Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Marinella


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MARINELLA, ou MARINELLI (Lucrèce), dame vénitienne qui avait beaucoup d’esprit, et qui publia entre autres livres (A) un ouvrage intitulé : La Nobilità e l’Excellenza delle Donne, con Diffetti e Mancamenti de gli Huomini[a]. Elle portait les prétentions de son sexe, non-seulement à l’égalité, comme quelques auteurs ont fait (B), mais aussi à la supériorité. Mademoiselle de Schurman n’approuvait point le dessein de cet ouvrage[b] : elle eut donc blâmé la demoiselle Jaquette Guillaume (C).

  1. Il fut imprimé à Venise, l’an 1601, in-4o .
  2. Tantùm verò abest ut hoc cum virginali modestiâ aut saltem innato mihi pudore congruere arbitrer, ut vel perlegere pigeat tractatum cætera insignem Lucretiæ Marinellæ. Anna Maria à Schurman, in Opusculis, pag. 85.

(A) Entre autres livres. ] Elle a fait un ouvrage qui a pour titre : la Colomba sacra, la Vie de la Vierge Marie, et celle de saint François. J’apprends ceci dans le Cose notabili e maravigliose della città di Venetia[1][* 1].

(B) Comme quelques auteurs ont fait [2]. ] Je n’en nommerai que deux : l’un est mademoiselle de Gournay, qui a fait un petit livre de l’Égalité des Hommes et des Femmes. Sa prétention fut désapprouvée par mademoiselle de Schurman : Nobilissimæ Gornacensis Dissertatiunculam… uti ab elegantiâ ac lepore improbare minimè possum : ita eam per omnia comprobare nec ausim quidem nec velim ; licet ad sapientum testimonia quæ illa nobis exhibuit, brevitatis causâ provocârim [3]. L’autre auteur est celui qui publia, à Paris, en 1673, un ouvrage qui a pour titre, de l’Égalité des deux Sexes, discours physique et moral où l’on voit l’importance de se défaire des préjugés. Il crut que l’on écrirait contre lui, et il en fut menacé [4] ; mais, ne voyant point paraître de réfutation, il écrivit lui-même contre son livre, car il publia, en 1657, un traité de l’Excellence des Hommes contre l’égalité des sexes. Quand on examine bien tout ce qu’il dit, on découvre qu’il n’a pas dessein de réfuter son premier ouvrage, et qu’il a plutôt envie de le confirmer indirectement. Quoi qu’il en soit, ces deux ouvrages furent réimprimés à Paris l’an 1679. On a été long-temps sans en connaître l’auteur : on débita, dans les Nouvelles de la République des Lettres, au mois d’octobre 1685 [5], qu’il s’appelait Frelin ; mais, quelque temps après, on déclara dans ces Nouvelles [6], qu’il eût mieux valu le nommer Poulain. C’est en effet son vrai nom, quoiqu’il ait pris celui de la Barre, à la tête de la troisième édition, l’an 1691 [7], et à la tête de la troisième partie de son ouvrage, publiée l’an 1692. Disons en passant que c’était un ecclésiastique lorrain, qui a embrassé dans Genève la communion protestante [* 2].

(C) Mademoiselle de Schurman eût blâmé la demoiselle Jaquette Guillaume. ] Qui publia à Paris, en 1665, un livre intitulé : les Dames illustres, où par bonnes et fortes raisons il se prouve que le sexe féminin surpasse en toute sorte de genres le sexe masculin. On publia à Paris un livre in-8o., l’an 1643, sous ce titre-ci : la Femme généreuse, qui montre que son sexe est plus noble, meilleur politique, plus vaillant, plus savant, plus vertueux et plus économe que celui des hommes, par L. S. D. L. L. J’ajoute que M. Scheffer [8] m’apprend qu’on imprima à Upsale, en 1650, un traité qui a pour titre : la Donna migliore dell huomo, paradosso, composé par Jacobus del Pozzo (i. e. de Puteo.) Il y avait déjà long-temps que cette thèse avait été soutenue par de beaux-esprits. Jérôme Ruscelli publia, en 1552, un livre italien où il donna aux femmes la supériorité de perfection, che la donna sia di gran lunga piu nobile e piu degna dell’ huomo [9]. Il observe que Plutarque, Jean Boccace, il Cortegiano, l’Agrippa, il Portio, il Lando [10], il Domenichi, et plusieurs autres, avaient agité cette question ; que cependant on ne voyait pas que tout le monde reconnût que leurs raisons eussent fait croire que les femmes surpassent les hommes. Il cite [11] le Maggio et Bernardo Spina, qui avaient écrit pour le même sentiment. J’ai un livre, qui fut imprimé à Paris, en 1617, sous ce titre-ci : Réplique à l’Anti-malice, ou Défense des femmes, du sieur Vigoureux, autrement dit Brie-Comte-Robert... par le sieur de la Bruyère, gentilhomme béarnais. Ce gentilhomme déclare [12] que son intention est de renverser ce que l’auteur de la Défense avait dit, que les femmes étaient meilleures que les hommes, et plus vertueuses en toutes choses. Notez que cette Défense était la réfutation de l’écrit d’un certain Jacques Olivier [13], et que celui qui la publia, pour avoir un plus beau champ de discourir, se prit à déchiffrer les hommes et leur approprier.….. ce qui était donné aux femmes dans le livre qu’il réfutait [14]. On verra d’autres écrivains dans le deuxième tome des Mélanges de Vigneul-Marville, à la page 27 et 28 de l’édition de Hollande.

  1. * Joly, d’après le Theatro delle Donne letterate del signor Agostino della Chiesa, Mondovi, 1620, in-12, donne les titres de quelques autres opuscules de Marinella.
  2. * Bayle n’a pas eu l’intention de donner la liste de tous les ouvrages en faveur du sexe. Il dit : Je n’en nommerai que deux. Joly, cependant, comme pour compléter cette liste, parle de trois autres.
  1. À la page 311 de l’édit. de Venise, 1655.
  2. Voyez l’art. Fonte, tom. VI, pag. 501.
  3. Anna Maria à Schurman, in Opusculis, pag. 85.
  4. Voyez le Journal des Savans, du 16 mars 1676.
  5. Article VII, pag. 1145 de la seconde édition.
  6. Au revers de la dernière page de la table de la seconde édition des Nouvelles de 1685.
  7. Voyez l’Histoire des Ouvrages des Savans, mois de septembre 1691, pag. 27 et suiv.
  8. Joh. Scheffer, de Scriptis et Scriptor. Suecorum, pag. 301.
  9. Ruscelli, Lettura sopra un sonetto del marchese della Terza, folio 14.
  10. Voyez son article, à la fin de la remarque (H) tom. III, pag. 491.
  11. Folio 14 verso, et fol. 15.
  12. Dans sa préface.
  13. Intitulé Alphabet de l’imperfection et malice des femmes.
  14. Préface de la Réplique à l’Anti-malice. Notez que voici un Anti qui n’est pas dans le Recueil de M. Baillet.

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