Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Patin


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PATIN (Guy), professeur en médecine au collége royal de Paris, a été un homme de beaucoup d’esprit et de beaucoup de savoir[* 1]. Voyez son éloge à la tête de ses Lettres. Elles sont si connues par tout le monde, que cela me donne dispense de parler de son mérite. Il suffit de faire savoir qu’on en pourra être instruit dans la préface que j’ai indiqués. On serait trop délicat si l’on trouvait à redire, que l’auteur de cet éloge n’ait point donné l’histoire de Guy Patin. C’est ainsi qu’en usent les faiseurs d’éloges : ils ne s’amusent presque jamais à nous apprendre d’où est un homme, ni comment il s’est poussé ; et ils ne parlent de ses actions qu’au cas qu’elles se rapportent d’une façon distinguée aux vertus dont ils le louent. Il est donc nécessaire que je dise que notre Patin naquit à Houdan en Brai, à trois lieues de Beauvais[a], l’an 1602[b][* 2]. Il ne se vante point d’être de bonne maison ; il parle à peu près de sa famille comme Horace parle de la sienne (A). Il fut sans doute l’artisan de sa fortune, et je sais de bonne part qu’il a été correcteur d’imprimerie[c]. Il n’est pas facile de décider s’il vaudrait mieux que les lettres qu’on a de lui eussent été destinées au public par leur auteur, que d’avoir été composées sans façon pour l’usage particulier de ceux à qui il les écrivait (B) : mais, de quelque façon qu’on en juge, je suis sûr que l’on conviendra qu’il est bon qu’elles soient sorties de dessous la presse[* 3]. Ce n’est pas qu’elles ne fassent beaucoup de tort à la ville de Paris qu’elles représentent comme infectée d’une corruption effroyable (C), et comme remplie de créatures qui, ayant fait tout ce qu’il fallait pour peupler la terre, font ensuite tout ce qu’il faut pour peupler les limbes (D). Cela me donnera lieu de parler d’une ordonnance de Henri[d], qui était si rigoureuse, qu’il pouvait arriver qu’elle exposait à la mort une femme qui n’était point coupable d’avoir fait périr son fruit. Nous verrons là-dessus l’observation d’un célèbre jurisconsulte (E), et nous rapporterons un passage de Henri Étienne qui nous apprendra, entre autres choses, que cette loi si rigoureuse ne fit périr que des servantes (F). Ces mêmes lettres de Patin témoignent en particulier que le symbole de l’auteur n’était pas chargé de beaucoup d’articles (G), et qu’il avait beaucoup de tendresse pour ses enfans. Il ne faut que cela pour réfuter l’imposture énorme qu’un écrivain allemand a publiée (H). On a observé que Guy Patin ressemblait à Cicéron (I). Il mourut, l’an 1672, et laissa un fils qui s’est rendu fort illustre (K), et qui excellait dans la connaissance des médailles. Il avait perdu son fils aîné, pour qui il avait obtenu, en 1667, la survivance de sa chaire de professeur[e], et qui n’eut pas la reconnaissance qui était due à l’affection d’un si bon père[f]. Ce fut un grand surcroît d’affliction dans le chagrin où il était de la disgrâce de son autre fils (L).

  1. * Leduchat, et Joly, après lui, disent que Patin n’était pas digne des éloges qu’on lui donne du côté de la science : il ne lisait jamais que les titres des livres, tout au plus les préfaces ; c’est ce qu’un critique fameux a eu de commun avec lui. M. Chardon Larochette (Magasin encyclop. 1812. VI, 414) nous apprend que cette accusation que lui fit Voltaire était fondée. Voltaire (dans son Pauvre diable ) avait dit :

    Il m’enseigna comment on dépeçait
    Un pauvre auteur, comme on le recousait,
    Comme on jugeait du tout par la préface.

    Mercier de Saint-Léger, qui achetait de Fréron les livres dont celui-ci rendait compte, n’en trouvait presque jamais que la préface de coupée.

  2. * Il naquit, dit Joly, le 31 août 1601, puisque écrivant à Ch. Spon, le 30 août 1655, en parlant du médecin Simon Piètre, il dit : « Ce grand homme mourut en 1618, âgé de 54 ans. Hélas ! J’en aurai demain autant. »
  3. * Leclerc dit que puisque, de l’aveu de Bayle, il y a si peu de bon et tant de mauvais, il est hors de doute qu’il eût mieux valu que ces lettres n’eussent pas été imprimées. C’est surtout à cause des impiétés, que Leclerc condamne les lettres de G. Patin. Il ne manque à rapporter le passage du Ménagiana, où il est dit qu’elles sont pleines de fausseté, et que Bayle a cité dans sa remarque (B) ; il y a une raison que Leclerc et Joly taisent ; c’est que Patin n’aimait pas les jésuites, et les maltraite souvent.
  1. Patin, lettre CCXCIII, pag. 561 du IIIe. tome, édition de Genève, 1691.
  2. Selon son éloge, il mourut septuagénaire l’an, 1672.
  3. M. Drelincourt, professeur en médecine à Leyde me l’a appris.
  4. Voyez la rem. (C).
  5. Voyez sa lettre CCCCLV, p. 337 du IIIe. tome.
  6. Voyez sa DXXXVe. lettre, pag. 539 du IIIe. tome.

(A) Il parle à peu près de sa famille comme Horace de la sienne [* 1]. ] « Je suis fils de bonnes gens, dit-il[2], que je ne voudrais pas avoir changé contre de plus riches. J’ai céans leurs portraits devant mes yeux[* 2], je me souviens tous les jours de leur vertu, et suis bien aise d’avoir vu l’innocence de leur vie qui était admirable. On ne vit pas comme cela dans les villes, et particulièrement Paris. Je ne vois plus que de la vanité, de l’imposture et de la fourberie. Dieu nous a réservés pour un siècle fripon et dangereux. » Voyons ce qu’Horace disait de son père :

...............Purus et insons
(Ut me collaudem) si vivo, et charus amicis,
Causa fuit pater his, qui macro pauper agello,
Noluit in Flavî ludum me mittere magni,
.........................
Nec timuit, sibi ne vitio quis verteret, olim
Si præco parvas, aut (ut fuit ipse) coactor
Mercedes sequerer : neque ego essem questus.
Ob hoc nunc
Laus illi debetur, et à me gratia major.
Nil me pœniteat sanum patris hujus : eòque
Non, ut magna dolo factum negat me esse suo pars,
Quòd non ingenuos habeat clarosque parentes,
Sic me defendam : longè mea discrepat istis
Et vox et ratio. Nam si natura juberet
A certis annis ævum remeare peractum,
Atque alios legere ad fastum, quoscunque parentes
Optaret sibi quisque : meis contentus, honestos
Fascibus et sellis nolim mihi sumere : demens
Judicio vulgi[3] ............

(B) S’il vaudrait mieux que ses lettres eussent été destinées au public, que pour l’usage .... de ceux à qui il les écrivait. ] S’il les eût faites pour les publier, il les eût remplies d’érudition et d’observations exactes sur l’histoire de savans, et sur celle de leurs ouvrages ; car il avait une très-belle mémoire, beaucoup de lecture, et une excellente bibliothéque. Il n’eût pas débité des choses mal examinées, et selon qu’elles s’offraient à son imagination : en un mot, nous trouverions moins de faussetés dans son ouvrage, mais aussi nous n’y verrions pas au naturel son esprit et son génie ; nous n’y rencontrerions pas tant de faits curieux, ni tant de traits vifs et hardis, qui divertissent, et qui font faire de solides réflexions. On fit un choix parmi ses lettres qui fut publié à Genève, l’an 1683, et réimprimé bientôt en Hollande. Le débit encouragea un libraire de Genève à publier celles qui avaient été rebutées au premier triage : il les joignit avec les premières, et donna par ce moyen un recueil en trois volumes, l’an 1691.[* 3] Il fut contrefait en Hollande peu de temps après. Il eût mieux valu qu’on l’eût contrefait en Allemagne, parce que les libraires allemands ont la louable coutume de faire ajouter de bonnes tables aux livres qu’ils réimpriment, et jamais ouvrage n’en eut un plus grand besoin que celui-ci. On n’eut pas de peine à s’apercevoir que tout n’y est pas véritable : voici le jugement qu’en porta l’auteur des nouvelles de la république des Lettres. « Il est bon que les lecteurs soient avertis que tous les bons mots, ou tous les contes qu’il rapporte, ne sont point vrais. Il y en a où il paraît une effroyable malice, et une hardiesse prodigieuse à donner un tour criminel à toutes choses. On serait fort blâmable de croire ces endroits-là, sous prétexte qu’ils sont imprimés. Tout ce qu’on en peut recueillir, est que M. Patin les écrivait à son ami, comme une chose qu’il avait ouï dire à d’autres, et pour suivre la coutume, qu’il observait depuis long-temps, de s’entretenir avec lui par lettres, comme il aurait fait s’ils se fussent promenés ensemble. On sait bien que dans la conversation on parle tout aussitôt d’une chose qui court par la ville, sans qu’elle soit vraie, que d’une nouvelle qui est vraie. Et quand on a l’humeur satirique, comme il faut convenir que l’avait M. Patin, on relève plus soigneusement ce qui se débite au désavantage du prochain, que ce qui se dit à sa louange[9]. » M. Ménage en jugea de même. Les lettres de Guy Patin sont remplies de faussetés. Nous en remarquâmes un grand nombre, M. Bigot et moi. M. Patin ne prenait pas de précaution dans ce qu’il écrivait ; et la préoccupation lui faisait croire mille choses qui n’étaient pas[10]. Voyez le Journal de Leipsic, au mois de mai 1684[11]. On fait espérer les Lettres latines de Guy Patin, qui seront accompagnées d’un bel et savant éloge, composé par M. Théveneau, médecin de Nevers[12][* 4].

(C) Ses Lettres font …… tort à la ville de Paris, qu’elles représentent comme infectée d’une corruption effroyable. ] On ne finirait jamais, si l’on voulait recueillir toutes ses plaintes sur un tel sujet : bornons-nous donc à ce qu’il observe sur le crime de ces femmes impudiques qui font périr leurs enfans. « On fait ici un grand bruit de la mort de mademoiselle de Guerchi. On avait mis prisonnière dans le châtelet la sage-femme ; elle a été traduite dans la conciergerie, par arrêt de la cour. Le curé de Saint-Eustache a refusé sépulture au corps de cette dame : on dit qu’on l’a porté dans l’Hôtel de Condé, et qu’il y a été mis dans la chaux, afin de le consumer plus tôt, et qu’on n’y puisse rien reconnaître, si on en venait à la visite. La sage-femme s’est assez bien défendue jusques à présent ; mais aliæ admovebuntur machinæ, aliæ artes adhibebuntur ad eruendum verum : je crois qu’elle sera mise à la question. Les vicaires généraux et les pénitenciers se sont allés plaindre à monsieur le premier président, que, depuis un an, six cents femmes, de compte fait, se sont confessées d’avoir tué et étouffé leur fruit ; et qu’ils y ont particulièrement pris garde, sur l’avis qu’on leur avait donné[13]. » Puisque j’ai entamé cette aventure, il faut que j’en fasse voir la suite.[14] Il court ici un libelle de huit pages in-4o.[15], par lequel il est prouvé, que le crime, dont la dame Constantin, sage-femme, est depuis peu accusée, n’est qu’une suite de la doctrine des jésuites ; et aussi pour détromper les dames qui se laissent abuser par cette erreur, sous prétexte que ces pères l’enseignent dans leurs livres. On dit que la sage-femme se défend fort bien ; elle avoue que madame de Guerchi est morte chez elle, mais qu’elle ne lui a donné aucun breuvage ; qu’elle vint chez elle fort malade, où elle mourut en criant cruellement ; qu’elle a ouï parler d’un certain breuvage que ladite dame avait pris, mais qu’elle ne savait ce ne c’était, ni qui l’avait fait …[16] La dame Constantin, sage-femme, est encore dans le châtelet en prison : elle doit être demain interrogée. N. et le Large ont reçu assignation pour y venir répondre de leurs faits de la déposition qu’ils ont donnée, an ut ibi fatis cedat pædore carceris, et metu lethalis supplicii confectâ ? On dit qu’elle se défend bien, et qu’il n’y a point assez de preuve contre elle pour la condamner à mort ; mais on attend des monitions que l’on va faire publier par toutes les paroisses de la ville et faubourgs de Paris : d’autres disent qu’on la veut sauver, et qu’elle est trop bien recommandée par les plus grands. Néanmoins on croit bien qu’elle mérite la mort et au delà ; et que si on la pendait, elle ne mourrait pas innocente : on dit que sa maison était un bordel public, et que quantité de garces allaient accoucher là-dedans, vel abortum passuræ…[17] Le mercredi 14 juillet, la dame Constantin, sage-femme, a été condamnée au châtelet, à être pendue et étranglée, après avoir été mise à la question, d’où elle a appelé, et a été transférée en la conciergerie : on croit que la semaine prochaine, le sentence sera confirmée à la Tournelle… [18] La sage-femme est toujours prisonnière. On dit que ce ne sera pas pour la semaine prochaine, et que monsieur le procureur général appelle contre elle de sa sentence à minimâ ; qu’il veut donner de rudes conclusions contre elle ; qu’elle devrait être brûlée toute-vive, si elle ne nomme tous ses complices. Enfin il apprend à son ami, dans une lettre datée du 16 d’août 1660[19], que la Constantin fut pendue, « damnata fuit laqueo infelix obstetrix et suffocata, en belle compagnie, à la Croix du Tiroir[20]. » Nous avons vu la conclusion de la tragédie, tant à l’égard de l’accoucheuse, qu’à l’égard de l’accouchée ; mais voyons une partie des préliminaires touchant celle-ci. Je ne les garantis pas pour véritables : s’ils sont faux prenez-vous en à l’écrivain que je cite[21]. « Le duc de Joyeuse adressa ses vœux à mademoiselle de Guerchi, compagne de mademoiselle de Pons[22], qui le sacrifia bientôt après au commandeur de Jars, de la maison de Rochechouard[23] … Elle quitta le commandeur de Jars pour s’abandonner à Jeannin de Castille, trésorier de l’Épargne, et elle se conduisit avec si peu de retenue, que la reine la chassa de la cour. Le duc de Vitry ne laissa pas de s’embarquer avec elle, et de la traiter avec autant de respect, que si elle eût été toujours fort chaste, quoiqu’elle eût eu déjà quatre ou cinq enfans de plusieurs pères. Elle devint grosse encore une fois, et le duc voulut qu’elle se fit accoucher pour conserver sa réputation, qu’il ne croyait pas aussi perdue qu’elle était. Elle eut beau lui dire qu’elle serait ravie d’avoir ce gage de son amitié, il voulut absolument qu’elle fît périr ce fruit de leurs amours, et lui envoya une sage-femme qu’on nommait la Constantin, qui voulut la faire accoucher par force ; mais elle mourut dans l’opération, et la Constantin fut pendue. Le duc de Vitry demeura inconsolable de sa mort, et conserva si chèrement sa mémoire, qu’il s’embarqua depuis avec une coureuse, parce qu’elle lui ressemblait. Cette femme s’étant enrichie de ses bienfaits, épousa ensuite le marquis de Goudron, cadet de la maison de Gamache. » Ces citations ne m’écartent pas de mon sujet autant que l’on s’imagine ; car elles contiennent des preuves du texte de cette remarque, ou en tout cas elles fortifient ce que Guy Patin débite. Outre que je ne me fais pas une affaire d’être critiqué comme un trop long citateur, pourvu que j’épargne à une bonne partie de mes lecteurs le déplaisir de n’être instruits qu’à demi, ou la peine d’aller chercher la suite des choses en sautant de livre en livre. Mais quoi qu’il en soit, voici une citation mieux alliée avec le narré de M. Patin.

M. de Thou rapporte qu’en 1557 on fit une loi qui condamnait à la mort, comme coupables de parricide, toutes les femmes qui auraient caché, ou leur grossesse, ou leurs couches, et qui n’apporteraient pas des attestations touchant l’état où leur enfant serait né, si d’ailleurs on avait des preuves qu’il aurait été enterré sans cérémonie, et sans avoir reçu le baptême. Eâ lege sancitum, ut quæ graviditatem partumve celâsset, neque alterutrius testationem aut de edito fœtu seu vivo seu mortuo proferret, si eum lavacro justisve exsequiarum privatum probationibus constaret, de illâ tanquàm parricidii reâ ultimum supplicium sumeretur[24]. Depuis ce temps-là ce crime fut puni plus sévèrement qu’aucun autre ; et afin que personne ne prétendît cause d’ignorance, les juges faisaient toujours insérer dans l’arrêt de condamnation, que l’ordonnance serait publiée à son de trompe, dans toutes les villes où il y avait des tribunaux de justice ; et que les curés la publieraient au prône les jours de fête, dans tous les bourgs et villages[25]. Néanmoins ce crime continua d’être plus commun que tous les autres ; car M. de Thou témoigne qu’il se passait peu de semaines où les juges criminels de Paris ne missent sur la sellette une ou plusieurs femmes accusées de ce parricide ; tant la honte a de force, puisque dans un sexe timide elle prévaut sur la crainte du gibet, et sur les remords de la conscience. In nullum crimen ab eo tempore severiùs vindicatum fuit. Ac ne qua ignorantiæ excusatio prætexeretur, sententiis judicum semper additum est, ut lex in inferioribus tribunalibus palàm et per plateas urbium publicâ præconis voce promulgaretur, et per oppida ac pagos à curionibus coram populo diebus festis recitaretur. Nihilominùs nullum frequentiùs crimen etiam hodiè est, nec ulla ferè septimana abit, quin in classe, quæ de judiciis capitalibus cognoscit, una pluresve tam horrendi flagitii reæ producantur ; adeò malus pudor in verecundo et impotenti sexu supplicii terrorem, et quod omni corporis pænâ gravius est, conscientiæ morsus vincit[26]. Il est bon de rapporter ce qui donna lieu à cette loi. On avait été averti que plusieurs femmes, pour éviter l’infamie, tuaient leurs enfans en accouchant, et les jetaient ou dans le rivière, ou dans le privé, ou les enterraient dans un lieu profane, sans les avoir initiés au christianisme par le baptême. Celles qui étaient poursuivies en justice pour ce crime, disaient aux juges, que la honte ne leur avait pas permis de découvrir qu’elles fussent grosses, mais qu’au reste contre leur désir leurs enfans étaient nés morts. Elles, se tiraient d’affaire par-là ; on n’avait point de preuves que le contraire fût vrai, et le plus grand nombre des juges opinaient qu’elles fussent mises à la question. Si elles la souffraient sans avouer qu’elles eussent mis à mort l’enfant, elles étaient déchargées de toute peine. L’on crut donc que l’impunité faisait croître ce désordre. On sollicita une loi très-rigoureuse : on l’obtint, elle fut exécutée sévèrement ; et néanmoins le mal ne fut point guéri. Écoutons M. de Thou[27] : Altera lex in speciem severa, sed quâ impiis et abominandis parricidiis, quæ anteà impunita, nunc etiam post legem conditam nimis frequentia sunt, pœna constituta est, postulante senatu, promulgatur V, non. martias. Fæminæ, quæ vires non habebant, ubi ex furtivo complexu conceperant, malo pudore territæ utero celato ad extremum partus ferè enecabant, geminato scelere famæ consulere se existimantes, et enecatos aut in sterquilinium, seu profluentem abjiciebant, aut loco profano defossos perdebant, atque ita necessaria sacri lavacri religione ac sepulturæ honore privabant. Quòd si quandò res in judiciam deduceretur, pudorem, quominùs culpam confessæ essent, caussatæ mortuos se enixas dicebant, et ita deficientibus aliundè probationibus debitam inhumano sceleri pœnam effugiebant. Nam judicum in hujusmodi caussis incertæ plerùmque erant et vagabantur sententiæ, cùm ad mortem alii tanti criminis reas damnarent ; alii, quod sæpiùs accidebat, pronioribus ad misericordiam animis, quæstionum violentiæ subjiciendas censerent, ut vivosne an mortuos fœtus enixæ essent ex ipsarum confessione constaret ; quam si obstinato animo ferrent, liberæ dimittebantur[28].

Ceci confirme puissamment quelques-uns des dogmes de l’auteur des Pensées sur les Comètes[29]. Car qui oserait nier après avoir lu cet endroit de M. de Thou, que les idées du point d’honneur ne soient la plus forte digue qui arrête le torrent de l’incontinence ? Qui oserait soutenir, généralement parlant, que les lois de la religion soient un remède plus efficace, ou aussi efficace, que celui-là[* 5] ? Si la religion avait plus de force sur les femmes que le point d’honneur, en trouverait-on un si grand nombre qui étouffent leurs enfans ? N’est-ce un meurtre plus atroce, plus barbare, que de tuer un bon vieillard au coin d’un bois ? Y a-t-il de crimes plus énormes, et plus contraires à la nature, que celui de ces malheureuses mères. Elles sont persuadées qu’en perdant leur fruit, elles commettent un parricide plus détestable aux yeux de Dieu, que l’action de ceux qui volent et qui tuent sur les grands chemins. Celles dont parlent M. de Thou et M. Patin sont d’ailleurs persuadées pour la plupart, qu’elles ôtent à leurs enfans la vie éternelle, et qu’elles les précipitent aux limbes, où ils souffriront pendant toute l’éternité la peine de dam. Cette persuasion élève leur crime à un degré d’atrocité qui n’est pas imaginable : cependant elles le commettent au mépris de Dieu, et en dépit de leur religion ; et cela, pour ne point perdre leur part à l’honneur humain : il faut donc que cet honneur ait plus de force sur elles que l’instinct de la conscience, et que toutes les lois divines. Il a même plus de force que la crainte de la mort ; car depuis la loi sévère dont M. de Thou fait mention, elles s’exposaient au dernier supplice, et il était fort probable qu’elles en seraient punies ; et cependant cette loi exécutée très-souvent ne servait de rien ; ces parricides étaient toujours aussi fréquens que jamais. Que peut-on dire de plus convainquant pour prouver la domination du point d’honneur, et la force impérieuse qu’il a sur nos âmes ? Peut-on nier qu’il ne fût tout seul capable de contenir l’impureté dans les bornes où on la voit enfermée ? Ce n’est point son affaire d’empêcher les crimes cachés ; c’est celle de la conscience : mais lorsque ces crimes cachés traînent après eux des suites que l’on dérobe malaisément aux yeux du public, il est d’une grande force pour les prévenir. Telle est l’incontinence d’une personne d’autre sexe non mariée. On a beau dire que l’art des avortemens n’est pas loin de sa perfection, et que si l’on en excepte celui de guérir les maladies vénériennes, il n’y en a point qu’une malheureuse industrie, excitée par les besoins d’une infinité de gens, ait mieux poussé que celui-là ; on ne saurait nier que les suites dont je parle ne soient bien embarrassantes. Combien y a-t-il de femmes qui après mille inquiétudes, et mille incommodités, et après s’être bien droguées, n’ont pu empêcher que leur faute ne fût connue ? Le parricide ne la cache pas toujours ; il sert quelquefois à la rendre plus infâme et plus funeste, par le supplice dont il est puni : de sorte que si une violente passion, et une irruption furieuse du tempérament, n’ôtent tout-à-fait la raison, on se donne garde de s’exposer à des suites incommodes et périlleuses comme celles-là. D’où l’on doit conclure que puisque M. de Thou et M. Patin déclarent qu’un grand nombre de personnes franchissent cette barrière, il faut que le sexe soit violemment tourmenté[30]. Remarquez bien qu’ils ne parlent que de celles qui tuent le fruit. Si les confesseurs nous donnaient la liste de celles qui se précautionnent de meilleure heure, et avant que l’âme soit arrivée, ils ne se borneraient pas à six cents par an dans une ville comme Paris ; ville, à ce que disent les voyageurs dépréoccupés, moins impure que la plupart des capitales de l’occident. Au reste, ces avortemens prématurés, ou prévenus, sont un véritable parricide selon les bons casuistes. Lisez le passage de Tertullien que je mets en note[31]. Guy Patin l’avait indiqué au lieutenant criminel, lorsqu’on faisait le procès à la Constantin.

Je me souviens d’avoir ouï mettre en question, si, pour épargner tant de crimes à celles qui n’ont pas la force de se contenir, et pour sauver à la république tant de sujets qu’on lui ôte, il ne serait pas nécessaire d’énerver un peu l’empire du point d’honneur ; c’est-à-dire de diminuer notablement l’ignominie d’une femme non mariée qui fait des enfans : car on remarque que dans les pays moins délicats sur cette affaire, et où de telles personnes trouvent aisément à se marier, et se produisent dans les compagnies la tête levée, les avortemens sont beaucoup plus rares ; les juges sont moins occupés à punir celles qui étouffent leurs enfans. Un homme grave répondit tout aussitôt, et prouve par de très-bonnes raisons, que le remède serait pire que le mal, et qu’il n’y a rien que la république doive maintenir avec plus de soin, que la crainte du déshonneur, lorsqu’elle est liée à des actions criminelles comme dans le cas présent. C’est pour cela, disait-il, que les magistrats doivent être extrêmement réservés à infliger une note d’infamie. Un homme flétri perd le frein qui le retenait dans son devoir, et l’on craint moins l’infamie, lors qu’on la voit mettre à tous les jours. Da principio si hanno in grande horrore gli infami, mentre si veggono misti tra gli altri cittadini : ma con l’assuefarsi a tolerarli, pare, che sì di giorno in giorno si allegerisca la macchia, che quasi al fine svanisca in tutto. Così viensi à poco à porre in uso nella città il trascurare l’infamia, errore d’ogni altro più grave, e più pericoloso per il viver civile. Però stimo io bene l’andar lento à dichiarar pubblicamente infami i rei, quando la nota, con cui si segnano, non sia perpetua per terrore degli altri. Perche, se ben l’infamia nasce propriamente dalla operatione, di chi commette il misfatto, nondimeno non bene manifesta da tutti si discerne, finche pubblica dichiaratione non vi si aggiunga[32]. Mais, puisque j’en si tant dit, on me permettra d’ajouter encore ce petit mot. Voulez-vous voir clairement combien la force du point d’honneur est supérieure à celle de la conscience ? considérez l’une des six cents femelles qui avaient défait leur enfant. La religion les en détournait par plusieurs motifs : elle leur montrait le parricide, la damnation éternelle de l’enfant, l’injustice de leur intention, et le bon usage qu’il fallait faire de leur faute. Elles voulaient conserver la réputation des femmes d’honneur : ce dessein était injuste, c’était un vol, une usurpation toute pure d’un bien qui ne leur appartenait pas : c’était même une usurpation estimée à un très-mauvais usage, à tromper le public en général, et un mari en particulier, car elles souhaitaient d’être en état de se donner à un homme comme une fille chaste et pudique, et sans nulle tare. Le profit qu’elles pouvaient tirer de laisser connaître leur faute, était grand par rapport à leur salut ; elles en pouvaient tirer mille raisons d’humilité, et de contrition. Le point d’honneur n’eut qu’à se montrer, il renversa tout ce grand nombre de batteries. Ne faut-il pas reconnaître qu’il est mille fois plus fort que la conscience ? L’auteur Italien est encore ici pour moi. Però si doverà à giudicio mio asserire, che assolutamente la religione sia più atta à render gli huomini giusti, et innocenti : ma che all’ incontro per lo rispetto degli interessi, e per la ripugnanza degli affetti, i quali quasi venti contrarii, turbano il mare della vita civile, più. operi per la felicità morale il zelo dell’ honore. Perche gli huomini sono più facili à moversi à bene operare per lo premio dell’ honore, et a guardarsi dal mal fare per la macchia della infamia, che si veggono innanzi à gli occhi, che per le promesse di premii, è pur di castighi futuri, e lontani[33].

(D) Pour peupler les limbes. ] Ceci n’a guère besoin de commentaire après ce qu’on vient de dire : on ajoutera néanmoins un passage de M. Drelincourt. Il semble, dit-il[34] en parlant aux missionnaires, que quelques maîtres de vos écoles soient effectivement descendus dans les entrailles de la terre, et qu’ils en aient exactement reconnu et visité toutes les cachettes. Leur opinion la plus commune est, [* 6] qu’il y a sous la terre quatre lieux differens, ou un lieu profond divisé en quatre parties. Ils disent que le plus bas lieu, c’est l’enfer, où sont toutes les âmes des damnés, et où seront aussi leurs corps après la résurrection ; et là où aussi doivent être renfermés tous les démons. Que le lieu le plus proche de l’enfer, c’est le purgatoire, où se purgent les âmes : mais plutôt où elles satisfont à la justice de Dieu par leurs souffrances. Ils veulent que dans ces deux lieux-là il y ait un même feu et des ardeurs égales ; et que toute la différence ne soit qu’au regard de la durée. Ils estiment que joignant le purgatoire est le limbe des petits enfans qui meurent sans sacrement, et que le quatrième lieu est le limbe des pères ; c’est-à-dire que c’est le lieu où ont été recueillies les âmes des justes qui sont morts avant la mort de notre seigneur Jésus-Christ. Ils tiennent que ce lieu-là est vide à présent : de sorte que c’est une maison à louer. Selon cette doctrine, le limbe des petits enfans est devenu le vestibule des enfers depuis l’ascension de Jésus-Christ ; car il a fallu compter pour rien après ce temps-là le limbe des pères. On pourrait donc faire ici la même demande que fit autrefois le philosophe cynique, en voyant l’entrée d’une petite maison, où est le logis de cette porte[35] ? C’est que cette entrée était fort grande. Les frontières des enfers doivent être d’une plus grande étendue que tout le royaume, ce qui est bien monstrueux. Mettez ensemble tous les enfans qui perdent la vie sans avoir reçu le baptême, soit qu’ils meurent depuis leur naissance, soit qu’ils périssent par de fausses couches volontaires ou involontaires, vous aurez sans doute les deux tiers du genre humain. Le nombre des avortons serait étonnant si on le savait, quand même on ne compterait que les victimes du point d’honneur, celles de la jalousie[36], et celles de la mollesse[37]. De tout temps on s’est mêlé de ce crime par toute la terre ; il serait facile de le prouver : contentons-nous de deux témoignages : Considérez ces paroles de Juvénal :

Cùm tot abortivis fecundam Julia vulvam
Solveret[38] .................


et ailleurs ;

Sunt quas eunuchi imbelles, ac mollia semper
Oscula delectent, et desperatio barbæ,
Et quod abortivo non est opus[39].


Ovide s’était récrié avant Juvénal sur ce grand crime, et il avait même représenté le péril à quoi s’exposaient celles qui le commettaient.

Quid juvat immunes belli cessare puellas,
Nec fera peltatas agmina velle sequi ?
Si sinè Marte suis patiuntur vulnera telis,
Et cæcas armant in sua fata manus ?
.........................
.........................
Hoc neque in Armeniis tigres fecere latebris :
Perdere nec fœtus ausa leœna suos.
At teneræ faciunt, sed non impunè, puellæ.
Sæpè, suos utero quæ necat, ipsa perit.
Ipsa perit, ferturque toro resoluta capillos :
Et clamant, Meritò, qui modocunque vident[40].

Vous verrez d’autres passages de ce poëte dans la remarque (F). Ceci me fournit de nouvelles preuves pour la force du point d’honneur. Les moyens dont on se servait en ce temps-là pour faire périr l’enfant étaient dangereux à la mère ; ils ôtaient souvent la vie à l’un et à l’autre, et néanmoins les jeunes filles aimaient mieux courir le risque de mourir, que celui d’être diffamées. Encore aujourd’hui, celles qui attendent trop périssent sous le remède quelquefois, témoin la demoiselle de Guerchi. Notez que celles qui gardent leur fruit accouchent sans faire aucun cri, à moins qu’elles ne soient dans un lieu où elles ne craignent pas de se diffamer par la découverte du mystère. Nouvelle preuve de la force inconcevable du point d’honneur. Il supprime les effets de la douleur la plus vive dans un sexe tendre, qui gémit, qui pleure, qui crie pour la moindre chose.

On disait un jour à un missionnaire : Vous ne sauriez dire des limbes ce que les poëtes disaient des enfers, que c’était une petite maison,

Domus exilis Plutonia[41],


Il ne faut pas beaucoup de place, répondit-il, pour des embrions. Mais, répliqua-t-on, combien y a-t-il d’enfans de quatre ou cinq ans qui vont aux limbes ? Et de plus ne savez-vous pas que les embrions et tous les enfans ressusciteront hommes faits ? Alors comme alors, répondit-il ; ne vous en mettez pas en peine. Le monde est assez grand.

Au reste, il y a des gens qui trouvent que Virgile, qui a reconnu les limbes, aurait dû les partager en deux portions : l’une pour les enfans qui meurent avant que de naître ; l’autre pour ceux qui meurent dans le berceau. Le grand nombre des premiers méritait bien une classe particulière, disent ces gens-là : d’où vient donc que ce grand poëte n’a rien dit de ces pauvres créatures ?

Continuò auditæ voces, vagitus et ingens,
Infantumque animæ flentes in limine primo,
Quos dulcis vitæ exsortes, et ab ubere raptos
Abstulit atra dies, et funere mersit acerbo[42].

(E) Nous verrons… l’observation d’un célèbre jurisconsulte. ] Il dit que l’utilité des lois ne doit pas être suspendue, sous prétexte de quelques inconvéniens qu’elles produisent, et il rapporte là-dessus ce que disait Caton, qu’il n’y avait point de loi qui fût commode à tous les particuliers. Voici les termes de Bodin[43] : « Je confesse bien qu’il vaut mieux absoudre le coupable, que de condamner l’innocent : mais je dis que celuy, qui est convaincu de vives presomptions, n’est pas innocent, comme celuy qui fut trouvé l’espée sanglante près du meurtry n’ayant autre que luy, et autres conjectures, que nous avons remarquées. C’est pourquoy le roy Henry second fist un edict en ce royaume, fort salutaire, publié et enregistré le quatriesme de mars, l’an mil cinq cens cinquante six[44], par lequel il veut que la femme soit reputée avoir tué son enfant, et punie de mort, si elle a celé sa grossesse, et son enfantement : et que son enfant soit mort sans baptesme, et qu’elle n’ait prins tesmoignage de l’un ou de l’autre, et ne seront creues de dire que l’enfant est mort-né. Ce qui a depuis esté pratiqué par plusieurs arrests…… Et neantmoins il se peut faire que la femme, pour conserver son honneur, aura celé son fruict, et sa grossesse, et son enfantement, et que l’enfant qu’elle eust volontiers nourry, soit mort en la delivrance : mais d’autant qu’on a veu que sous ceste couverture que l’enfant estoit mort-né, on commettoit plusieurs parricides, il a esté resolu sagement que telle presomption suffit, pour proceder à peine de mort, pour venger le sang innocent. Car il ne faut pas pour un inconvenient, qui n’adviendra pas souvent, qu’on laisse à faire une bonne loy[* 7] ; et pour ceste cause je fus d’advis qu’une de Muret, près Soissons, fust condemnée à mort, ayant celé sa grossesse, et sa delivrance, et enterré son enfant en un jardin, le mois de mars m. d. lxxviii. » Je sais que l’auteur de la gazette flamande de Harlem a débité dans l’article de Paris, il n’y a pas fort long-temps[45], ne l’on avoit donné ordre que cet édit de Henri II fût remis dans sa première vigueur, et qu’il fût lu au prône les jours de fête dans toutes les paroisses. Je ne sais si les autres gazetiers en ont fait mention, mais je ne me souviens point d’avoir trouvé cette nouvelle, ni dans le Mercure Politique, ni dans les Lettres Historiques.[* 8] Elle auroit pourtant pu fournir bien des réflexions.

(F) Un passage de Henri Étienne… nous apprendra, entre autres choses, que cette loi… ne fit périr que des servantes. ] Parce que ces autres choses peuvent servir de confirmation et de supplément aux remarques précédentes, je ne me suis pas contenté de rapporter ce qui concerne l’impunité des personnes de condition : j’y ai joint aussi plusieurs faits et plusieurs notes que cet écrivain étale avant que de dire que l’acception de personnes avait lieu dans l’exécution de l’ordonnance de Henri II. Le temps où il écrivait témoigne assez clairement qu’il avait en vue les punitions qui suivirent cette ordonnance. Quant aux femmes meurdrieres de leurs enfans, dit-il[46]……, « le nombre est grand tant de celles qui sont meurdrieres de leurs enfans si tost qu’ils sont venus au monde, que de celles aussi qui exercent telle cruauté contr’eux avant mesme qu’ils y soient venus. Et premierement quant à celles-ci, il est certain que leur meschanceté est fort ancienne. Car nous oyons le poëte grec Phocylide expressément avertir les femmes qu’elles se donnent garde de commettre tels actes. Et mesmement Ovide, payen aussi bien que lui, en fait grand reproche à une femme, ajoustant plusieurs belles remonstrances. Item nous oyons comment Hippocrat entr’autres choses, desquelles il fait serment qu’il se gardera, met ceste-ci, de ne presenter point aux femmes ce dont elles puissent gaster le fruit de leur ventre. Or se pratique ceste meschanceté pour deux raisons : par les unes, pour la crainte qu’elles ont d’estre congnues femmes au lieu de filles, ou generalement, de peur qu’elles ne soyent descouvertes avoir fait leur emploite où il n’estoit licite, soyent mariées, soyent veufves : par les autres, pour la crainte qu’elles ont d’abreger le terme de leur jeunesse[47], et particulierement pour crainte de ce que dict Ovide,

Scilicet ut careat rugarum crimine venter [48],
Sternetur pugnæ tristis arena tuæ !


Et quant à ce que j’ay dict de l’abbregement de la jeunesse, ce mesme poëte aussi le tesmoigne, disant :

Adde quòd et partus faciunt breviora juventæ
Tempora ...............


Et sans son tesmoignage nous en voyons tous les jours l’experience devant nos eux. J’ay ouy parler aussi de quelques damoiselles, voire en ay congnu, qui n’ont point faict difficulté de porter des bustes aux despens du fruict qui estoit en leur ventre : et pour ne perdre l’honneur d’avoir le corps gent, ne faisoyent point de conscience de perdre ce qui leur devoit estre aussi cher que la vie. Car je parle de celles mesmement qui n’estoyent enceintes d’ailleurs que d’où il falloit. Quant à celles qui sont meurdrieres de leurs enfans aussi-tost qu’ils sont sortis du ventre, les jettans ou les faisans jetter, il y a quelques années que les monasteres des nonnains en eussent fourni bon nombre d’exemples (aussi bien que de celles qui les meurdrissent en leur ventre) voire desja du temps de Pontanus : tesmoin ceci qu’il dit, quòd quidem execrationis genus maximè sacerdotes attingit, quæ Deo virginitatem quùm voverint, pollutis tamen votis, rituque sacerdotali perjuranter atque incestè contaminato, gravidæ factæ, ne scelus pateat, execrabiliori conantur scelere idipsum probibere ac corrigere : dùm aut medicaminibus adhibitis abortionem procurant, aut partum statim ipsum exanimant, terræque aut cloacis clàm infodiunt. Or quand je di qu’on en eust trouvé bon nombre il y a quelques années, je n’enten pas qu’on fust en peine aujourd’huy d’en trouver si on en avoit afaire, mais bien que le nombre en estoit plus grand alors qu’à present : tant pource que le nombre aussi des nonnains estoit plus grand, que pource qu’elles avoient plus grande peur d’estre deshonorées, voire mesme chapitrées, si elles estoyent convaincues d’avoir joué de la navette, qu’elles n’ont maintenant, que leurs peres confesseurs ne font pas tant des fascheux[49], ains au-contraire eux-mesmes en un besoin voudroyent estre les premiers de la partie. Outre plus ce qu’elles voyent plusieurs, qui estoyent auparavant nonnains comme elles, estre mariées publiquement[50], et s’en trouver bien, les fait un peu mieux penser à leurs consciences quant à entreprendre tels meurdres. Mais il faut confesser que ceste meschanceté passe bien outre les cloistres, jusques aux filles à marier qui sont auprès de leurs pere et mere, ou en la garde de leurs parens, et mesmement celles de bonne maison, jusques à maintes femmes veufves aussi. Ce que ledict Pontanus n’a pas celé non plus, touchant celles de son temps ; car il ajouste à ce que je vien d’alleguer de luy, nec verò monstrosa hâc feritate sacerdotes tantùm, verùmetiam viduæ ac nubiles puellæ splendidissimæque etiam fœdantur familiæ. Il est avenu aussi souvent à des chambrieres de faire le tour[51], et c’est à celles-ci ordinairement, non pas aux autres, que s’adressent messieurs de la justice, (suivant le proverbe que nous avons allegué ci-dessus de Juvenal,

Dat veniam corvis, vexat censura columbas ). »


Car il me souvient d’avoir veu pendre à Paris assez souvent des chambrieres pour ce crime ( mais nulles d’autre qualité ), et notamment ay souvenance d’avoir veu faire és escoles de medecine l’anatomie d’une chambriere qui avoit esté pendue pour ce mesme forfaict, asçavoir pour avoir jetté son enfant dedans des latrines[52] … Or n’y a il personne qui peust sçavoir avantage de tels secrets que les sagefemmes, n’estoit que la maniere est aujourd’huy de les aller querir en leurs maisons, et aprés leur avoir bandé les yeux, les mener au logis où est la femme qui en ha besoin, et est alors masquée ou autrement bouchée, de peur d’estre connue par elles, ausquelles il est force de desbander alors les yeux…[53] Il est bien vray qu’aujourdhuy maintes dames n’ont besoin d’en venir jusques-là, par le moyen de plusieurs preservatifs qui les gardent de devenir grosses. » Il y a quelques fautes dans ce passage de l’Apologie d’Hérodote, comme on le verra si l’on prend la peine de lire mes observations en notes. Cela seul me pourrait servir d’excuse de l’avoir rapporté si au long.

Le premier passage d’Ovide qu’Henri Étienne a cité[54], est dans l’élégie XIV du IIe. des Amours, et nous fait connaître qu’on savait communément à Rome, en ce siècle-là, une chose qu’un vieux apothicaire, qui avait lu beaucoup de livres de chirurgie et de médecine, m’avoua qu’il ne savait point avant qu’il eût vu un livre nouveau que je lui avais prêté. Il me dit, en me le rendant, qu’il y avait appris deux observations très-curieuses dont il n’avait pas encore entendu parler, et qui concernent les marques à quoi l’on peut connaître si une femme a eu des enfans. M. Lamy, médecin de la faculté de Paris, est l’auteur du livre en question. Or voici ce qu’il rapporte[55]. « Cette femme[56] avait eu des enfans ; et avant que de l’ouvrir, et sans soupçonner rien de ce que nous trouvâmes, nous le reconnûmes par des marques certaines. Madame la Marche, maîtresse sage-femme de l’Hôtel-Dieu, y était présente. Elle a une capacité singulière dans sa profession, et beaucoup d’esprit et de discernement pour toutes choses. Je lui demandai sa pensée sur beaucoup de questions touchant les marques de virginité ; je voulus savoir à quoi elle avait connu d’abord que cette femme, que nous allions ouvrir, avait eu des enfans. Elle me fit observer les plis du ventre ; et comme je lui répliquai qu’il se pouvait faire qu’elle eût été hydropique, ou qu’elle eût eu le ventre enflé par d’autres causes que par la grossesse, et que les mêmes plis fussent restés ; pour me convaincre, elle me fit voir, et à toute la compagnie, ce que les sages-femmes appellent entr’elles le déchirement de la fourchette, qui est une dilacération de l’entrée de l’orifice externe vers l’anus, qui se fait toujours à la sortie du premier enfant, et qui par conséquent est une marque indubitable de l’accouchement qui a précédé. » De ces deux marques d’accouchement, la première est plus terrible, sans comparaison, que la seconde à une fiancée qui passe pour fille ; car elle a tout lieu d’espérer que son époux ne connaîtra point la seconde, et tout lieu de craindre qu’il connaîtra l’autre. Et par-là nous entendons le vers d’Ovide beaucoup mieux que par les commentateurs, et nous connaissons clairement pourquoi les filles romaines s’exposaient à un péril si redoutable, afin d’éviter rugarum crimen, que les rides de la peau du ventre ne manifestassent leur crime. C’étaient donc des rides beaucoup plus à craindre que les rides du visage, et il ne faut point douter qu’on n’en sache communément les conséquences dans notre siècle, comme on les savait dans celui d’Auguste, et que cela ne laisse de grands soucis aux personnes mêmes qui ont été secourues de Lucine[57], avec le plus grand secret du monde. Leurs invocations conçues selon le formulaire des prières que l’on adressait à Laverna[58],

Labra movet, metuens audiri : pulchra Laverna,
Da mihi fallere ; da justo sanctoque videri :
Noctem peccatis et fraudibus objice nubem[59].


Leurs invocations, dis-je, parfaitement exaucées selon l’esprit de cette formule, ne rassurent point contre les approches d’un nouvel époux qui ne s’attend point à trouver des rides, ou des replis ; et de là vient qu’on recourt aux drogues le plus tôt qu’il est possible. Henri Étienne avait raison d’observer que de son temps maintes dames avaient plusieurs préservatifs qui les gardaient de devenir grosses[60]. L’ancienne Grèce et l’ancienne Rome n’étaient que des novices dans ce mauvais art, en comparaison du XVIe. siècle ; et l’on veut que le siècle XVII ait surpassé encore le précédent ; néanmoins, on y a mis en pratique les plus grossières et les plus dangereuses manières dont Ovide ait fait mention. Lisez M. l’abbé de Marolles, sur ce passage d’Ovide[61] :

Vestra quid effoditis subjectis viscera telis !


Pourquoi vous percez-vous les entrailles avec de petits traits aigus ? « C’est une chose étrange, dit-il[62], qu’une si damnable invention ait été mise en usage de si longue main, et qu’elle ait été renouvelée de nos jours. Une mauvaise femme convaincue de ce crime abominable, après avoir tué la mère, ne croyant que tuer l’enfant dans son ventre, a été châtiée et punie exemplairement à Paris, la même année que j’ai composé ce livre. » Quelque ingénieuses que puissent être les passions qui sont soutenues par le point d’honneur, les risques sont grands encore aujourd’hui pour une fille ou pour une veuve qui laisse aller le chat au fromage, car assez souvent les préservatifs se trouvent trop courts : le neuvième mois tombe sur le dos, et c’est là le diable ; c’est la scène la plus fâcheuse de toutes. J’en prends à témoin ces vers de madame Deshoulières :

BALLADE à Mademoiselle D***.

Ores est temps de vous donner conseil
Sur les périls où beauté vous expose.
Fille ressemble à ce bouton vermeil
Qu’en peu de jours on voit devenir rose.
Tant qu’est bouton, on voudrait en jouir,
Nul ne le voit sans désir de rapine :
Dès que soleil l’a fait épanouir,

On n’en tient compte, un matin le ruine :
De rose alors ne reste que l’épine.

Lorsqu’un amant, l’exemple est tout pareil,
Fait voir désirs à quoi pudeur s’oppose,
Si l’on ne fuit, l’amour est un soleil,
Point n’en doutes, par qui fleur est éclose.
Alors en bref on veut s’évanouir
Transports et soins par qui fille peu fine
Présume d’elle, et se laisse éblouir.
Mépris succède à l’amour qui décline :
De rose alors ne reste que l’épine.

Plus de commerce avecque le sommeil,
Ou si parfois un moment on repose,
Songe cruel donne fâcheux réveil ;
Cent et cent fois on en maudit la cause.
Voir on voudrait dans la terre enfouir
Tendre secret duquel on s’imagine
Qu’un traître ira le monde réjouir.
Parle-t-on bas, on croit qu’on le devine :
De rose alors ne reste que l’épine.

ENVOI.

Galans fieffés, donneurs de gabatine,
J’ai beau prêcher qu’on risque à vous ouïr,
A coqueter toute fille est encline.
Plutôt que faire approuver ma doctrine,
On filerait chanvre sans le rouir.
Mais quand tout bas faut appeler Lucine,
De rose alors ne reste que l’épine[63].

(G) Le symbole de l’auteur n’était pas chargé de beaucoup d’articles. ] Rapportons ces paroles de son éloge[64] : « Il disait les choses avec un froid de stoïcien, mais il emportait la pièce ; et sur ce chapitre, il eût donné des leçons à Rabelais. On disait qu’il avait commenté cet auteur, et qu’il en savait tout le fin. C’est ce qui le fit accuser d’être un peu libertin. La vérité est qu’il ne pouvait souffrir la bigoterie, la superstition et la forfanterie, mais il avait l’âme droite, et le cœur bien placé : il était passionné pour ses amis, affable et officieux envers tout le monde, et particulièrement envers les étrangers et les savans. » Prenez bien garde que pour répondre à l’accusation de libertinage, l’auteur de l’Éloge ne dit pas que M. Patin fût dans le fond bien persuadé de l’orthodoxie chrétienne ; on se contente de nous assurer qu’il haïssait la superstition, et qu’il était honnête homme[* 9]. Voyez les Nouvelles de la République des Lettres[65]. Ce n’est pas ainsi qu’on répond pour le prince de Condé ; on oppose à la renommée la déclaration qu’il fit en mourant, je n’ai jamais douté des mystères de la religion, quoi qu’on ait dit ; mais j’en doute moins que jamais[66]. On dira peut être que les libraires de Genève ont fourré dans cet ouvrage de M. Patin tout ce que bon leur a semblé ; mais cette pensée serait ridicule.

(H) L’énorme imposture d’un écrivain allemand a publiée. ] Il s’appelle Axtius. Il a débité dans une lettre sur l’antimoine, jointe à un traité de Arboribus coniferis, à Iène en 1679, que M. Patin voulut empoisonner son propre fils avec l’antimoine qu’il croyait être un poison, mais qui contre son attente le guérit heureusement[67]. Charles Patin, s’étant plaint de cette injure à la faculté de médecine d’Iène, obtint toute la satisfaction qu’il pouvait prétendre ; car la faculté ordonna au médecin Axtius de se rétracter publiquement. Saluberrima facultas illum παλινοδίαν[68] cantare coëgit, quam suppressâ calumniâ typis mandatum ad me transmisit, c’est Charles Patin qui parle[69], his verbis : editioni Tractatûs hujus de Arboribus, benevole lector, subjunxeram Epistolam de Antimonio cui relationem de illustrissimo Guidone Patino inserueram : quia autem certo comperi illam falsam, et ab ipsius malevolis sine dubio effictam esse, epistolam rursùs imprimi curavi, fabulam expunxi, et manibus celeberrimi illius viri injuriam factam esse apertè profiteor.

(I) On a observé que Guy Patin ressemblait à Cicéron. ] « Feu M. Huguetan, avocat de Lyon, qui le connaissait particulièrement, trouvait qu’il donnait de l’air[70] à Cicéron, dont on voit la statue à Rome[71] ». Cela me fait souvenir qu’on a dit, que le chancelier de l’Hôpital ressemblait à Aristote : specie fuit augustâ, vultu gravi et tranquillo, qui, ut ex veteri numismate apparuit, Aristotelis faciem planè referret[72].

(K) Il laissa un fils qui s’est rendu fort illustre. ] Il s’appelait Charles Patin. Il naquit à Paris le 23 de février 1633. Il fit des progrès si surprenans, qu’il soutint des thèses grecques et latines sur toute la philosophie, l’an 1647. Son professeur[73], qui était un Irlandais, et qui n’entendait point la langue grecque, rebuta durement ces thèses quand on le pria de vouloir les examiner ; mais voyant que le jeune homme se préparait à les soutenir sans cathédrant, il fut contraint de présider à la dispute, pour ne point prostituer sa réputation. Le nonce du pape, trente-quatres évêques, et plusieurs personnes de qualité de la cour et de la ville assistèrent à cette thèse. Le répondant soutint le choc pendant cinq heures en l’une et en l’autre langue, et fut reçu maître és arts glorieusement. Il étudia en droit par complaisance pour un oncle maternel, avocat au parlement ; il prit ses licences à Poitiers au bout de seize mois, et il fut reçu avocat au parlement de Paris. Il employa six années à cette étude ; mais il ne pouvait renoncer à celle de la médecine : son inclination l’y avait toujours porté. Il ne lui fut donc pas difficile de s’accommoder aux volontés de son père, qui étaient qu’il abandonnât la jurisprudence, et qu’il se vouât à la profession de médecin. Il goûta sans peine les belles raisons qu’on lui allégua, fortifiées du témoignage de Marescot. Ce célèbre médecin se reconnaissait redevable de trois choses à sa profession, qu’il n’aurait jamais obtenues par la prêtrise à quoi son père le destinait. Il avait joui d’une parfaite santé jusqu’à l’âge de quatre-vingt-deux ans ; et il avait gagné cent mille écus, et l’amitié intime de plusieurs personnes illustres. Artem disceres doceresque non magistratibus tantùm, sed regibus ipsis et imperatoribus leges præscribentem : sapientissimos tandem quosque ab ore tuo pendentes, tuoque submissos arbitrio cerneres. Recorderis, mi Stoice (sic quippe ob nescio quam ἀπάθειαν me compellare solebat), Marescottum nostrum tria se sacræ arti nostræ debere professum, quibus caruisset, si prepositum à parentibus sacerdotium suscepisset, sanitatem athleticam ætatis anno LXXXII, centum aureorum millia, atque intimam innumerorum illustrium amicitiam[74]. Dès que Charles Patin eut été reçu docteur en médecine, il s’attacha à la pratique, et en eut beaucoup. Il fit des leçons en médecine à la place du professeur Lopez, qui était allé à Bordeaux. Ayant craint d’être emprisonné, s’il demeurait davantage en France, il voulut se retirer en Hollande. Excedere patriâ consultiùs fuit, quàm libertatis discrimen subire[75]. Mais les armateurs d’Ostende incommodaient tellement la navigation, qu’il s’en retourna du Havre-de-Grâce à Paris, et prit ensuite la route du Palatinat. Il s’arrêta quelque temps à Heidelberg, et puis il fit des voyages en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, en Suisse et en Italie. Il s’était fixé à Bâle ; mais la guerre que les Français et les Allemands se faisaient sur ces frontières lui déplut si fort, qu’il se transporta en Italie avec toute sa famille. On le fit professeur en médecine à Padoue, l’an 1676 : trois ans après il fut honoré de la dignité de chevalier de Saint-Marc. Il apprit en 1681 que le roi de France le voulait recevoir en grâce ; et peut-être serait-il retourné à Paris, si on ne lui eût donné à Padoue la première chaire de chirurgie, avec une augmentation de gages. J’ai tiré ceci d’un livre qu’il publia à Padoue l’an 1682, intitulé Lyceum Patavinum, sive Icones et Vitæ Professorum Patavii 1682 publicè docentium. Il mourut dans cette ville-là[76] l’an 1694[77][* 10], laissant deux filles qui se sont rendues célèbres par les ouvrages qu’elles ont donnés au public[78]. Sa femme aussi a été auteur[79]. Voici la liste des ouvrages qu’il a publiés depuis l’an 1662 jusqu’en 1682. Itinerarium Comitis Briennæ, Parisiis, 1662, in-8o. ; Familiæ Romanæ ex ant. Numismatibus, Paris., 1663 fol. ; Traité des Tourbes combustibles, Paris, 1663, in-4o. ; Introduction à l’Histoire des Médailles, Paris, 1665, et Amsterdam, 1667, in-12. ; Imperatorum Romanorum Numismata, Argentinæ, 1671, fol. ; Thesaurus Numismatum, Amstelodami, 1672, in-4o. ; quatre Relations historiques, Bâle, 1673 et Lyon, 1674, in-12 ; Prattica delle Medaglie, Venezia, 1673, in-12 ; Suetonius illustratus, Basileæ, 1675 ; de Numismate antiquo Augusti et Platonis, Basileæ, 1675, in-4o. ; Encomium Moriæ Erasmi, cum fig. Holbenianis, Basil., 1676, in-12 ; de optimâ Medicorum Sectâ, Patavii, 1676, in-4o. ; de Febribus, Patavii, 1677, in-4o. ; de Avicennâ, Patavii, 1678, in-4o. ; de Numismate ant. Horatii Coclitis, 1678, in-4o. ; de Scorbuto, Patavii, 1679, in-4o. ; Judicium Paridis, Patavii, 1679, in-4o. ; Le pompose Feste di Vicenza, Padova, 1680, in-4o. ; Natalitia Jovis, Patavii, 1681, in-4o. ; Quòd optimus Medicus debeat esse Chirurgus, Patavii, 1681, in-4o. ; Lyceum Patavinum, Patavii, 1682, in-4o. C’est lui-même qui nous a donné cette liste dans son Lyceum Patavinum. Il a oublié ses Epistolæ ad Eggelingium de Numismatibus quibusdam abstrusis Imperatoris Neronis, publiées à Brême l’an 1681, avec les réponses d’Eggélingius[80]. Il a fait depuis ce temps-là une traduction latine de l’Introduction à la Science des Médailles[81], qui a été imprimée l’an 1683[82]. Dissertatio Therapeutica de Peste, à Augsbourg, 1683, in-4o. ; Commentarius in tres Inscriptiones Græcas Smyrnâ nuper allatas, à Padoue, 1685, in-4o. ; Commentarius in antiquum Monumentum Marcellinæ, là même, 1688, in-4o. ; Commentarius in antiquum Cenotaphium Marci Artorii Medici, là même, 1689, in-4o. Il eut part à l’édition du Thesaurus Numismatum Petri Mauroceni, faite à Venise l’an 1683, et il y joignit quelques notes. J’ai oublié peut-être quelques-uns de ses ouvrages.[* 11] Je dois ajouter que ses Relations Historiques furent imprimées en Hollande, l’an 1695, et que son Introduction à la Science des Médailles fut réimprimée à Paris la même année[83]. Ce livre fut censuré par M. Sallo, la première fois qu’il fut imprimé[84]. L’auteur répondit à cette censure par un écrit intitulé : Lettre d’un ami de M. Patin, sur le Journal des Savans du février 1665. M. Sallo, en parlant de cette lettre[85], continua de traiter M. Patin avec beaucoup de mépris. Cela mit fort en colère Gui Patin, comme il paraît par ces paroles de sa lettre CCCLI. Je les rapporte un peu au long, parce qu’elles nous apprennent entre autres faits la raison qui empêcha Charles Patin de continuer son Apologie. « Je ne sais si vous avez reçu certaine espèce de gazette, qu’on appelle le Journal des Savans, de laquelle l’auteur s’étant plaint d’un petit article contre mon fils Charles, sur la médaille qui fut ici faite l’an passé pour les Suisses, il y a répondu. Je vous ai envoyé sa réponse, laquelle est sage et modeste. Ce nouveau gazetier y a répliqué, et y a parlé en ignorant et en extravagant ; en quoi il n’eût point manqué de réponse forte et aigre avec de bonnes raisons, si on n’eût prié Carolus de surseoir sa réplique, et menacé d’une lettre de cachet. La vérité est que M. Colbert prend en sa protection les auteurs de ce journal, que l’on attribue à M. de Sallo, conseiller en parlement, à M. l’abbé de Bourzé, à M. de Gomberville, et à M. Chapelain, etc. ; si bien que Carolus est conseillé de différer sa réponse, et même par l’avis de monsieur le premier président, qui l’a ainsi désiré (on en dit une cause particulière, savoir qu’il n’est pas bien avec M. Colbert depuis le procès de M. Fouquet). Nous verrons ci-après si ces prétendus censeurs, sinè suffragio populi et quiritum, auront le crédit et l’autorité de critiquer ainsi tous ceux qui n’écriront pas à leur goût. Sommes-nous du temps de Juvénal ? qui a dit hardiment :

Dat veniam corvis, vexat censura columbas.


Une chose néanmoins nous console ; c’est que nous n’avons point tort, et que les savans et intelligens sont de notre avis ; mais ces messieurs abusent de leur crédit. La république des lettres est pour nous, mais M. Colbert est contre, et si mon fils se défend, on dit qu’on l’enverra à la Bastille ; il vaut mieux ne pas écrire[86].

(L) La disgrâce de son ....... fils. ] Charles Patin la déplora : il veut que la calomnie en ait été la vraie cause ; mais il ferme le rideau sur tout cela. Cùm ecce ἀτυχία, dit-il [87], veriùs διαβολὴν, et calumniam dixero, me præcipitem egit, et κακῶν ἰλίαδα intulit. Timanthum [88] imitari liceat, benigne lector, qui cùm mæstos pinxisset adstantes, et tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, ob Iphigeniam stantem ad aras perituram, patris vultum velavit quem satis mæstum pingere desperabat. Velum hic protendamus, seu dolore commoti ob fortunas perditas, seu charitate ob invidorum nequitiam. Son père n’a pas été si mystérieux, il particularise certaines causes, ou plutôt certains prétextes, je ne sais quels livres de contrebande trouvés dans l’étude de son fils. Il vaut mieux le laisser parler. Tout le monde le plaint, personne ne l’accuse, et hors de quelques fripons de libraires, il est aimé de tout le monde. Cependant il est absent, et nous l’avons obligé de s’y résoudre malgré sa stoïcité. Il avait toujours espéré que la justice du roi s’étendrait jusques à lui : mais nos ennemis ont eu trop de crédit. Cependant, pour adoucir notre plaie, on dit, 1o. que c’est par contumace que son procès lui a été fait, comme à un homme absent qui n’a pu se défendre ; 2o. que ça été par commission souveraine et particulière sans droit d’appel, ce qui est extraordinaire, et marque d’autant plus le dessein qu’on avait de le perdre ; 3o. que la plupart des juges ont reçu des lettres de cachet et de recommandation, sur ce qu’on avait besoin d’un exemple..... 4o. On allègue que c’est un homme de grand crédit qui était notre partie secrète, qui poussait à la roue et qui briguait contre nous ; parce qu’on a trouvé parmi ces livres quelques volumes du factum de monsieur Fouquet, et de l’Histoire de l’entreprise de Gigeri ..... On a nommé trois livres, savoir un plein d’impiété ; c’est un livre huguenot intitulé l’Anatomie de la Messe, par Pierre Dumoulin, ministre de Charenton ; comme si l’inquisition était en France. C’est un livre de six sous. Paris est plein de tels livres, et il n’y a guère de bibliothéques où l’on n’en trouve, et même chez les moines..... Le second était un livre, à ce qu’ils disent, contre le service du roi ; c’est le Bouclier d’Etat, qui s’est vendu dans le palais publiquement, et auquel on imprime ici deux réponses. Le troisième est l’Histoire Galante de la cour, qui sont de petits libelles plus dignes de mépris que de colère. Je pense que ces trois livres ne sont qu’un prétexte, et qu’il y a quelque partie secrète qui en veut à mon fils, et qui est la cause de notre malheur[89]. Dans tout cela vous ne voyez rien qui aille au fait, c’est-à-dire à la cause que l’on débitait dans Paris comme la vraie raison de la disgrâce. On disait, 1o. que Charles Patin fut envoyé en Hollande avec ordre d’acheter tous les exemplaires des Amours du Palais-Royal, et de les brûler sur les lieux, sans en épargner aucun ; 2o. qu’un grand prince lui fit donner cette commission, et lui promit de récompenser ses peines ; 3o. que ce commissionaire ayant acheté tous les exemplaires, ne les brûla pas, et en fit entrer un bon nombre dans le royaume. Voilà le bruit commun : je ne sais pas s’il est bien fondé.

  1. (*) Il est vrai que dans les trois volumes des Lettres de Guy Patin, qui parurent à Genève en 1691, on ne trouve rien touchant sa famille qui ne réponde fort bien à l’idée qu’en donne ici M. Bayle ; mais ce savant homme aurait pu trouver, dans les Opuscules d’Antoine Loisel, une note de Claude Joly, qui lui aurait fait concevoir une idée plus avantageuse de la famille de Patin, et qui lui aurait appris que ce célèbre médecin n’en était point le premier qui se fût distingué. Voici cette note : elle explique un endroit de l’Indice alphabétique des personnages célèbres mentionnés au Dialogue des Avocats du parlement de Paris, d’Antoine Loisel, etc. « Maître Jean Patin, après avoir passé quelques années au bareau du parlement de Paris, se retira en sa ville natale de Beauvais, où il fut fait conseiller et avocat du roi au présidial, y exerçant ensemblement les deux charges, en vertu d’un arrêt du parlement donné en sa faveur, le 15 de février 1588, comme il paraît dans la Conférence des Ordonnances de la dernière édition de l’an 1641, tom I, pag. 427, liv. II, tit. 6, paragr. 5. Il exerça ces deux charges fort courageusement et constamment, au temps que cette ville s’était laissée emporter au parti de la ligue ; et y maintint l’autorité du roi avec beaucoup d’adresse, et toute la fidélité requise en un homme de bien, jusques à ce qu’étant enfin persécuté par les factions du maire Godin, et du lieutenant criminel, nommé Nicolas, qui étaient deux arcs-boutans de la ligue, dans Beauvais, haranguant selon le dû de sa charge, et exhortant le peuple au service du roi Henri IV, il pensa être lapidé par les menées de ces deux archiligueurs ; de sorte qu’il fut obligé de quitter la ville, et de se retirer près du roi son maître, où il trouva du support, par la recommandation de M. de Fresnes-Forget, secrétaire d’état. Mais enfin il fut rétabli en ses deux charges, lorsque la ville rentra en l’obéissance du roi, et continua d’y rendre la justice avec réputation, jusques en l’an 1605, auquel il mourut d’une esquinancie, au retour d’un voyage de Fontainebleau, où il avait été envoyé en commission vers le roi, au nom de la ville. Telles commissions lui étaient ordinaires, tant à cause de sa charge d’avocat du roi, que parce qu’il était éloquent, et fort entendu dans l’histoire et la politique. Lorsqu’il quitta Beauvais par les fureurs de la ligue, sa maison fut pillée, où il fit perte de ses beaux livres, qu’il chérissait uniquement, et qu’il a regrettés toute sa vie. Il ne laissa qu’une fille, nommée Françoise Patin ; était oncle de François Patin, avocat en parlement qui a été père de maître Guy Patin, docteur régent, et doyen de la faculté de médecine à Paris, lequel m’a fait part de ce qui est ci-dessus écrit, et encore d’une épigramme faite en la louange de ce sien grand-oncle, qui se lit in Libello Epigrammatum variorum ad amicos pro xeniis per Petrum Goussainvillium, Monfortensem, pro anno 1574, imprimé à Paris, apud Dionysium à Prato, 1574 :

    « Ad Dom.

    JOHANNEM PATIN, BELLOVACUM,
    facundissimum in supremo parisiensi senatu patronum.

    Cùm tu facundas solitus nunc ire per artes,
    Eloquium et mirum crescat in ore tuo :
    Causidicumque bonum sic te Polyhymnia reddit,
    Omnes ut superes viribus eloquii :
    Sic tua musa mihi quædam incrementa dedisset,
    Ditior et Crœso redderer arte suâ :
    Sed quia nummorum non extat plena crumena,
    Pro nummis tribuit carmina missa tibi[1]. »

    Je joindrai à cela un passage encore plus curieux, et dont M. Bayle n’a point pu avoir connaissance, vu qu’il se trouve dans un livre qui n’a été imprimé que quelques années après sa mort. Ce sont les Nouvelles Lettres de feu M. Guy Patin, tirées du cabinet de M. Charles Spon, imprimées à Amsterdam, chez Steenhouwer et Uytwerf, en 1718, en deux volumes in-12 : ouvrage publié avec trop peu de soin, et où les noms propres surtout sont le plus souvent tout-à-fait maltraités. Voici de quelle manière Patin y parle lui-même de sa famille. « Vous désirez que je vous dise quelque chose de ma famille, après m’avoir instruit de la vôtre : je le ferai très-volontiers et très-librement, à cause de vous. Joint que, absit verbo jactantia, vous me demandez une chose que vingt autres personnes ont désiré par ci-devant de moi, qui néanmoins ne me connaissaient que par lettres la plupart. Croyant qu’il n’y avait en cela aucun mal, comme je l’ai pris en bonne part, je leur ai dit ce que je vous dirai tout présentement. Mon lieu natal est un village à trois lieues de Beauvais en Picardie, nommé Houdan, troisième baronie du comte de Clermont en Beauvaisis. Le plus ancien de ma race, que j’ai pu découvrir, a été un Noël Patin, qui vivait dans la même paroisse, il y a plus de trois cents ans, duquel la famille a duré jusques à moi. De ses descendans quelques-uns se sont retirés dans les villes, et y ont été notaires à Beauvais, et marchands drapiers à Paris : d’autres ont porté les armes, d’autres sont demeurés aux champs. Mon grand père, de qui je porte le nom, avait un frère conseiller au présidial, et avocat du roi à Beauvais, qui était fort savant, et duquel feu mon père honorait fortement la mémoire. Mon grand-père était homme de guerre, comme tout ce temps-là fut de guerre. Feu mon père avait étudié pour être ici avocat, où il fut reçu l’an 1588, huit jours avant les barricades, après avoir étudié a Orléans et à Bourges, sous feu messieurs Fournier et Cujas. Il se fût arrêté à Paris pour toute sa vie, si la mort du roi Henri III, et le siége de Paris, qui ensuivit, ne l’en eût empêché. L’an 1590 il fut pris prisonnier par les ligueurs, et ne put être racheté à moins de quatre cents livres, qu’il fallut payer au comptant, somme qui n’est pas grande aujourd’hui, mais qui l’était alors, et principalement en temps de guerre et aux champs. Feu ma grand’mère m’a dit que pour parachever cette somme, ramassée çà et là, elle engagea ses bagues de mariage, et son demi-ceint d’argent, chez un orfèvre de Beauvais, à gros intérêt ; ce que je lui ai mainte fois ouï dire en pleurant, et détestant le malheur de ce temps-là. Le seigneur de notre pays, voyant qu’il pouvait tirer bon service de feu mon père, qui était un jeune homme bien fait, qui parlait d’or, et qui n’était point vicieux, fit tant qu’il le retint près de soi pour s’en servir en ses affaires, annuente avo meo, imò urgente : et pour l’attacher davantage, et le retenir au pays, lui procura le plus riche parti qui y fût, et lui fit épouser, avec de belles promesses qu’il n’a jamais exécutées, feu ma mère, laquelle s’appelait Claire Manessier, descendue d’une bonne et ancienne famille d’Amiens. Feu mon père s’appelait François Patin, homme de bien si jamais il en fut un. Si tout le monde lui ressemblait il ne faudrait point de notaire. Il venait à Paris tous les ans pour les affaires de son maître, où il avait tout le crédit imaginable. J’y ai trouvé quantité d’amis, que je ne connaissais point du tout, qui m’ont fait mille caresses à cause de lui ; ce qui me l’a fait maintefois regretter de plus en plus. De ce mariage sont sortis sept enfans adhùc superstites : deux fils dont je suis l’aîné, et un frère qui est en Hollande : les cinq filles sont toutes cinq mariées, et ont eu entre elles tout le bien de la mère, lequel étant partagé en cinq a suffi pour les marier : mon frère et moi avons eu le bien paternel qui ne me vaut pas encore, apporté ici, cent écus de rente ; mais ce n’est pas la faute de ces bonnes gens, qui ont vécu moribus antiquis, sans avance et sans ambition. Tout le malheur de feu mon père était d’avoir un maître ingrat et avare, et avec lequel il n’a rien gagné, nonobstant presque trente années de fâcheux service. Le regret qu’il eut d’avoir quitté Paris et s’être arrêté à la campagne sur les belles paroles d’un seigneur, qui nimium attendebat ad rem suam, fit qu’il pensa, dès que j’étais tout petit, de me faire ici avocat ; disant que la campagne était trop malheureuse, qu’il se fallait retirer dans les villes, et me disait souvent ce bon mot du sage : Labor stultorum affliget eos qui nesciunt in urbem pergere ; à cause de quoi il me faisait lire encore tout petit les Vies de Plutarque tout haut, et m’apprenait à bien prononcer. À ce dessein, il me mit au collége à Beauvais, âgé de neuf ans, puis m’amena à Paris au collége de Boncourt, où je fus deux ans pensionnaire, y faisant mon cours de philosophie. Quelque temps après la noblesse, pour le récompenser d’une façon qui ne leur coutât rien, lui voulut donner un bénéfice pour moi, que je refusai tout plat, prostestant absolument que je ne serais jamais prêtre : (benedictus Deus, qui mihi illam mentem immisit in tenerâ adhuc ætate.) Feu mon père, qui reconnaissait en ce refus quelque chose de bon et d’ingénieux, ne s’irrita pas bien fort de mon refus ; mais ma mère en demeura outrée contre moi plus de cinq ans, disant que je refusais la récompense des longs services que… mon père avait rendus à cette noblesse ; mais il n’en fut autre chose. Dieu m’aida : je fus cinq ans sans la voir ni aller chez nous. Durant ce temps-là, j’eus connaissance d’un homme qui me conseilla de me faire médecin à Paris : pour à quoi parvenir, j’étudiai de grand cœur, depuis l’an 1622 jusqu’à l’an 1624, que je fus ici reçu ; et alors père et mère s’apaisèrent, qui m’assistèrent de ce qu’ils purent pour mes degrés, et avoir des livres. Cinq ans après duxi uxorem, de laquelle j’aurai de succession directe vingt mille écus sur père et mère vivans encore, mais fort vieux ; sans une collatérale, qui est une sœur sans enfans et fort riche. Dieu a béni mon alliance de quatre fils, savoir est, de Robert, Charles, Pierrot et François. Annum ætatis attigi 41, avec plus d’emploi que de mérite en ma profession, et moins de santé qu’il ne me serait de besoin, quam potissimùm labefactârunt vigiliæ juges et elucubrationes nocturnæ, à quibus etiam necdùm abstineo ; sed hoc erat in fatis. Voilà, ce me semble, ce qu’avez désiré de moi, et peut-être beaucoup davantage. Excusez mon importunité, et ma prolixité in re tam vili et tam exiguâ[4]. » Il dit en quelque autre endroit de ces mêmes Lettres[5], qu’il était allié d’assez près à M. le président Miron, intendant de Languedoc, et que sa femme était petite-cousine de la fille de ce président.

    M. Bayle n’ayant parlé que des lettres de Guy Patin, je mettrai ici la liste de ses autres ouvrages, telle que nous l’a donnée M. Mercklin, dans son Lindenius renovatus. Elle contient les Traités suivans. De Valetudine tuendâ, per vivendi normam, usumque legitimum rerum ad benè salubriterque vivendum necessararium. Extat pag. 341 Medici officiosi à Phil. Guiberto editi. Parisiis, apud Vid. Th. Pepinguè, 1649, in-8o. Notæ in Nicolai Ellain Tractatum de Peste. Ibidem, pag. 485. Notæ in Galeni librum de Sanguinis Missione. Ibidem, pag. 538. Quæstio de Sobrietate. Parisiis, 1647, in-4o., et Medici Officiosi, pag. 446. An totus homo naturâ sit Morbus. Ibidem, 1644, in-4o. Extat etiam cum DD. Virorum Epistolis et Responsis tùm medicis, tùm philosophicis. Roterodami, apud Rudolphum à Nuyssel, 1665, in-4o. Caspari Hoffmanni Apologiam pro Galeno edidit. Lugduni apud Laurentium Anisson, 1666, in-4o[6]. J’y ajouterai deux articles dont ce bibliothécaire ne fait aucune mention : savoir, les traductions latines de divers Traités d’André du Laurens, insérées dans l’édition latine des Œuvres de ce médecin, faite à Paris, en 1627, in-4o., par les soins de Guy Patin[7] ; et un Traité de Elephantiasi, dont il parle dans une de ses lettres à Charles Spon[8]. Le premier de tous ses ouvrages avait été imprimé séparément à Paris, en 1632, in-12, sous ce titre : Traité de la Conservation de la Santé par un bon régime et légitime usage des choses requises pour bien et sainement vivre. Je transcrirai ici le jugement que Patin lui-même en a porté. Je m’étonne bien, dit-il (9), qui vous a dit que j’étais l’auteur du petit Traité de la Conservation de la Santé, qui est derrière le médecin charitable. Cela ne mérite pas votre vue. Je l’ai fait autrefois à la prière du bon médecin charitable même, M. Guybert, qui m’avait donné le bonnet. Il me pria de le faire le plus populaire que je pourrais, afin de le pouvoir joindre à son livre. Il ne mérite pas que vous y mettiez votre temps… Si je puis jamais prendre quelque loisir, je tâcherai de raccommoder ce Traité, et de le rendre un peu meilleur qu’il n’est : et en attendant je vous prie de me faire la charité de ne dire à personne que je l’aie fait, car j’en ai honte moi-même. Rem. crit. [ Joly indique quelques opuscules de Patin omis dans cette remarque critique. ]

  2. * Joly transcrit un passage des Mémoires manuscrits de Lamarre, qui rapporte que Patin ne manquait jamais de montrer à ceux qui l’allaient voir le portrait de son père et de sa mère, qu’il avait sur sa cheminée, habillés en paysans.
  3. (*) Le nouveau Ménagiana, tom. II, pag. 223, et tom. III, pag. 413 de l’édition de Paris, cite ces lettres d’une édition en cinq volumes pour le moins, de laquelle je n’avais jamais ouï parler, et dont les deux endroits cités ne se trouvent ni dans l’édition en trois volumes, 1691, ni dans la suivante, de 1692, en deux volumes. Ces deux-ci, au reste, ont aussi omis une lettre très-curieuse, concernant quelques fautes que Guy Patin avait trouvées dans l’Histoire du président de Thou. Cette lettre, en date du 4 février 1672, fait la CXXXVIIe. dans l’édition de Rotterdam, en un volume in-12, 1689. Rem. crit.
  4. * Les Lettres choisies de Guy Patin, dans les plus amples éditions, ont trois volumes in-12. On y ajoute : 1o. Nouveau Recueil de lettres choisies de feu M. Guy Patin, écrites à MM. Belin père et fils, docteurs médecins de Troyes, tomes IV et V indépendans des trois premiers, 1695 ou 1725, deux volumes in-12 ; 2o. Nouvelles Lettres de feu M. Guy Patin, tirées du cabinet de M. Charles Spon, Amsterdam, 1718, deux volumes in-12. Voyez la remarque critique sur la remarque (A).
  5. * On pense bien que toutes ces idées de Bayle ne sont pas du goût de Leclerc, ni de celui de Joly.
  6. (*) Voyez le cardinal Bellarmin, en son Traité du Purgatoire.
  7. (*) L. 3 et 4 de legib. ff. 9. Sic Cato dicebat nullam legem satis commodam omnibus esse.
  8. * « Le fait rapporté par la Gazette de Harlem est vrai, dit Leclerc, et l’ordonnance se réitère de temps en temps. »
  9. * Joly, après avoir blâmé la publication des Lettres de Patin, entre autres causes pour leur impiété, ne peut résister au plaisir de contredire Bayle, au risque de se contredire lui-même. En conséquence, après l’Esprit de Guy Patin, il cite seize passages de ces lettres.

    Ce fut en 1709 que parut l’Esprit de Guy Patin, tiré de ses conversations, de son cabinet, de ses lettres et de ses ouvrages, avec son portrait historique, Amsterdam (Rouen), in-12, réimprimé à Amsterdam, 1713, in-12. Cet ouvrage est, suivant quelques personnes, d’Antoine Lancelet. La dernière édition est assez belle, mais incorrecte.

    On avait publié à Paris, en 1701, Naudæana et Patiniana, ou Singularités remarquables prises des conversations de MM. Naudé et Patin. La Monnoie, dans sa lettre au Président Bouhier, sur le prétendu livre des trois imposteurs, appelle le Naudæana, une rapsodie de bévues et de faussetés : et il n’excepte pas le Patiniana, imprimé dans le même volume. Ce que ce volume présente de plus curieux est l’approbation du censeur ; la voici :

    « Approbation de M. le président Cousin.

    « J’ai lu un manuscrit intitulé : Mixta Colloquia et varii Sermones eruditorum virorum Guidonis Patini et Gabrielis Naudæi, ai paraphé les feuillets au nombre de 87, et en retranchant quelques endroits que j’ai marqués, n’y ai rien trouvé qui en puisse empêcher l’impression, si monseigneur le chancelier a agréable d’en accorder le privilége. Fait le 26 juillet 1699, signé Cousin. »

    L’imprimé porte : ni ait rien trouvé ; je n’ai vu là que deux fautes d’impression.

    J’ai possédé un manuscrit complet du Naudæana et Patiniana. C‘était un petit in-4o. de 70 feuillets, dont trois blancs : les passages retranchés par M. le président, faisant fonction de commis à la douane des pensées, sont les plus piquans.

    On a réimprimé à Amsterdam, en 1702, in-12, le Naudæana et Patiniana. L’édition augmentée par Lancelot fut publiée par Bayle, qui l’avait reçue du père Vitry. Le libraire, pour rendre, dit-on, son édition plus long-temps nouvelle, l’a datée de 1703. Il s’est en cela conformé à un usage de la librairie, qui est de dater de l’année suivante les ouvrages imprimés dans les derniers mois de l’année.

  10. * Ce fut le 2 octobre 1693, dit Leclerc.
  11. * Leclerc et Joly trouvent que Bayle parle assez amplement de Ch. Patin ; et sans faire mention d’aucune erreur, ils disent qu’il faut consulter les Mémoires de Niceron, qui a donné un bon article à Charles, tom. II et tom. X, part. 1 et 2,
  1. Opuscules de Loisel, pag. 736, 737.
  2. Patin, lettre CCXCIII, pag. m. 561 du IIe. tome.
  3. Horat., sat. VI, lib. I, vs. 68.
  4. Lettres de Guy Patin à Charles Spon, lettre XVIII, tom. I, pag. 78, 79, 80, 81.
  5. Là même, tom. I, pag. 196, 214.
  6. Mercklini Lindenius renovatus, pag. 396.
  7. Voyez la remarque (B) de l’article Laurens, tom. IX, pag. 112.
  8. Lettres de Patin à Spon, tom. II, pag. 115.
  9. Nouvelles de le République des Lettres, avril 1684, art. I, pag. m. 115, 116.
  10. Ménagiana, pag. 279 de la première édition de Hollande.
  11. Pag. 248 et seq.
  12. Voyez la préface des Lettres de Guy Patin, édition de 1691.
  13. Patin, lettre CLXXXIV, datée du 22 de juin 1660. Voyez la page 113 du IIe. tome.
  14. Le même, lettre CLXXXV, pag. 119 du même tome.
  15. Il fut brûlé par la main du bourreau, à la Croix du Tiroir, par ordonnance du lieutenant civil. Patin, lettre CXC, pag. 142, 143.
  16. Le même, lettre CLXXXVII, pag. 130, 131.
  17. Le même, lettre CLXXXVIII, datée du 16 juillet 1660, pag. 136.
  18. Patin, lettre CXC, pag. 144.
  19. La CXCIVe., pag. 162 du IIe. tome.
  20. Je crois que c’est d’elle que l’abbé de Marolles parle dans le passage qui sera cité ci-dessous, citation (63). Conférez avec cela les Mémoires de Chavagnac, pag. m. 210.
  21. Galanteries des Rois de France, tom. II, pag. 198, édition de Bruxelles, 1694.
  22. Cela veut dire qu’elle était fille d’honneur de la reine mère Anne d’Autriche.
  23. Galanteries des Rois de France, tom. II, pag. 210.
  24. Thuan., lib. XIX, pag. 395, ad annum 1557.
  25. Voyez la remarque (E), à la fin.
  26. Thuanus, lib. XIX, pag. 395, ad ann. 1557.
  27. Idem, ibidem.
  28. Nous dirons ci-dessous, remarque (D), que l’usage des avortemens est fort ancien. Voyez les commentateurs de Minucius Félix, in editione Ouzelianâ, sur ces paroles : Sunt quæ in ipsis visceribus medicaminibus epotis, originem futuri hominis extinguant, et parricidium faciant antequàm pariant.
  29. Voyez les articles CLXII, CLXIII, des Pensées sur les Comètes.
  30. Voyez les Pensées sur les Comètes, art. CLXII, CLXIII.
  31. Nobis verò homicidio semel interdicto, etiam conceptum utero dùm adhùc sanguis in hominem delibatur, dissolvere non licet : homicidii festinatio est probibere nasci, nec refert natam quis eripiat animam, an nascentem disturbet : homo est et qui est futurus ; etiam fructus omnis jam in semine est. Tertull., in Apologet., cap. IX, Patin, lettre CLXXXVIII, pag. 137, le cite. Ce qu’il cite, pag. 144, du même Tertullien, de Animâ, cap. XXV, est hors de propos.
  32. Lodovico Zuccolo, Academico Filipono di Faenza, Discorso dell’ Honore, cap. XXIII, p. 122, edit. Venetæ, 1623,
  33. Lodovico Zuccolo, Discorso dell’ Honore, capit. XX, pag. 106.
  34. Drelincourt, Dialogue sur la Descente de Jésus-Christ aux Enfers, pag. 309, édit. de 1664.
  35. Diogène Laërce, liv. VI, num. 57, le rapporte autrement. Myndum profectus (Diogenes Cynicus) cùm videret magnificas portas et urbem modicam : viri, inquit, Myndii, portas claudite, ne urbs vestra egrediatur.
  36. C’est-à-dire que dans les pays où la polygamie est permise, les femmes d’un même mari s’entre-jouent mille tours pour empêcher la fécondité les unes des autres.
  37. C’est-à-dire qu’il y a des femmes mariées, qui, pour conserver leur embonpoint, ou pour épargner la dépense, font perdre leur fruit. On prétend que certains casuistes leur prêtent la main.
  38. Juven., sat. II, vs. 32.
  39. Idem, sat. VI, vs. 364. Voyez aussi vs. 593.
  40. Ovid. Amorum, lib. II, eleg. XIV.
  41. Horat., od. IV, lib. I.
  42. Virgil., Æn., lib. VI, vs. 426.
  43. Bodin, Démonomanie des Sorciers, liv. IV. chap. V, pag. m. 447, 448.
  44. À commencer l’année après Pâques.
  45. Je crois que ce fut l’an 1698.
  46. Henri Étienne, Apologie d’Hérodote, liv. I cap. XVIII, pag. 223 et suiv, édit. d’Anvers, 1568, in-8o.
  47. Voyez, ci-dessus, la citation (38) ; mais notez qu’Henri Etienne fait ici une grosse faute ; car il applique ces deux vers d’Ovide aux mères qui font périr leur fruit par d’autres raisons que celle de couvrir leur crime. Voyez ci-dessous, citation (56), que cette crainte rugarum ventris n’est pas la crainte d’effacer quelques agrémens corporels, mais la crainte de porter des marques convaincantes d’une grossesse précédente.
  48. Voyez ci-dessous, citation (55).
  49. Henri Étienne s’abuse ici ; car de son temps les désordres des monastères, et la connivence des confesseurs, étaient moindres qu’autrefois. Les reproches des protestans avaient excité quelque sorte de honte et de vigilance.
  50. Je ne comprends pas cette raison de Henri Étienne ; car ou il parle des nonnains qui s’étaient faites protestantes, ou de celles à qui le pape avait permis de se marier, et rien de tout cela ne paraît propre à porter une religieuse enceinte à sauver son fruit : se déclarer grosse n’est pas le moyen d’obtenir du pape la dispense de ses vœux.
  51. Voyez, tom. IX, pag. 92, l’article Launoi (Matthieu de), remarque (E), au dernier alinéa, pourquoi les servantes sont plus sujettes que d’autres à la corruption.
  52. Henri Étienne, Apologie d’Hérodote, pag. 225.
  53. Là même, pag. 226.
  54. Ci-dessus, citation (49).
  55. G. Lamy, Dissertation contre la nouvelle Opinion qui prétend que tous les animaux sont engendrés d’un œuf, pag. 218 et suiv. Cette Dissertation fut imprimée avec quelques autres traités du même auteur, à Paris, 1668, in-12.
  56. C’est-à-dire une femme dont on avait fait l’anatomie.
  57. Déesse qui présidait aux enfantemens.
  58. Déesse qui était la patrone des vols et des entreprises qu’on voulait cacher.
  59. Horat., epist. XVI, lib. I, vs. 60.
  60. Henri Étienne, Apologie d’Hérodote, pag. 226.
  61. Ovid., eleg. XIV, lib. II Amorum, vs. 27.
  62. L’abbé de Marolles, Remarques sur le IIe. livre des Amours d’Ovide, pag. 269, 270. Ce livre fut imprimé l’an 1661.
  63. Poésies de madame Desboulières, p. 134, 135, édition d’Amsterdam, 1694.
  64. Avis au lecteur, au-devant des Lettres de Guy Patin, folio * 6 verso.
  65. Mois d’avril 1684, art. I, pag. m. 116, 117. Voyez aussi le Journal de Leipsic, 1684, pag. 251.
  66. Voyez son Oraison funèbre, prononcée par M. l’évêque de Meaux, le 10 de mars 1687, pag. 56, 57, édition de Hollande.
  67. Tiré de l’Éloge de Guy Patin, à la tête de ses Lettres.
  68. Il eut fallu dire παλινῳδίαν.
  69. Carolus Patinus, in Lyceo Patavino, pag. 102, 103.
  70. Cette phrase est fort en usage à Genève et dans ces quartiers-là, pour dire ressembler à quelqu’un.
  71. Tiré du même Éloge.
  72. Sammarthauns, Elog., lib. I, pag. m. 59.
  73. Il s’appelait Rogérius Omoloy.
  74. Carolus Patinus, in Lyceo Patavino, pag. 83, 84.
  75. Idem, ibidem, pag. 91.
  76. On lui trouva un polybe dans le cœur et dans l’aorte, dont il étouffa. Je l’ai su de M. Drelincourt, professeur à Leyde, à qui un professeur de Padoue, qui était à la suite des ambassadeurs de Venise, l’avait dit. Je parle des ambassadeurs qui arrivèrent en Hollande, au mois de mars 1696, pour aller féliciter S. M. B. Ils furent avec toute leur suite à la leçon de M. Drelincourt, le 2 d’avril de la même année, et lui firent cent civilités, comme il le méritait bien.
  77. Voyez le Journal de Leipsic, 1702, pag. 85.
  78. Voyez le Journal de Leipsic de l’an 1684, pag. 587 ; et celui de l’an 1691, pag. 337 et 547. Nouvelles de la République des Lettres, mois d’avril 1685, pag. 452.
  79. Nouvelles de la République des Lettres, là même, pag. 453.
  80. Voyez le Journal de Leipsic, 1684, pag. 35.
  81. Je me sers du titre qu’il emploie dans sa liste, quoique le vrai titre soit : Introduction à l’Histoire par la connaissance des médailles.
  82. À Amsterdam, in-12.
  83. Voyez l’Histoire des Ouvrages des Savans, décembre 1694, pag. 174.
  84. Voyez le Journal des Savans, du 23 février 1665, pag. m. 150.
  85. Dans le Journal des Savans, du 9 mars 1665, pag. m. 202.
  86. Guy Patin, lettre CCCLI, pag. 34, 35 du IIIe. tome. Voyez aussi les pages 33, 54, 62, 64, 73 du même volume.
  87. Carolus Patinus, in Lyceo Patavino, pag. 91.
  88. Il eût fallu dire Timanthem.
  89. Guy Patin, lettre CCCCLXVIII, pag. 370 du IIIe. tome.

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