Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Monin


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MONIN (Jean-Édouard du), natif de Gy, en la comté de Bourgogne [a], publia un très-grand nombre de poésies (A), sous le règne de Henri III. On l’a mis dans le catalogue des esprits extraordinaires (B). Il fut tué à l’âge de vingt-six ans [b]. On dit que du Perron fut accusé d’avoir eu part à ce meurtre (C), et qu’il eut besoin d’impétrer des lettres d’abolition. Je pense que d’Aubigné a commis un anachronisme en parlant de du Monin (D).

  1. Du Verdier Vau-Privas, Biblioth. franç., pag. 729.
  2. Voyez la rem. (B).

(A) Il publia un très-grand nombre de poésies. ] Voici le catalogue que l’on en trouve dans la Bibliothéque de du Verdier [1] : « Comparaison philosophique du soleil et de la lune à nostre ame et intellect selon Merc. Trismegiste et quelques platoniques. Ensemble quelques discours poétiques et sonnets : le tout mis sur la fin de la version latine qu’il a faict de la sepmaine de Guillaume de Saluste sieur du Bartas qu’il a intitulée Ber sithias sivè mundi Creatio, et impr. à Paris 8, par Hylaire le Bouc, 1579. Les nouvelles Œuvres de Jean-Édouard du Monyn, poëte-philosophe, contenant discours, hymnes, odes, amours, contr’amours, eclogues, elegies, anagrammes et épigrammes, impr. à Paris 12 par Jean Parent, 1582. L’Uranologie, ou le Ciel, contenant outre l’ordinaire doctrine de la sphère plusieurs beaux discours, impr. à Paris 12 par Guillaume Julian, 1583. Miscellaneorum poeticorum libri. Parisiis 8. [* 1]. » Claude du Verdier [2], fils de celui qui me fournit ce passage, a censuré en plusieurs choses notre du Monin, et voici ce que le père Lescalopier remarque au sujet de la traduction latine de du Bartas : Moninus. … nimis incultus poëta visus est, interpresque parùm fidus [3].

(B) On l’a mis dans le catalogue des esprits extraordinaires. ] Gabriel Naudé, voulant prouver [4] que Pic, comte de la Mirande, n’est pas le seul qui ait acquis dans sa jeunesse une érudition prodigieuse, dit [5] que Paul de la Scale soutint l’an 1553 à Boulogne, mille cinq cent quarante-trois conclusions sur toutes sortes de matières, et ce auparavant qu’il eût atteint l’âge de vingt-deux ans. Il allègue ensuite les exemples de Postel, de Gesner, d’Érasme, d’Agrippa, de Maldonat, et finalement de cet Édouard du Monin, que l’on peut dire n’avoir été composé que de feu et d’esprit, puisqu’il s’était acquis, auparavant l’an 26 de son âge, auquel il fut tué [* 2], la connaissance des langues italienne, espagnole, latine, grecque et hébraïque, et de la philosophie, médecine, mathématique et théologie, avec une telle facilité à la poésie de toutes ces langues, qu’il translata envers latins, et en moins de cinquante jours l’Œuvre de la Création de du Bartas, et vit imprimer devant sa mort cinq ou six justes volumes de ses poésies, qui furent hautement louées par les plus beaux esprits du dernier siècle, Fumée, Perron, Goulu, Daurat, Morel, Baïf et du Bartas.

(C) Du Perron fut accusé d’avoir eu part à ce meurtre. ] J’ai lu cela dans un livre de Gisbert Voëtius, à l’endroit où il raconte les progrès de la fortune du cardinal du Perron. Perronus, dit-il [6], si cum illo (Plessæo Mornæo) comparetur, quis qualisve fuerit, judicent illi qui virum propiùs nôrunt : ministri reformati filium fuisse constat, cui nomen Perroni fuit inditum à vico ejusdem nominis in quo Genevæ habitaverat pater, priusquàm in Normandiam veniret. À patre initio fuisse educatum in spem ministerii, sed à D. de Matignon, cui carmina quædam obtulerat, inductum fuisse ut Lutetiam se conferret, ubi fortunæ lautioris poëtæ spes esset sub Henrico III ibi innotuisse, et cum aliis nonnullis postulatum fnisse cædis Eduardi du Monin, etiam poëtæ, qui versibus suis eum perstrinxerat, adeò ut, litteras gratiæ, quas vocant, à rege obtinuerit, cui à lectionibus fuit, donec oratione apud eum habitâ, quia probabat Deum esse [7], obtulit se die sequenti contrarium probaturum [* 3], si regi adlubesceret. Quam ob caussam jussus aulâ excedere, paulatim tamen se nonnullis insinuavit, maximè cardinali Vindocinensi. Et tandem se immiscuit iis qui regem Henricum IV ad religionis mutationem pertraxerunt, undè ei ad episcopatum primò, deindè ad cardinalatum patuit via. Notez qu’il ne cite personne, et cependant il aimait fort à citer.

(D) Je pense que d’Aubigné a commis un anachronisme en parlant de du Monin. ] Il dit [8] que du Monin, que le roi nomma le poëte des chevau légers, joua un tour de malice à une dame qui l’avait prié de lui faire une élégie sur les embarras que les carrosses causaient dans les rues. Il s’en excusa, et lui ayant dit qu’il s’en allait à Lyon, celant qu’il s’allait rendre au duc de Savoie [9], elle le pria de lui faire faire une tapisserie avec des emblèmes. Il s’acquitta de la commission, et fit faire une tapisserie qui était de quatre triomphes, chacun de trois pantes : le premier était le triomphe d’impiété ; le second de l’ignorance ; le troisième de poltronnerie ; le quatrième de gueuserie [10]. La brodure des grotesques, ajoute l’auteur, est d’écriture en chiffres que personne n’entendait ; mais du Monin qui ne craint plus rien pour avoir passé le mont du chat, en a envoyé l’explication et les mémoires tout du long au petit chevalier. La dame dont d’Aubigné se veut moquer est sans doute la femme du sieur de la Varenne ; il suppose qu’elle dit à du Monin que le roi avait ôté à Madame une tapisserie de cent cinquante mille écus pour la donner à la duchesse, et qu’il eût été plus honnête au roi ; maintenant qu’elle était morte, d’en faire un présent à Monsieur [11], que de se faire héritier de la défunte. La duchesse dont il s’agit là est Gabrielle d’Estrée, maîtresse de Henri IV, laquelle mourut l’an 1599. Il faut donc que d’Aubigné prétende que du Monin était en vie cette année-là. Mais comment peut-on accorder cette hypothèse avec ce que l’on a vu ci-dessus [12], qu’il fut tué sous le règne de Henri III, à l’âge de vingt-six ans [13], et que ses principaux ouvrages furent imprimés avant l’année 1584 [14] ? Il était encore en vie cette année-là, à ce qu’assure la Croix du Maine [15]. Il faut ou que d’Aubigné brouille et confonde la chronologie, ou qu’il parle d’un Monin différent de celui-ci.

  1. * Le père Niceron a donné dans le 31e. volume de ses Mémoires, une liste imparfaite des ouvrages de J. E. du Monin. Joly y ajoute quelques détails. Il parle d’un Commentaire de du Monin sur Perse, qui doit avoir été imprimé d’après les termes dans lesquels l’auteur en parle. Joly donne aussi quelques détails sur le volume intitulé : le Phénix, 1585, in-12, de 155 feuillets. C’est un mélange de poésies diverses ou l’on trouve l’Orbecc-Oronte, tragédie ; mais Joly lui-même a oublié ou n’a pas connu un ouvrage de du Monin intitulé : le Quaresme, etc, 1584, in-4o., qui contient aussi une tragédie allégorique ayant pour titre : la Peste de la Peste, ou Jugement de Dieu : la Bibliothéque du Théâtre Français, I, 256-260, donne l’analyse des deux pièces de du Monin.
  2. * Leclerc observe que lorsqu’il fut tué du Monin avait plus de vingt-six ans, puisque en tête de son Manipulus Poeticus, 1579, il y a un quatrain sur son portrait de vingt-deux ans. Il serait donc né en 1557 et avait vingt-neuf ans lorsqu’il fut assassiné le 5 novembre 1586.
  3. * Joly reproche à Bayle d’avoir répété cette accusation contre du Perron, sans la réfuter.
  1. Du Verdier, pag. 729.
  2. Voyez son In Auctores penè omnes, antiquos potissimùm, Censio.
  3. Lescalop. in Cicer. de Nat. Deorum, p. 234.
  4. Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 409. Voyez-le aussi au Syntagma de Studio liberali, pag. m. 89, et au Dialogue de Mascurat, pag. 468.
  5. Là même, pag. 503.
  6. Gisb. Voetus, Desper. Causa Papatûs, pag. 677, 678.
  7. Voyez le Journal de Henri III, au 25 novemb. 1583, et l’épître dédicatoire de la Confession de Sanci.
  8. D’Aubigné, au livre IV du baron de Fæneste, chap. XVI, pag. m. 285.
  9. La même, pag. 286.
  10. La même, pag. 288.
  11. Il faut entendre par ce mot le mari de la dame qui parlait à du Monin.
  12. Dans la rem. (C).
  13. Dans la rem. (B).
  14. Dans la rem. (A).
  15. Pag. 721 de sa Bibliothéque.
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