se tromper, & qu’il ait repandu tout exprès les mensonges dans son Ouvrage, tant ils y sont semez épais.
III. Qu’il faut neanmoins bien travailler pour en faire une bonne compilation.
Je n’ay pas peur que vous concluïez de là, qu’il n’est rien de plus aisé que de compiler des fautes, & qu’on a même pas besoin de beaucoup de tems pour ces sortes de compilations, puis qu’on n’a qu’à copier les censures que les Auteurs ont faites les uns des autres ; je n’ay pas peur, dis-je, qu’un homme aussi éclairé que vous me propose ce raisonnement. Vous savez trop bien, Monsieur, qu’il n’y a point de procés où il soit plus necessaire d’entendre les deux parties, que dans ceux qui s’élevent entre les gens doctes ; fou qui se fie aux remarques de l’aggresseur : la prudence veut que l’on attende ce qui luy sera repondu, & ce qu’il repliquera. Je n’en demande pas davantage ; je say que la patience des lecteurs ne va pas ordinairemcm si loin : mais pour un dessein comme celuy-ci ce n’est pas trop à l’égard de bien des choses, que de comparer ensemble quatre Ecrits publiez successivement, deux par la personne attaquée, & deux par la personne attaquante, & j’ose même dire que sur certains faits cela n’est pas suffisant. On m’accordera qu’il y a bien des Censeurs, qui font plus de fautes qu’ils n’en corrigent[17] ; on m’avoüera pour le moins, que les plus savans donnent lieu à être censurez à leur tour. C’est ce qu’on a reproché à Casaubon, par raport à sa Critique de Baronius. Les uns[18] luy ont fait ce reproche assez doucement : les autres d’une maniere fort outrée, quoy que l’on ne puisse pas disconvenir de je ne say quelle fatalité, qui fut cause que cette Critique très bonne & très-savante d’ailleurs, fit plus de tort que de bien à la reputation de celui qui la composa. Mais enfin je ne voudrois que cet exemple, pour montrer qu’après avoir lu la Critique d’un Ouvrage, il faut suspendre son jugement jusques à ce que l’on ait vû ce que l’Auteur critique où ses amis auront à dire. Ceux qui prennent pour faute tout ce qui est censuré par l’aggresseur, & pour vray tout ce qu’il ne combat pas, voyent souvent par la suitte qu’ils ont été dupe de cet Ecrivain ; car on leur montre qu’il a condamné de bonnes choses, & qu’il n’a point condamné ce qui étoit condamnable, & que de son côté il a commis beaucoup de bevûës. Un Auteur très-sensible d’ailleurs à la censure, prendra le party de se critiquer luy-même, lors qu’il croira faire depit à ses Censeurs, en leur montrant qu’ils ont ignoré que telles & telles choses devoient être censurées. Je vous en alleguerois des exemples, si je ne savois qu’ils vous font assez conus, avec la reflexion qui en resulte naturellement ; c’est que l’homme aime mieux se faire du mal pourveu qu’il en fasse à son ennemi, que se procurer un bien qui tourneroit au profit de son ennemi. Or comme ce qui est arrivé au Cenfeur, est aussi quelquefois le sort de l’Apologiste, c’est-à-dire qu’ils ne voyent l’un & l’autre qu’une partie des manquemens de leur Adversaire, & qu’ils font des fautes chacun à son tour, on voit la necessité qu’il y a de les suivre dans tout le progrez de leur dispute, lors qu’on veut faire le Recueil que j’entreprens : car il ne doit être composé que de fautes averées & certaines, comme sont par exemple celles sur quoy les Auteurs qui ont été critiquez passent condamnation, ou formellement ou par leur silence, & celles sur quoy on les reduit enfin à ne se defendre que par des absurditez notoires. Sans que pour cela je doute qu’il n’y ait des fautes, que l’on reduit à la conviction dès la premrere Critique ; de sorte, Monsieur, que si je voulois reprendre la metaphore de la chasse, dont je me suis déjà servi, je devrois dire qu’à la vérité ceux qui cherchent les fautes des Auteurs, trouvent bien quelquefois la bête toute tuée, ou aux abois, mais qu’ils la trouvent aussi quelquefois qui donne le change, ou qui esquive le coup, ou même qui se defend encore vigoureusement quoy que percée de cent traits. Les chicanes que la vanité & la mauvaise honte inspirent aux Ecrivains critiquez, ne rendent que trop juste l’application de la metaphore. Cependant cela nous montre qu’il ne suffit pas de savoir copier, pour aller heureusement à cette chasse, & que l’abondance des materiaux n’empêche pas que la construction de l’édifice ne coûte beaucoup. Passons plus avant, & disons que de tous les Dictionaires il n’y en a point de plus difficile que celuy-ci. Quand on travaille aux autres on rencontre dans les precedens une infinité de choses toutes preparées, qui ne coûtent que le prendre, & une infinité d’autres qu’il ne faut que changer un peu. Tout ce qu’on y trouve de bon est de bonne prise, mais tout cela est inutile pour moy. Ce que j’y trouve de mauvais est la seule chose qui me puisse servir, pourveu que je la sache rectifier.
IV. Utilité d’une telle compilation.
Vous avez vû une reflexion que m’a fournie la lecture de quelques-unes de ces disputes, qui contiennent reponse, replique, duplique, &c. en voicy une autre sortie de la même source. Après avoir lu la Critique d’un Ouvrage, on se croit désabusé de plusieurs faits faux, que l’on avoit pris pour vrais en le lisant. On passe donc de l’affirmation à la négation ; mais si l’on vient à lire une bonne reponse à cette Critique, on ne manque gueres à l’égard de certaines choses de revenir à sa premiere affirmation, pendant que d’autre côté on passe à la negation de certaines choses, qu’on avoit crues sur la foy de cette Critique. On eprouve une semblable revolution, quand on vient à lire une bonne replique à la reponse. Or cela n’est-il pas capable de jetter la plus grande partie des lecteurs dans une defiance continuelle ? Qu’y a-t-il qui ne puisse devenir suspect de fausseté, à ceux qui n’ont pas en main la clef des sources ? Si un Auteur avance des choses sans citer d’où il les prend, on a lieu de croire qu’il n’en parle que par oüi-dire ; s’il cite, on craint qu’il ne rapporte mal le passage, ou qu’il ne l’entende mal, puis qu’on ne manque gueres d’apprendre par la lecture d’une Critique, qu’il y a beaucoup de pareilles fautes dans le livre critiqué. Que faire donc, Monsieur, pour ôter tous ces sujets de defiance, y ayant un si grand nombre de livres qui n’ont jamais été refutez, & un si grand nombre de lecteurs, qui n’ont pas les livres où est contenuë la suite des disputes litteraires ? Ne seroit-il pas à souhaitter qu’il y eût au monde un Dictionnaire critique auquel on pût avoir recours, pour être assûré si ce que l’on trouve dans les autres Dictionaires, & dans toute sorte d’autres livres est veritable ? Ce seroit la pierre de touche des autres livres, & vous conoissez un homme un peu precieux dans son langage, qui ne manqueroit pas d’apeller l’Ouvrage en question, la chambre des assûrances de la Republique des Lettres.
Vous voyez là en gros l’idée de mon projet. J’ay dessein de composer un Dictionnaire, qui outre les omissions considerables des aautres, contiendra un recueil des faussetez qui concernent chaque article. Et vous voyez bien, Monsieur, que si par exemple j’étois venu à bout de recüeillir sous le mot de Seneque, tout ce qui s’est dit de faux de cet illustre Philosophe, on n’auroit qu’à consulter cet article pour savoir ce que l’on devroit croire, de ce qu’on liroit concernant Seneque dans quelque livre que ce fût : car si c’étoit une fausseté, elle seroit marquée dans le recueil, &
- ↑ 1 On a oüi dire que Mr., ayant prié un jour un savant de ses amis, de marquer sur quelque morceau de papier les fautes qu’il remarqueroit dans son Dictionnaire, eut pour réponse qu’il faudroit des mains & des rames de papier, & non de petits morceaux.
- ↑ 2. Horat. Sat. 3. Lib. 2.
- ↑ 1 Voyez dans les adages d’Erasme le Noli irritare crabrones.
- ↑ 2 Tu nibil invita dices faciesve Minerva. Horat. De art. poët.
- ↑ 3 Theocritus apud Stobaeum, Serm. 21 de cognoscendo se ipsum, έρωτηδείζ Αλά τί ϰ συσλεγιφει, όλε είπεν ώζ μέν βύλομον, ϰ δυναμον, ώζ ϟ διναμον ϰ βελομον : Un ancien philosophe donna cette raison de son silence, ce que je say n’est pas de saison, & ce qui seroit de saison, je ne le say pas.
- ↑ 4 Non ego cum scribo, si forte quid aptius exit, Quando haec rara avis est, si quid tamen aptius exit, Laudari metuam. neque enim mihi cornea fibra est. Persius, Satir. 1.
- ↑ 1 Philosophiam multis locis inchoasti ad impellendum fatis, ad edocendum parum. Cicero, Academ. Quast. l. 1.
- ↑ 2 Ου μέρον ς χάρεν έχειν δικαιον τύτυζ, ών άν τιζ κοινωμή Verum non solùm illis agendæ sunt gratiæ quorum opinionibus quis acquiescet, sed illis qui superficie tenus dixerunt : conserunt enim aliquid etiam isti, habitum namque nostrum exercuerunt. Si enim Timotheus non suisset, multum melodiæ nequaquam habuissemus : si tamen Phrynis non extitisset. ne Timotheus quidem. Metaphys. l. 2. c. 1.
- ↑ 3 Je le cite selon la traduction Françoise qui n’est pas fort élegante. Cet auteur se nomme Thomas Sprat, il a été fait depuis Evêque de Rochester.
- ↑ 1 Theodore Zwinger, Medecin natif de Bâle, mort en 1588.
- ↑ 2 Illos omitto, qui satis ad famam nominis adiscipendam putant si praescribere possint illud : contra Scaligeri error ostentus : nec eos praecipue tango &c. Praefat. Edit. Scalig. In Eusebium, 1658.
- ↑ 3 On n’a de garde de parler du procès que Scioppius, le plus furieux & le plus redoutable Crtrique de ce siede lui intenta. (cela seroit trop odieux) pretendant qu’il avoir commis cinq cens faussetez dans un écrit de 110 pages sur l’antiquité de sa famille. Il est bien certain que parmy ces cinq cens mensonges imputez, il y en a beaucoup qui sont imputez avec raison ; il ne faut pour s’en convaincre que lire cc que Scaliger & ses amis repondirent, &. ce qui leur fut repliqué.
- ↑ 1 Comme le P. Labbe dans son Chronologue François t. 5 à l’an 1652. Le Père Denys Petau, dit-il, le plus savant homme qui fût au monde, mourut l’onzième de Novembre en sa 70. Année. Saumaize qui avoit voulu se mesurer avec luy en quelques points de Grammaire, impar longe congressus Achilli en tout le reste, étoit decedé . . . le 3. Septembre.
- ↑ Florus, l. 2, c. 7.
- ↑ 1 Baronii Annales isquem dixi Blondellus mille calligavit notis, aliquando prodituris, quibus oram exemplaris sui praerextuit : quod exemplar aere suo redemptum bene preceres Amstelodamenses Bibliothecae publicae inferri curaverunt. Super haec vero & eaquae ab aviis animadversa sunt, quae subnotavimus etiam nos justum fere volumen implerent. Alex. Moris ubi super. Holstenius pouvoit montrere 8000 faussetez dans Baronius, & les prouver par le.s Manuscrits du Vatican. Voyez Patin 1, vol. de lettr. p. 275 de la 1. edit.
- ↑ 2 Par les Exercit. Sam. Basnagii Flottemanvillæi.
- ↑ 1 Saepe in judicando majus est peccatum judicii quam peccati illius de quo fuerat judicatum. Ambrosius in Psalm. 50.
- ↑ 2 Mr. Godeau par exemple, dans la Preface de son Histoire de l’Eglise ; Casaubon, dit-il, qui étoit un habile homme, devoit traiter Baronius avec plus de civilité, luy qui ne nomme jamais Scaliger que ce divin homme, & se contenter de le reprendre sur les choses où il croyait qu’il s’étoit trompé, sans le voulloir faire passer à tous momens pour un homme qui n’avoit nulle belle literature. S’il avoit entrepris une carriere aussi longue que la sienne, nous verrions s’il n’y auroit point fait de faux pas. Ses Exercitations en ont fait naître d’autres : on a trouvé justement de quoy censurer dans ses censures, & par là on voit qu’en ces matieres il n’y a rien qui ne puisse être defendu & attaqué, avec une probabilité presque égale, sur tout pour les dates du tems.