Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Macédoine


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MACÉDOINE (Alexandre le Grand roi de) a été le plus extraordinaire de tous les hommes ; et si tout ce que les livres rapportent de lui est véritable, c’était moins un homme qu’une intelligence incarnée. On dirait que la providence l’avait choisi pour montrer à la terre jusqu’où se peuvent étendre les forces d’un instrument humain, lorsque le temps des révolutions les plus surprenantes est arrivé. Les poëtes et les orateurs n’ont pas été les meilleurs panégyristes d’Alexandre ; les rois qui se mêlent le plus de guerres et de conquêtes, font son éloge beaucoup mieux que ne sauraient faire les écrivains (A). Qu’on ne dise pas que les occasions lui ont été favorables (B) ; et que tel prince, qui dans une longue guerre ne gagne que peu de pays, aurait subjugué un grand empire s’il avait eu à combattre contre les Perses. Ce sont des excuses, ce sont des consolations peu solides. La rapidité avec laquelle Alexandre se servait de l’occasion, et profitait de ses avantages, lui eût fait trouver une moisson de triomphes, où bien d’autres rois ne peuvent rien conquérir. C’est à lui que l’on pouvait dire après ses premières victoires,

Je l’attends dans deux ans sur les bords de l’Euphrate.


Je ne prétends pas donner ici un abrégé de sa vie ; car outre que les autres dictionnaires sont assez prolixes sur ce sujet, il n’y a rien de plus connu à toutes sortes de lecteurs que l’histoire d’Alexandre le Grand. Il semble même que ce serait un travail superflu, que de donner son caractère (C). On le connaît assez ; personne n’ignore que les grandes vertus et les grands vices y entrent également. Il n’y avait rien de médiocre en sa personne que la taille ; tout le reste bon ou mauvais était excessif. Son ambition allait jusqu’à la fureur (D). Il prenait pour un crime que l’on doutât du succès de ses desseins (E). D’un côté il était assez impie pour vouloir qu’on le regardât comme un dieu (F) ; et de l’autre il était superstitieux jusqu’à la faiblesse féminine (G). Quelque louange qu’il ait méritée en certaines occasions par rapport à la continence (H), il s’en faut bien que sa vie n’ait été dans l’ordre sur ce chapitre (I). Son déréglement à l’égard du vin fut prodigieux (K). La cruauté qu’il fit paraître contre les habitans de Tyr n’est point excusable (L). Tant de vices n’ont point empêché qu’après sa mort on ne l’honorât comme un dieu, et que même sous les empereurs romains, il n’y ait eu des familles qui le choisissaient pour leur divinité tutélaire (M). La flatterie n’avait point de part à cela, comme lorsque pendant sa vie on lui rendait des honneurs divins : c’était un vrai culte de superstition. Il mourut à Babylone, âgé d’environ trente-trois ans. Les uns disent qu’on l’empoisonna ; les autres en plus grand nombre le nient [a]. Ses conquêtes furent brisées en plusieurs pièces après sa mort ; mais les morceaux en furent bons, et rendirent célèbre et puissante pendant long-temps la nation grecque dans l’Asie. Il n’avait mis guère de temps à les faire ; car il passa l’Hellespont la 2e. année de la 111e. olympiade, et il mourut la 1re. annonce de la 114e. Il était né la 1re. année de la 106e., et il avait commencé son règne la 1re. année de la 111e. [b]. Il eut un bonheur fort particulier ; c’est que l’on ne put pas dire, pour diminuer l’éclat de sa gloire, que les trahisons eussent eu beaucoup de part à ses triomphes (N). Il n’est pas besoin de dire que Philippe son père descendait d’Hercule, et qu’Olympias sa mère descendait d’Achille, et qu’ainsi son extraction était aussi glorieuse qu’elle l’eût pu être, s’il avait eu la liberté de se la choisir dans l’histoire. Nous ne parlerons pas ici de ses femmes et de ses enfans ; nous renvoyons cela à l’article Roxane [* 1]. Il serait de l’esprit de ce Dictionnaire de marquer toutes les fautes qui concernent ce conquérant : je n’en marquerai néanmoins que quelques-unes. Les Juifs prétendent qu’il vida plusieurs procès qu’ils avaient avec leurs voisins (O). Quelques-uns disent que les Romains lui envoyèrent des ambassadeurs (P). Tite-Live est tombé en contradiction quand il a parlé de ce prince (Q). Un de nos plus excellens poëtes semble s’être contredit sur le même sujet (R). Nous verrons ailleurs [c] s’il est croyable que la reine des Amazones ait fait un très-long voyage pour coucher avec ce roi ; et [d] que la mer de Pamphylie ait abandonné le rivage pour faciliter la marche de l’armée macédonienne. Si pour rallier ses troupes il s’était servi d’une corne dont le son portait jusqu’à cent stades, quelqu’un des historiens qui nous reste en aurait parlé ; nous n’aurions pas besoin de chercher cela dans un manuscrit du Vatican [e]. Je ne mets point au nombre des fables ce que l’on rapporte du mépris qu’il eut pour un homme qui lui donna des preuves d’une adresse extraordinaire (S).

  1. * Bayle n’a pas donné cet article.
  1. Voyez Plutarque, in Alex. sub fin., pag. 707, et ci-dessous la remarque (K).
  2. Juxtà Sethum Calvisium, qui fait concourir l’année de la mort d’Alexandre avec l’an 430 de Rome, et avec l’an 321 avant Jésus-Christ.
  3. Dans l’article de Thalestris, [cet article n’existe pas.]
  4. Dans l’article Phasélis, tom. XII.
  5. Le père Kircher, in Arte magnâ Lucis et Umbræ, lib. II, part. I, cap. VII, dit que ce manuscrit traite de Secretis Aristotelis ad Alexandrum. Voyez les Mémoires des Arts et des Sciences de M. Denis, 2 de mai 1672, pag. 111, 112.

(A) Les rois ..... font son éloge beaucoup mieux que ne sauraient faire les écrivains. ] Rien n’est plus propre à nous remplir d’admiration pour Alexandre, et à nous faire soupçonner en lui des qualités qui surpassent l’imagination, que de voir dans tous les siècles plusieurs grands princes, qui, avec tout leur courage, toutes leurs intrigues, toute leur prudence, tous leurs bons succès, ne s’agrandissent que bien peu. Ils savent vaincre, mais non pas profiter de leurs victoires. Voyez la remarque (A) de l’article de César. De quoi servirent à Charles-Quint tant d’avantages qu’il remporta sur la France ? Augmentèrent-ils son patrimoine ? Ne fut-ce pas beaucoup, après la grande victoire qui fut gagnée à Saint-Quentin par son successeur, que de recouvrer ce que la France avait pris au duc de Savoie, allié de la maison d’Autriche ? et ne fallut-il pas même obtenir cela par la sottise, ou par l’infidélité des favoris de Henri II [1] ?

(B) Qu’on ne dise pas que les occasions lui ont été favorables. ] Je ne prétends pas le nier : ma pensée est seulement que ceux qui veulent diminuer par-là son mérite, et justifier les princes qui ont usé inutilement toute leur vie à vouloir faire des conquêtes, se font des illusions. Je crois bien que contre un Sésostris, contre un Cyrus [2], contre un César, les grands desseins d’Alexandre auraient pu échouer de fond en comble ; mais combien y a-t-il eu de grands rois, qui, avec des troupes plus nombreuses et plus aguerries que celles d’Alexandre, n’eussent fait qu’un petit mal à Darius ? Ainsi tout ne dépendit pas des occasions ? Voyez nos remarques sur Jules César [3].

(C) Ce serait un travail bien superflu que de donner son caractère. ] Renvoyons à un ouvrage que tout le monde peut consulter aisément, et qui est d’un grand débit. Voyez, dis-je, M. de Saint-Évremond, dans le jugement sur une tragédie de M. Racine, intitulée le grand Alexandre, au Ier. tome de ses Œuvres mêlées, et dans la Comparaison de César et d’Alexandre au même tome. Voyez-le aussi au IIe. tome, à la page 97 de l’édition de Hollande, 1693.

(D) Son ambition allait jusqu’à la fureur. ] Son père ne se trompa pas, lorsqu’il crut que la Macédoine était trop petite pour son fils [4]. Il dit cela après qu’Alexandre, âgé d’environ seize ans, eut dompté l’un des plus terribles chevaux du monde [5]. Comment est-ce que la Macédoine lui aurait suffit, puisque toute la terre ne lui paraissait pas un royaume assez étendu ? Il pleura lorsqu’il entendit dire au philosophe Anaxarque qu’il y avait une infinité de mondes [6] : ses larmes vinrent de ce qu’il désespérait de les pouvoir conquérir tous, voyant qu’il n’avait pu encore en conquérir un Juvénal exprime cette ambition sous une image très-vive. Il se figure Alexandre suant d’être logé à l’étroit dans un royaume aussi grand que toute la terre :

Unus Pellæo juveni non sufficit orbis :
Æstuat infelix augusto limite mundi,
Ut Gyaræ clausus scopulis parvâque Seripho [7].


Le monde était pour Alexandre ce qu’était une petite île pour des malfaiteurs qu’on y confinait. S’ils se trouvaient bornés dans leurs promenades, Alexandre de son côté regardait la possession de toute la terre comme le malheur d’être réduit à un petit coin. Un auteur espagnol enchérit sur Juvénal ; il nomme le cœur d’Alexandre un archicœur, dans un coin duquel le monde était si à l’aise, qu’il y restait de la place pour six autres [8]. Mais ne semble-t-il pas que ce cœur si vaste bornait à bien peu de chose sa dernière fin, puisqu’il ne se proposait que d’être loué des Athéniens ? On prétend que les peines extraordinaires qu’il eut à passer l’Hydaspe l’obligèrent à s’écrier : Ô Athéniens, pourriez-vous bien croire à quels périls je m’expose pour être loué de vous [9] ? N’est-ce point, me dira-t-on, être tout ensemble insatiable, et se contenter de peu de chose ? N’est-ce pas une folie de s’exposer à tant de peines et à tant de douleurs, pour l’amour d’une harangue ?

...I, demens, et sævas curre per Alpes,
Ut pueris placeas et declamatio fias [10].


Je consens qu’on dise tout ce qu’on voudra sur les contradictions du cœur de l’homme, sur ses folies, et sur ses extravagances : je ne laisserai pas de croire que la fin que se proposait Alexandre, s’accordait très-bien avec la vaste et avec l’immense étendue de son ambition : il voulait tenir à tous les siècles futurs, à la postérité la plus reculée, et il n’espérait cela ni d’un ni de plusieurs mondes conquis, mais des livres. Il ne se trompait pas ; car si la Grèce ne lui eût fourni de bonnes plumes, il y a long-temps qu’on ne parlerait pas plus de lui que de ceux qui commandaient dans la Macédoine avant la naissance d’Amphitryon. Il s’intéressait de telle sorte à ce qu’on dirait de lui après sa mort, qu’il souhaitait de pouvoir revenir au monde pour autant de temps qu’il lui en aurait fallu, afin de connaître comment on lirait ses historiens [11]. Par cet insatiable désir de louange, il rendait plus de justice à la valeur de ses ennemis, qu’à celle de ses capitaines ; car tout ce qu’il ôtait à ceux-ci, et tout ce qu’il donnait à ceux-là, lui revenait avec usure. Simpliciùs famam æstimabat in hoste quàm in cive ; quippè à suis credebat magnitudinem suam destrui posse, eandem clariorem fore quo majores fuissent quos ipse vicisset [12].

(E) Il prenait pour un crime que l’on doutât du succès de ses entreprises. ] Ceux qui par son ordre avaient tué Parménion ne lui allèrent pas rendre compte de ce service important sans quelque sujet d’inquiétude ; car ils furent suivis par des députés de la province qu’ils avaient gouvernée, lesquels avaient ordre de les accuser de plusieurs crimes. On étala les pilleries de ces gouverneurs, les sacriléges qu’ils avaient commis, leurs attentats sur l’honneur des dames [13]. Alexandre ayant examiné cette accusation déclara que les députés avaient oublié le plus atroce, c’est que les accusés avaient cru qu’il ne reviendrait jamais de l’expédition des Indes ; car s’ils avaient cru, disait-il, que j’en reviendrais, ils n’auraient pas eu la hardiesse de se porter à ces violences. Rex, cognitâ caussâ, pronunciavit ab accusatoribus unum et id maximum crimen esse præteritum, desperationem salutis suæ, nunquàm enim talia ausuros, qui ipsum ex Indiâ sospitem aut optâssent reverti, aut credidissent reversurum. Igitur hos quidem vinxit, dc autem militum qui sævitiæ eorum ministri fuerant, interfici jussit [14].

(F) Il était assez impie pour vouloir qu’on le regardât comme un dieu. ] Une fine politique l’obligea à faire croire qu’il était fils de Jupiter, et à souffrir les honneurs de l’adoration. Il avait éprouvé que cela portait les peuples barbares à se soumettre, et dans le fond, qui oserait prendre les armes contre un conquérant qu’il regarderait comme un dieu ? Il était donc de son intérêt que l’on eût de lui cette opinion avantageuse ; aussi la fomentait-il adroitement. Il était plus réservé là-dessus envers les Grecs qu’envers les barbares [15] : c’est que les Grecs étaient plus habiles, et moins opposés à ses desseins. Il avoua un jour publiquement, que le bien de ses affaires avait demandé qu’il passât pour dieu, et qu’il souhaitait que les Indiens le prissent pour dieu. Illud penè dignum risu fuit, quod Hermolaus postulabat à me ut aversarer Jovem cujus oraculo adgnoscor. An etiam quid Dii respondeant, in meâ potestate est ? Obtulit nomen filii mihi ; recipere ipsis rebus quas agimus haud alienum fuit. Utinàm Indi quoque Deum esse me credant ! Famâ enim bella constant, et sæpè etiam, quod falsò creditum est, veri vicem obtinuit [16]. Je me laisserais aisément persuader qu’à force de le dire aux autres, et d’entendre ceux qui le flattaient sur ce chapitre, il vint quelquefois à croire qu’il était dieu, ou à douter s’il ne l’était point ; car il n’y a guère de pensées de vanité qu’un bonheur et qu’une puissance extraordinaire, avec les adresses d’une flatterie sans bornes, ne soient capables d’inspirer [17] : mais je ne crois point que cette opinion ou ce doute aient jamais pu prendre racine dans son âme. Il disait que deux choses l’empêchaient de croire qu’il fût immortel, le dormir, et la jouissance des femmes. Ἐλεγε δὲ μάλιςα συνιέναι θνητὸς ὢν ἐκ τοῦ καθεύδειν καὶ συνουσιάζειν· ὡς ἀπὸ μιᾶς ἐγγινόμενον ἀσθενείας τῇ ϕύσει καὶ τὸ πονοῦν καὶ τὸ ἡδόμενον. Dicebat mortalem se esse intelligere se potissimùm ex somno et concubitu, quòd ab eâdem imbecillitate naturam incessat lassitudo et voluptas [18]. Il raisonnait bien, quoique peu conséquemment aux principes de la théologie païenne, qui ne parlait que des amours de Jupiter, et de ses bonnes fortunes auprès du sexe : mais comme les deux choses qui lui servaient de preuve qu’il n’était point dieu revenaient souvent, je ne vois pas de quelle manière il aurait su laisser ancrer dans son âme la foi de sa prétendue nature divine. Nous rapporterons plusieurs choses sur ce sujet dans les remarques de l’article Olympias, tome XI.

(G) Il était superstitieux jusqu’à la faiblesse féminine [19]. ] Jamais cela ne parut autant que l’année de sa mort ; ce qui ne pouvait pas être attribué au déclin de l’âge, et aux malignes influences de la vieillesse, vu qu’il n'avait pas encore trente-trois ans lorsqu’il mourut. Cette augmentation notable de superstition procéda de quelques événemens qu’on lui fit prendre pour des présages d’autant plus sinistres, qu’il était allé à Babylone malgré les avis de n’y point aller, que Néarchus lui avait donnés au nom de quelques devins chaldéens. Ce redoublement de mauvais présages le consterna de telle sorte, qu’il se défiait et des dieux et des hommes. Il crut que la protection divine l’abandonnait, et que ses amis lui devenaient infidèles. Cette défiance lui troubla tellement l’esprit, que la moindre chose extraordinaire qui lui arrivait lui paraissait un prodige : sa maison ne désemplissait point de prêtres et de devins ; il ne s’occupait que de sacrifices, que d’expiations, que d’augures. Écoutons Plutarque qui ne raconte pas la chose sans y apposer sa réflexion [20]. Alexander igitir postquàm semel religione obstrictus est tumultuante et trepidante animo præditus, nulla res insolita et aliena tàm oblata exigua est quàm non verteret in prodigium et ostentum, sed sacrificantium, expiantium, et vaticinantium erat regia referta. Adeò res est horrenda incredulitas et contemptio deorum, horrenda item superstitio, quæ aquæ moda vergit ad demissa, impletque absurdis opinionibus et metu mortales, ut tunc Alexandrum. Tant a de pouvoir, je me sers de la version d’Amyot, et de fiance, d’un costé la mecreance et impieté de contemner les dieux, quand elle se met es cœurs des hommes, et de l’autre costé aussi la superstition, coulant tousjours ne plus ne moins que l’eau contre bas es ames abaissees et ravalees par crainte, comme elle remplit alors Alexandre de folie depuis qu’une fois la frayeur l’eut saisi. Il est bon de dire que les avis des Chaldéens, notifiés par Néarchus, firent tant d’impression sur Alexandre, qu’il n’osa entrer dans Babylone, jusques à ce que les philosophes Grecs ayant su le fondement de ses scrupules, l’allèrent voir, et lui firent reconnaître par la force de leurs raisons, la vanité des sciences divinatrices. Il fit alors son entrée dans Babylone [21]. Les mauvais augures dont il se remplit la tête effacèrent les impressions que ces philosophes lui avaient données : il revint à la grande estime qu’il avait conçue pour la science des Chaldéens ; il détesta les philosophes qui lui avaient persuadé d’entrer dans la ville, et il se fâchait contre tous ceux qui voulaient lui faire entendre raison [22]. Voyez plusieurs choses concernant la superstition d’Alexandre dans les remarques de l’article d’Aristandre, son devin. Je les ai renvoyées là, de peur que cet article-ci ne fût trop long : j’en ai usé d’une semblable manière à l’égard de bien d’autres faits ; et, quand l’occasion le demandera, je me servirai de cette méthode.

(H) Quelque louange qu’il ait méritée..... par rapport à la continence. ] Dans le premier feu de sa jeunesse il parut si indifférent à l’égard des femmes, que sa mère craignit que cela n’allât trop loin, et ne procédât d’impuissance : c’est pourquoi, du consentement de son mari, elle fit coucher auprès d’Alexandre une très-belle courtisane de Thessalie, afin de fondre la glace, et de réveiller le goût du jeune homme. Callixéna (c’était le nom de la belle Thessalienne) fit de son mieux à plusieurs reprises pour se faire caresser, et n’obtint rien [23]. Si ce conte est vrai, il faut croire que la nature, qui en toutes autres choses avait été fort diligente pour ce prince, fut paresseuse, et se leva un peu tard sur ce point-là. On débite [24] qu’il porta son pucelage en Asie, et que la veuve de Memnon [25] a été la première femme dont il ait joui, et que quand il se maria, il n’avait eu encore affaire qu’avec cette veuve. Il fallut même que Parménion le poussât à la caresser, quelque capable qu’elle fût de toucher un homme. Si cela est vrai, ceux qui nous parlent de la complaisance d’Alexandre pour Apelles se trompent. Ils disent qu’ayant donné à peindre toute nue la plus chérie de ses concubines [26] à Apelles, et s’étant aperçu qu’Apelles en était devenu amoureux, il lui en fit un présent. Cette histoire et celle de Plutarque sont incompatibles ; car la veuve de Memnon ne fut prise que lorsqu’Alexandre se rendit maître de Damas, et ce fut à Éphèse qu’il connut Apelles, assez long-temps avant la prise de Damas. On pourrait rendre compatibles ces deux histoires, si l’on supposait, ou qu’Alexandre n’avait point encore joui de sa concubine lorsqu’il en fit cession au peintre, ou qu’il la lui donna à peindre depuis la prise de Damas. Mais la 1re. de ces deux suppositions est contre l’histoire même dont il s’agit ; car Pline [27] qui la rapporte ne se contente pas d’observer que cette maîtresse était fort belle [28], et la plus aimée de toutes les concubines d’Alexandre, il remarque encore que ce prince céda son lit et son affection au peintre. Élien qui rapporte la même histoire, marque cette circonstance, que la concubine en question était de Larisse en Thessalie, et la première femme qui eût fait sentir à Alexandre ce que c’est que le plaisir vénérien [29]. La 2e. supposition n’a nulle ombre de vraisemblance : aurait-on envoyé à Éphèse une femme d’une si grande beauté, et qu’on aimait si tendrement ? l’y aurait-on, dis-je, envoyée de si loin, pour l’y faire peindre toute nue ? Et si l’on avait mandé Apelles, ne verrions-nous pas cette circonstance dans les auteurs qui ont conservé la mémoire de ce beau présent ? outre que cette seconde supposition n’ôte pas l’incompatibilité qui est entre Élien et Plutarque. Jusqu’ici donc ce dernier auteur n’a guère prouvé la continence de son héros ; mais il nous va dire des choses qui ont beaucoup plus de force. La mère, la femme, et les filles de Darius étaient prisonnières d’Alexandre : la femme était une beauté achevée ; ses filles lui ressemblaient. Le jeune prince qui les avait en son pouvoir, non-seulement leur rendit tous les honneurs qui leur étaient dus, mais aussi il ménagea leur réputation avec la dernière exactitude. Elles furent gardées comme dans un cloître hors de la vue du monde, hors de la portée de tout objet déshonnête. Ὥσπερ οὐκ ἐν ςρατοπέδῳ πολεμίων, ἀλλ᾽ ἐν ἱεροῖς καὶ ἁγίοις ϕυλαττομένας παρθενῶσιν, ἀπόῤῥητον ἔχειν καὶ ἀόρατον ἑτέροις δίαιταν. Quasi non in hostium castris, verùm in sacris et sanctis Vestæ templis servatæ, in abdito extrà aliorum oculos agerent [30]. Ses visites, ses regards, ses discours, ne donnèrent aucun lieu à la médisance ; et à l’égard des autres dames de Perse qui étaient aussi prisonnières, et dont la beauté et la taille étaient fort charmantes, il se contenta de dire en riant lorsqu’il les vit, que les Persanes causaient beaucoup de douleur aux yeux, et passa devant elles comme devant de belles statues [31]. Il se fâcha tout de bon plus d’une fois contre ceux qui pour lui faire leur cour, lui voulurent envoyer de beaux garçons [32] ; et il marqua dans une lettre, que non-seulement il m’avait point vu la femme de Darius, ni songé à la voir, mais que même il n’avait pas voulu qu’on lui vînt tenir des discours sur la beauté de cette reine. Ἐγὼ γὰρ οὐχ᾽ ὅτι ἑωρακὼς ἂν εὑρεθείην τὴν Δαρείου γυναῖκα ἢ βεϐουλευμένος ἰδεῖν, ἀλλ᾽ οὐτὲ τῶν λεγόντων περὶ τῆς εὐμορϕίας αὐτῆς προσδεδεγμένος τὸν λόγον. Ego enim non solùm non vidisse inveniar Darii uxorem aut videre cogitâsse, verùm nec verba facientes de ejus decore sustinuisse audire [33]. Il est aisé d’accorder Plutarque avec Quinte-Curce : ce dernier historien a dit [34] qu’Alexandre n’avait vu qu’une fois la femme de Darius, et cela par accident, parce qu’elle s’était trouvée avec sa belle-mère à qui il rendit visite le jour qu’on les prit. Sur ce pied-là, Alexandre se pouvait vanter de n’avoir point vu, c’est-à-dire de n’avoir point visité la femme de Darius. C’est assurément l’un des plus beaux endroits de sa vie par rapport à la morale [35], et je ne m’étonne point que Darius l’ait admiré, Darius, dis-je, qui avait en tant d’alarmes pour son honneur conjugal. Considérons les vicissitudes de ses passions à la nouvelle que son épouse était morte. Premièrement il soupçonna que le messager lui venait apprendre que l’on avait attenté à cet honneur, et il regardait cela comme le plus grand de tous les supplices. Puis ayant su la mort de sa femme, il crut qu’on l’avait tuée à cause de sa résistance aux désirs impurs du victorieux. Cette pensée lui donna beaucoup de douleur et de colère : il apprit ensuite qu’Alexandre avait été extrêmement affligé de cette mort, et qu’il ne l’avait pas moins pleurée que lui Darius la pleurait. Ce fut une cruelle attaque ; sa douleur et sa colère s’étaient ralenties, il retomba dans une affreuse inquiétude, s’imaginant qu’Alexandre regrettait les faveurs qu’on lui avait accordées. Enfin, il fut assuré du contraire, et pria les dieux que s’ils ne voulaient pas le rétablir, ils donnassent son royaume à un si honnête vainqueur : Ludibria meorum nunciaturus es, mihi, et, ut credo, ipsis quoque, omni graviora supplicio....... Nec dubitavit Darius quin interfecta esset, quia nequîsset contumeliam pati........ Ob hæc ipsa amantis animus in sollicitudinem suspicionemque revolutus est ; desiderium captivæ profectò à consuetudine stupri ortum esse conjectans..... Dii patrii, primùm mihi stabilite regnum : deindè si de me jam transactum est, precor ne quis Asiæ rex sit quàm iste tam justus hostis, tam misericors victor [36].

(I) ......Il s’en faut bien que sa vie n’ait été dans l’ordre sur ce chapitre. ] C’est déjà une chose qui tient du déréglement, que d’avoir épousé trois ou quatre femmes sans être veuf [37], et que d’avoir donné à peindre nue sa concubine Pancaste. Les plaisirs de l’attouchement ne suffisaient pas à sa passion, il voulait encore repaître ses yeux de la nudité en peinture de sa maîtresse ; signe évident qu’il les repaissait aussi de la nudité originale : il donnait donc dans l’excès, et dans un excès que le dieu Mars, galant de Vénus, ne connaissait pas, si nous en jugeons par les paroles de Lucrèce [38]. On pardonnerait plus facilement ce mauvais plaisir des yeux aux personnes qui, ne pouvant avoir que cela, pascon gli avidi sguardi. Mais cette débauche d’Alexandre, quelque criminelle qu’elle fût, n’est rien en comparaison de ce qu’il fit après ses grandes prospérités. Je ne parle pas des concubines qu’il voulut avoir au même nombre que Darius, c’est-à-dire autant qu’il y a de jours dans l’année ; car l’historien [39] qui rapporte que ces concubines se présentaient chaque soir au roi, afin qu’il en choisit une pour passer la nuit avec elle, témoigne qu’Alexandre faisait rarement ce choix. Il est certain que les princes de l’Orient, et Salomon tout le premier à leur exemple, qui se piquaient d’avoir tant de femmes, ne couchaient pas avec toutes. Ils en usaient avec elles à peu près comme aujourd’hui les sultans ; ils en assemblaient un grand nombre, afin de faire un meilleur choix de quelques-unes : les autres servaient à montrer leur opulence, comme font tant de meubles inutiles des maisons riches, dont on ne se sert jamais, et que même l’on ne connaît pas [40]. Les rois qui se piquent d’avoir les plus belles écuries ne montent qu’un très-petit nombre de leurs chevaux ; ils en laissent vivre et mourir la plus grande part sans jamais les essayer. Quelques-uns dressent de magnifiques bibliothéques, et ne touchent jamais à aucun livre. Ce serait donc une preuve un peu équivoque de l’impudicité d’Alexandre, que d’alléguer le grand nombre de ses concubines ; quoiqu’il soit certain que cet attirail et le reste du bagage ait justement scandalisé ses anciens sujets [41], et doive flétrir sa mémoire : mais voici des témoignages plus formels contre sa réputation. Il faisait mettre à sa table quantité de femmes de joie, et il accepta Bagoas qui avait été le mignon de Darius [42]. Nabarzanes acceptâ fide occurrit, dona ingentia ferens, inter quæ Bagoas erat specie singulari spado, atque in ipso flore pueritiæ, cui et Darius fuerat adsuetus, et mox Alexander adsuevit [43]. On ne saurait représenter son débordement par des termes plus expressifs que ceux d’Athénée. Φιλόπαις δὲ ἦν ἐκμανῶς καὶ ᾿Αλέξανδρος ὁ βασιλεύς. Δικαίαρχος γοῦν ἐν τῷ περὶ τῆς ἐν ᾿Ιλίῳ θυσίας, Βαγώου τοῦ εὐνούχου οὕτως αὐτόν ϕησιν ἡρᾶσθαι, ὡς ἐν ὄψει θεάτρου ὅλου καταϕιλεῖν αὐτὸν ἀνακλάσαντα, καὶ τῶν θεατῶν ἐπιϕωνησάντων μετὰ κρότου, οὐκ ἀπειθήσας πάλιν ἀνακλάσας ἐϕίλησεν. Alexander Rex ad insaniam amore puerorum exarsit. Dicæarchus libro de sacrificio quod ad Ilium peractum est, eunuchuin Bagoam adeò ipsum deperiisse scribit, ut resupinus in conspectu theatri totius eum suaviaretur, acclamante verò cum plausu spectatorum turbâ, et tanquàm ad iteranda oscula invitante paruisse, atque rursum inflexâ cervice basia congeminâsse [44].

(K) Son déréglement à l’égard du vin fut prodigieux. ] Il s’enivrait, et il faisait en cet état mille désordres. Le vin fut cause qu’il tua Clitus, qui lui avait sauvé la vie, et qu’il brûla Persépolis, l’une des plus belles villes de l’Orient [45]. La courtisane Thaïs, qui ne se mêlait pas moins de la débauche bachique que de la vénérienne [46], le poussa à cet incendie ; et cette circonstance ne peut servir qu’à rendre l’action plus mauvaise. Ceux qui firent le journal de sa vie [47] remarquèrent qu’il cuvait son vin quelquefois perdant deux jours et deux nuits. Si fort peu de verres l’eussent enivré, il eût été moins condamnable de succomber quelquefois à cette faiblesse ; mais il avalait jusqu’à vingt coupes d’une grandeur énorme avant que d’être ivre. Aussi mourut-il de trop boire ; ce fut le lit d’honneur où il expira. Il voulut porter une santé au plus grand buveur de son siècle [48], et il lui fallut vider un vase qui tenait furieusement [49]. Aussitôt qu’il l’eut vidé, il tomba évanoui, et fut saisi de la maladie dont il mourut [50]. Plutarque réfute cela : il dit [51] qu’Alexandre n’avait point vidé la coupe d’Hercule, ni senti tout aussitôt une grande douleur au dos, comme si on l’eût blessé d’un coup de lance ; ce sont, dit-il, des inventions destinées à un embellissement lugubre et tragique de la scène. Ταῦτα τινες ὠοντο δεῖν γράϕειν, ὥσπερ δράματος μεγάλου τραγικὸν ἐξόδιον καὶ περιπαθὲς πλάσαντες. Hæc putaverant quidam scribenda, quasi magnæ fabulæ tragicum exodium et lamentabile fingentes [52]. Mais il avoue que ce prince n’avait fait que boire le jour que la maladie le saisit. C’est en avouer autant qu’il en faut pour cette proposition générale, qu’Alexandre mourut de trop boire. Qui aurait cru qu’un guerrier, aussi téméraire que celui-là, ne recevrait qu’à table le coup mortel ? Écoutons là-dessus Sénèque : Alexandrum tot itinera, tot prælia, tot hiemes per quas, victâ temporum, locorumque difficultate, transierat, tot flumina ex ignoto Cadentia, tot maria tutum dimiserant, intemperantia bibendi, et ille Herculeanus ac fatalis scyphus perdidit [53]. Diodore de Sicile [54] raconte qu’Alexandre, n’ayant déjà que trop bu, voulut vider la coupe d’Hercule, et ne l’eut pas plus tôt vidée qu’il fut atteint d’une cruelle douleur, comme si on lui eût donné un grand coup. Voilà donc l’unique poison qui le tua, et qui fit gagner aux astrologues le procès que les philosophes leur avaient fait perdre [55] ; car pour le poison effectif, il n’en fut parlé que seize ans après la mort d’Alexandre, et apparemment ceux qui en furent les délateurs n’avaient envie que d’obliger Olympias à faire mourir beaucoup de personnes, comme elle fit. Aristote n’y a été mêlé que sur la parole d’un certain Agnothémis, qui avait ouï dire à Antigonus (disait-on) qu’Aristote découvrit à Antipater le poison qu’il fallait mettre en usage [56]. N’oublions point qu’Alexandre fit pompeusement célébrer les funérailles de Calanus [57]. Oraison funèbre, combats, jeux solennels, tout en fut ; mais vu l’inclination des Indiens pour le vin, il s’avisa d’établir un combat d’ivrognerie [58] : il y eut trois prix pour les vainqueurs ; le premier valait un talent. De ceux qui entrèrent en lice il y en eut trente-cinq qui moururent sur-le-champ, et six qui les suivirent d’assez près. Le vainqueur, nommé Promachus, avait avalé quatre congies [59], et ne vécut que trois jours depuis sa victoire [60].

(L) La cruauté qu’il fit paraître contre les habitans de Tyr n’est point excusable. ] La fortune d’Alexandre, qui avait jusque-là couru avec la rapidité d’un torrent, trouva devant cette place une forte digue qui la contraignit de s’arrêter plusieurs mois [61]. Ce prince ne comprit que trop les mauvaises suites que pouvait avoir cette interruption ; il perdait la principale roue de sa machine, s’il donnait lieu de croire qu’on le pouvait arrêter. Trouvant donc mille sujets de chagrin et à lever le siége, et à le continuer, il se résolut à faire de nouveaux efforts contre cette ville. Hic rex fatigatus statuerat solutâ obsidione Ægyptum petere, quippè quùm Asiam ingenti celeritate percurrisset circà muros unius urbis hærebat. tot maximarum rerum opportunitate dimissâ. Ceterùm tàm discedere invitum quàm morari pudebat. Famam quoque quâ plura quàm armis everterat ratus leviorem fore, si Tyrum quasi testem se posse vinci reliquisset. Igitur ne quid inexpertum omitteret, etc. [62]. Ses nouveaux efforts réussirent, il força la place, mais il déshonora sa victoire par sa cruauté. Il commanda qu’on mît le feu aux maisons, et qu’on passât au fil de l’épée tout ce qui ne se serait pas retiré dans les temples, et il fit attacher en croix deux mille habitans qui étaient moins échappés à la fureur du soldat, qu’à la lassitude de tuer. Triste deindè spectaculum victoribus ira præbuit regis : duo millia in quibus occidendi defecerat rabies crucibus adfixi per ingens littoris spatium pependerunt [63]. Il n’y a point aujourd’hui de prince que mille volumes ne dégradassent de toute sa gloire s’il faisait la vingtième partie de ce que fit alors Alexandre.

(M) Des familles... le choisissaient pour leur divinité tutélaire. ] Je n’oserais assurer que son pourpoint, que l’on se vantait d’avoir à Rome, passât pour un gage de quelque bénédiction céleste ; et il ne faut pas compter beaucoup sur ce que Caligula ne manqua pas de le prendre un jour de cérémonie. Ce n’était pas un homme superstitieux que Caligula, et s’il eût été chrétien, je ne pense pas qu’il eût eu beaucoup de foi pour le scapulaire, sans que pour cela je prétende disconvenir qu’il n’y ait de grands scélérats qui ont des superstitions puériles. Mais, quoi qu’il en soit, je ne puis rien dire sur le sentiment de Caligula, par rapport à cette relique d’Alexandre, puisque Dion n’en parle pas [64]. Le zèle de Caracalla pour Alexandre était bien ardent : cet empereur se servait d’armes et de gobelets, et de soldats, semblables à ceux d’Alexandre : il persécuta les péripatéticiens, et voulut jeter au feu tous les livres de leur maître, à cause du bruit qui courait que ce philosophe fut complice de l’empoisonnement d’Alexandre. Il témoigna par cent autres choses sa vénération pour ce conquérant ; mais je me garderai bien d’imiter un savant critique [65], qui se sert de ces faits-là pour prouver que l’on rendait à Alexandre un culte de religion. Ce qu’il cite de Trébellius Pollio et de Lampridius est d’une tout autre force. Le premier de ces deux historiens nous apprend que l’on croyait que l’effigie d’Alexandre gravée en or ou en argent portait bonheur à quiconque l’avait sur soi. L’autre historien nous dit qu’il y avait dans la ville d’Arce un temple consacré à Alexandre le Grand. Alexandri nomen accepit (Alexander Severus) quòd in templo dicato apud Arcenam urbem Alexandro magno natus esset, quùm casu illùc die festo Alexandri pater cum uxore patriæ solennitatis implendeæ causâ venisset. Cui rei argumentum est quo eâdem die natalem habet hic Mammeæ Alexander, quâ ille Magnus excessit è vitâ [66]. Ce passage montre que les habitans d’Arce célébraient la fête d’Alexandre tous les ans, le jour qu’il mourut. Voilà ce qu’on fait encore aujourd’hui à l’égard de plusieurs saints : leur fête tombe au jour de leur mort. Quant au passage de Trébellius Pollio, je m’en vais le rapporter tout du long : c’est en faveur de ceux qui liront ce Dictionnaire sans avoir beaucoup d’autres livres, ou qui n’aimeront pas à se remuer de leur place pour consulter cet auteur. Ceux qui ne se soucieront pas de savoir ce qu’il a dit n’ont qu’à sauter les lignes suivantes. Videtur mihi non prætermittendum de Macrianorum familiâ, quæ hodièque floret, id dicere quod speciale semper habuerunt. Alexandrum Magnum Macedonem viri in annulis et argento, mulieres in reticulis et dextrocheriis, et in annulis, et in omni ornamentorum genere, exsculptum semper habuerunt : eò usquè ut tunicæ et limbi et penulæ matronales in familâ ejus hodièque sint, quæ Alexandri effigiem de liciis variantibus monstrent. Vidimus proximè Cornelium Macrum in eâdem familiâ virum, quùm cœnam in templo Herculis daret, pateram electrinam, quæ in medio vultum Alexandri haberet, et in circuiti omnem historiam contineret signis brevibus et minutulis, pontifici propinare, quam quidem circumferri ad omnes tanti illius viri cupidissimos jussit. Quod idcircò posui, quia dicuntur juvari in omni actu suo, qui Alexandrum expressum vel auro gestitant vel argento [67]. Je n’allègue point les prières dont parle Justin ; elles ne sont pas une preuve d’un culte et d’une invocation fixe. Les Macédoniens étaient alors dans la dernière consternation ; ils imitaient ceux qui se noient, ils se prenaient à tout ce qu’ils rencontraient. En ce temps-là on canonise des sujets qui n’ont ni temple ni fête. Si vous voulez néanmoins savoir ce qu’a dit Justin, vous pourrez vous satisfaire sans changer de place. Hæc cum nuntiata per omnem Macedoniam essent, portæ urbium clauduntur, luctu omnia replentur, nunc orbitatem amissorum filiorum dolebant, nunc excidia urbium metuebant, nunc Alexandri Philippique regum suorum nomina sicuti numina in auxilium vocabant. Sub illis se non solùm tutos, verùm etiam victores orbis terrarum extitisse ; ut tuerentur patriam suam quam gloria rerum gestarum cœlo proximam reddidissent, ac opem afflictis ferrent quos furor et temeritas Ptolemæi regis perdidisset, orabant [68].

(N) On ne peut point dire que les trahisons eussent eu beaucoup de part à ses triomphes. ] Lisez Pausanias, dans l’endroit où il expose le préjudice qui fut fait en divers temps à la liberté des Grecs, par les pratiques de ceux qui se laissèrent corrompre : vous y trouverez que Philippe, roi de Macédoine, se servait de pareilles intelligences pour s’agrandir, mais qu’Alexandre son fils eut le bonheur de fortifier et d’augmenter sa puissance sans ces moyens-là. Κατὰ δὲ τὴν Φιλίππου βασιλείαν τοῦ Ἀμύντου, Λακεδαίμονα πόλεων μόνην οὐ προδοθεῖσαν τῶν ἐν Ἕλλησιν εὕροι τις ἄν· αἱ δὲ ἄλλαι πόλεις αἱ ἐν τῇ Ἑλλάδι, ὑπὸ προδοσίας μᾶλλον, ἢ ὑπὸ νόσου πρότερον τῆς λοιμώδους ἐϕθάρησαν. Ἀλεξάνδρῳ δὲ τῷ Φιλίππου πάρεσχεν ἡ εὐτυχία, μικρὰ ἀνδρῶν προδοτῶν καὶ οὐκ ἄξια λόγου προσδεηθῆναι. Philippo verò Amyntæ filio ad Græciæ imperium adspirante unam invenias proditionis immunem Spartam : ceteras Græcorum urbes non magis pestilentia superiorum temporum, quàm proditiones deleverunt. Alexandri felicitas effecit, ut nullum magnoperè insigne proditionis exemplum, quo res ejus adjutæ fuerint, possit commemorari [69]. Cette opposition entre le caractère du père et le caractère du fils a été fort bien décrite par l’historien Justin. Nulla apud eum (Philippum) turpis ratio vincendi..... Amicitias utilitate, non fide colebat. Gratiam fingere in odio, in gratiâ offensam simulare, instruere inter concordantes odia, apud utrumque gratiam quærere, solennis illi consuetudo.... Huic Alexander filius successit, et virtute et vitiis patre major. Vincendi ratio utrique diversa. Hic apertè, ille artibus bella tractabat. Deceptis ille gaudere hostibus, hic palàm fusis. Prudentior ille consilio, hic animo magnificentior [70]. Il n’y a guère d’endroits par où la fortune ait mieux témoigné qu’elle était prodigue de ses faveurs envers Alexandre ; car enfin tous les hommes sont portés naturellement à rabattre beaucoup de la gloire d’un conquérant, ou plutôt à l’effacer toute entière, lorsqu’ils savent qu’il a corrompu les généraux de ses ennemis, et les gouverneurs des places qu’il avait dessein d’assiéger.

(O) Les Juifs prétendent qu’il vida plusieurs procès qu’ils avaient avec leurs voisins. ] Ils supposent que trois sortes de gens s’adressèrent à Alexandre, pour lui demander la restitution des biens que les Juifs leur retenaient injustement. Les Chananéens qui échappèrent aux armes de Josué vinrent de l’Afrique pour se plaindre de l’usurpation des Juifs : les Égyptiens vinrent demander la vaisselle que les Juifs leur empruntèrent en sortant d’Égypte ; les Arabes, ou les descendans d’Ismaël et des fils de Kéthura, vinrent demander leur part à la succession d’Abraham. Le rabbin Gibéa Ben-Pesisa [71] plaida pour les Juifs. Les demandeurs citèrent quelques passages de l’Écriture, et de la première réponse du rabbin, tirée pareillement de l’Écriture, ils ne surent plus que dire, et se retirèrent de honte. Jamais cause ne fut gagnée plus facilement. Je n’entends rien à la réponse que Gibéa fit aux Égyptiens : on dirait qu’il se servit de ce principe, que les Juifs avaient tant travaillé pour les Égyptiens, que leur emprunt n’égalait pas le moindre salaire qu’on puisse donner à un ouvrier. Tertullien a dit quelque part [72] que les juifs prétendent qu’il y eut des conférences entre les envoyés des Égyptiens et les leurs, et que les Égyptiens renoncèrent à leur vaisselle, quand ils entendirent les prétentions que les Juifs fondaient sur leurs grands travaux d’Égypte. Il semble approuver qu’en vertu de cette raison ils aient gardé la vaisselle qui leur avait été prêtée ; mais il est certain que ce serait introduire la mauvaise morale des casuistes modernes, que de se fonder sur un tel droit : comment pourrait-on par ce principe blâmer un valet qui vole son maître jusques à la concurrence de ses gages ? Il est même vrai que la cause de ce valet serait meilleure que celle des Israélites, puisqu’ils emportèrent le bien de ceux pour qui ils n’avaient point travaillé : leur travail était pour le prince, et ils prenaient leur salaire sur le bien des particuliers. C’est comme si aujourd’hui les protestans, à qui la persécution a ôté leurs biens en France, se dédommageaient sur leurs concitoyens catholiques en se retirant dans les pays étrangers. Il ne faut donc justifier la conduite des Israélites que par l’ordre exprès de Dieu, qui, étant le maître souverain de toutes choses, en peut transporter la propriété d’une personne à une autre comme il lui plaît. Il n’est pas nécessaire que je dise que ces procès intentés aux Juifs devant Alexandre sont des chimères ; il suffit de dire que ce conte est rapporté un peu autrement dans le Béreschith Rabba [73], que dans la Gemara Babylonica [74]. Je me garderai bien de mettre au nombre des fables le voyage d’Alexandre à Jérusalem : la narration que Josephe en a laissée [75] pourrait bien être fabuleuse quant à certains points. Dira qui voudra qu’elle l’est en tout et partout : le silence des auteurs païens qui ont parlé de tant d’autres choses moins considérables concernant ce prince, arrivées dans des pays aussi obscurs pour le moins que la Judée, sera une raison forte pour qui voudra, mais non pas pour moi.

(P) Quelques-uns disent que les Romains lui envoyèrent des ambassadeurs. ] On en doute, quoique Clitarque l’ait assuré ; car ce Clitarque ne passe point pour un écrivain fidèle [76]. Il fut de la suite d’Alexandre, et il pouvait par-là être bien instruit des choses ; mais cela ne sert de rien quand on se plaît à mentir. Un auteur moderne [77] rapporte que cette ambassade des Romains est mise au nombre des fables, à cause que ni les historiens de Rome, ni Ptolomée et Aristobule n’en ont point parlé. Romanos Alexandrum M. legatione veneratos esse contra Memnonem c. 24, Plinium lib. III, c. 5, negant cum Arriano, lib. VII, quòd de eâ re sileant non solùm scriptores romani omnes, sed et Ptolomæus et Aristobulus historici, uterque Alexandri socius, alter etiam dux et posteà rex Ægypti. Je ne trouve point au chapitre XXIV des Extraits que Photius donne de Memnon, qu’Alexandre ait reçu aucune ambassade de Rome. Pline ne le dit point non plus ; il dit seulement que Clitarque en avait parlé.

(Q) Tite-Live est tombé en contradiction quand il a parlé de ce prince. ] Il examine avec soin ce qui eût pu arriver si Alexandre eût porté la guerre dans l’Italie, après avoir subjugué l’Asie, et il dit que les Romains avaient choisi Papyrius Cursor, pour l’opposer en ce cas-là à ce conquérant. Haud dubiè illâ ætate, quâ nulla virtutum feracior fuit, nemo unus erat vir quo magis innixa res Romana staret ; quin eum parem destinarant animus magno Alexandro ducem, si arma Asiâ perdomitâ in Europam vertisset [78]. La digression de l’historien n’est pas fort longue : néanmoins, à peu près vers le milieu, il déclare qu’il ne croit pas que la renommée d’Alexandre fût venue jusques à Rome. Il dit cela pour répondre à une objection [79]. Les Grecs, jaloux de la gloire des Romains qui les avaient subjugués, jaloux, dis-je, de cette gloire jusques à devenir flatteurs envers les Parthes pour tâcher de l’obscurcir, disaient qu’Alexandre par la seule majesté de son nom, par le seul éclat de sa renommée, aurait abattu le courage des Romains. Tite-Live répond que ce danger était peu à craindre pour des gens qui n’avaient pas même ouï parler de ce prince : pourquoi donc avaient-ils destiné le commandement de leurs armées à Papyrius Cursor, en cas qu’Alexandre, fier de ses conquêtes d’Asie, vînt faire la guerre en Italie ? On ne peut disculper Tite-Live ; sa distraction, son peu d’attention, sa contradiction en un mot, sautent aux yeux [* 1].

(R) ... Un de nos plus excellens poëtes semble s’être contredit sur le même sujet. ] Je n’ai plus les remarques que Desmarets, de l’académie française, publia contre les satires de M. Despréaux, environ l’an 1674 [* 2] ; mais il me reste une mémoire confuse qu’on critiqua fortement cette belle et ingénieuse invective [80] :

Qui donc, à votre avis, fut-ce un fou qu’Alexandre ?
Qui ? cet écervelé qui mit l’Asie en cendre ?
Ce fougueux l’Angéli qui de sang altéré
Maître du monde entier s’y trouvait trop serré ?
L’enragé qu’il était, né roi d’une province,
Qu’il pouvait gouverner en bon et sage prince,
S’en alla follement, et pensant être Dieu,
Courir comme un bandit qui n’a ni feu ni lieu,
Et traînant avec soi les horreurs de la guerre,
De sa vaste folie emplir toute la terre.
Heureux ! si de son temps, pour cent bonnes raisons,
La Macédoine eût eu de petites maisons ;
Et qu’un sage tuteur l’eût en cette demeure,
Par avis de parens, enferme de bonne heure.


Le critique se fondait entre autres choses, si je m’en souviens bien, sur ce que M. Despréaux louait ailleurs Alexandre, et le comparait à Louis XIV. Il ne tint pas à Desmarets qu’on ne convertît sa censure en accusation de crime d’état, capable de faire perdre à l’accusé les bonnes grâces du prince. Le public était tellement prévenu en faveur de M. Despréaux, et si reconnaissant de s’être bien diverti aux dépens de plusieurs personnes à la lecture de ses satires, qu’on ne fit nul cas des remarques de Desmarets. Quand elles eussent été toutes très-solides et victorieuses, on les aurait méprisées : la saison ne leur était pas favorable ; et c’est à quoi un auteur ne doit pas moins prendre garde qu’un jardinier. On peut appliquer à cela ce que je cite [81].

(S) Le mépris qu’il eut pour un homme..... d’une adresse extraordinaire. ] On lit ce fait dans plusieurs modernes. Voici de quelle manière M. de la Mothe-le-Vayer s’en est servi dans son Instruction de monseigneur le Dauphin [82] : Il y a des arts de si peu de considération, et qui consistent en des subtilités si inutiles, que les princes ont fort bonne grâce de les ignorer, et ne doivent pas seulement en faire état, ni reconnaître ceux qui y ont mis leur étude, qu’avec des récompenses aussi légères que sont leurs ouvrages ! Un homme se présenta devant Alexandre [* 3], si adroit à faire passer un pois chiche par le trou d’une aiguille, qu’il en jetait d’une assez grande distance beaucoup l’un après l’autre sans y manquer. Alexandre récompensa son industrie, en lui faisant distribuer un boisseau de ce même légume. Cet exemple suffit pour prescrire la règle de ce qui doit être pratiqué par tous les souverains en de semblables rencontres. Le livre et le chapitre de Quintilien sont bien cités ; mais les paroles sont très-mal traduites. Voyons-les en original. Ματαιοτεχνία quoque est quædam, id est, supervacua artis imitatio, quæ nihil sanè nec boni nec mali habeat, sed vanum laborem : qualis illius fuit qui grana ciceris ex spatio distante missa in acum continuò, et sinè frustratione inserebat, quem cùm spectâsset Alexander, donâsse dicitur ejusdem leguminis modio. Quod quidem præmium fuit illo opere dignissimum. L’adresse de cet homme-là ne consistait pas, comme l’assure M. de la Mothe-le-Vayer, à faire passer un pois chiche par le trou d’une aiguille, en jetant ce pois d’une assez grande distance. Cela n’était guère plus praticable que ce qui est proposé par Notre-Seigneur Jésus-Christ comme une chose impossible [83]. Voici l’industrie de ce personnage : il mettait un pois dans sa bouche, et en soufflant il le jetait vers une aiguille assez éloignée, et le fichait à la pointe de cette aiguille. Naudé, sans se servir des propres termes de Quintilien, a heureusement exprimé la chose [84], et ne s’y est pas mépris comme l’autre auteur que j’ai cité [* 4]. Je ne me souviens point d’avoir jamais lu qu’Alexandre ait été blâmé du peu de compte qu’il fit du souffleur de pois. Platon n’eût pas jugé plus sainement de cette adresse qu’Alexandre ; car il fut le seul qui n’admira pas un certain Annicéris, qui était si bon cocher, qu’il faisait faire cent tours à son chariot sans s’écarter de la même ornière le moins du monde [85]. Platon jugea qu’une personne qui s’est appliquée avec tant de diligence à se perfectionner dans un art si inutile, n’est point capable de grandes choses. Πλάτων, τὴν ὑπερϐάλλουσαν αὐτοῦ σπουδὴν διέϐαλεν, εἰπὼν, ἀδύνατόν ἐςι, τὸν εἰς μικρὰ οὕτω, καὶ οὐδενὸς ἄξια, τοσαύτην ϕροντίδα κατατιθέμενον, ὑπὲρ μεγάλων τινῶν σπουδάσαι· πᾶσαν γὰρ αὐτῷ τὴν διάνοιαν εἰς ἐκεῖνα ἀποτεθεῖσαν ἀνάγκη ὀλιγωρεῖν τῶν ὄντως θαυμάζεσθαι δικαίων. Plato nimiam ejus industriam reprehendit, inquiens, fieri non posse, ut, qui rebus tam nullius pretii operam navaret adeò diligentem, possit magnis et præclaris negotiis ullis vacare. Quùm enim omnis cogitatio in ista conferatur, necessum esse, ut ea negligat, quæ reverà sunt admiratione digna [86].

  1. * L’auteur des Observations insérées dans la Bibliothéque française, tom. XXX, propose de lire destinarent. Crévier remarque que quelques éditeurs ont mis destinarent, mais qu’il faut destinant. C’est destinant qu’on lit dans l’édition de J. Leclerc et dans d’autres : avec ce mot la phrase de Tite-Live n’offre plus la contradiction que signale Bayle.
  2. (*) Il devait dire, en 1674, à Paris, in-4°. Rem. crit.
  3. (*) Quintil., lib. II Instit., cap. XX.
  4. * Joly prétend que Bayle n’a fait cette longue remarque que pour avoir occasion de censurer la Mothe-le-Vayer : « Peut-être, dit-il, que Bayle, sans le secours de Naudé, s’y serait trompé comme les autres. » Au reste Joly ne regarde pas comme prouvé que l’explication de Naudé soit ce qu’a voulu dire Quintilien. « Peut-être la difficulté, ajoute Joly, ne sera-t-elle pas moins grande à y réussir de la sorte. » Les commentateurs ont fait des notes sur ce passage ; mais, suivant l’usage, il n’y en a aucune qui tende à éclaircir la difficulté.
  1. Voyez l’article Henri II. tom. VIII, pag. 16-18, remarques (G) et (H).
  2. Voyez les Pensées diverses sur les Comètes, num. 213.
  3. C’est-à dire les remarques (A), (B) et (C) de son article, tom. V.
  4. Plutarch., in Alexandro, pag. 667.
  5. Le cheval Bucéphale.
  6. Plutarch., de Tranquillitate Animi, pag. 466.
  7. Satyra Juvens X, vs. 163.
  8. Archicoraçon, pues cupo en un rincon del todo este mundo holgadamente, dexando lugar para otros seis. Lorenzo Gracian.
  9. Ὦ Ἀθηναῖοι, ἆρά γε πιςεύσαιτε ἄν ἡλίκους ὑπομένω κινδύνους ἕνεκα τῆς παρ᾽ ὑμῖν εὐδοξίας. Quis credat, Athenienses, quanta pericula vestri præconii causâ subeam ? Plutarch., in Alexandro, pag. 698, E.
  10. Juvenal., sat. X, vs. 166.
  11. Locianus quomodò conscribenda sit Historia. Oper. tom. I, pag. 64, edit. Salmur.
  12. Quintus Curtius, lib. VIII, sub fin.
  13. Quùm omnia profana spoliâssent, ne sacris quidem abstinuerant : virginesque et principes feminarum stupra perpessæ, corpurum indibria deflebant. Idem, lib. X, cap. I.
  14. ldem, ibidem.
  15. Τοῖς δε Ἕλλησι μετρίως καὶ ὑποϕειδόμενος ἑαυτὸν ἐξεθείαζεν. Apud Græcos verò divinitatem usurpabat modicè et parciùs. Plutarch., in ejus Vitâ, pag. 681, A.
  16. Quintus Curtius, lib. VIII, cap. VIII. Consultez là-dessus le Commentaire de Freinshémius.
  17. Nihil est quod credere de se
    Non possit, cùm laudatur Diis æqua potestas.
    Juven., sat. IV, vs. 70.

  18. Plutarch., in Alexandr., pag. 677, B. Voyez aussi de Discrim. Adulat. et Amici, pag. 65, F.
  19. Voyez l’article Aristandre, tom. II, pag. 318, remarque (A).
  20. Ὁ δ´ οὖν Ἀλέξανδρος ὡς ἐνέδωκε τότε πρὸς τὰ θεῖα, ταραχώδης γενόμενος καὶ περίϕοβος τὴν διάνοιαν, οὐδὲν ἦν μικρὸν οὕτως τῶν ἀήθων καὶ ἀτόπων, ὃ μὴ τέρας ἐποιεῖτο καὶ σημεῖον, ἀλλὰ θυομένων καὶ καθαιρόντων καὶ μαντευόντων μεςὸν ἦν τὸ βασίλειον· οὑτως ἀρα δεινὸν μὲν ἀπιςία πρὸς τὰ θεῖα καὶ, καταϕρόνησις αὐτῶν· δεινὴ δὲ αὖθις ἡ δεισιδαιμονία δίκην ὑδατος ἀεὶ πρὸς τὸ ταπεινούμενον, καὶ ἀναπληροῦν ἀβελτηρίας καὶ ϕόβου τὸν Ἀλέξανδρον γενόμενον. Plutarch., in Alexandr., pag. 706.
  21. Diodor. Sicul., lib. XVII, pag. m. 429.
  22. Idem, ibidem, pag. 431.
  23. Theophrastus, referente Hieronymo, in Epistolis, apud Athenæum, lib. X, cap. X, pag. 435.
  24. Plutarch., in Alex., pag. 676.
  25. Elle s’appelait Barsène. Voyez l’article de Memnon, dans ce volume.
  26. Élien le nomme Pancaste, et Pline Campaspe.
  27. Se vicit, nec torum tantùm suum, sed etiam affectum donavit artifici. Plin., lib. XXXV, cap. X.
  28. Selon Pline, le portrait de Vénus sortant des ondes fut fait sur celui de Campaspe.
  29. Ταύτῃ καὶ πρώτῃ ϕασὶν ὁ Ἀλέξανδρος ὡμίλησεν. Cum quâ primùm Alexander rem habuisse dicitur. Ælian., diver. Histor., lib. XII, cap. XXXIV.
  30. Plutarch., in Alexandr., pag. 676.
  31. Idem, ibidem.
  32. Idem, ibidem.
  33. Ibidem, pag. 677, B.
  34. Semel omninò eam viderat que die capta est, nec ut ipsam, sed ut Darii matrem videret, eximiamque pulchritudinem formæ ejus non libidinis habuerat incitamentum, sed gloriæ. Quint. Curtius, lib. IV, cap. X.
  35. C’est ainsi que Diodore de Sicile, liv. XVII, en juge.
  36. Quint. Curtius, lib. IV, cap. XI.
  37. J’en parle dans l’article Roxane, [cet article n’existe pas.]
  38. Pascit amore avidos in te, Dea, visus.
    Lucret., lib. I, vs. 37.

  39. Diod. Siculus, lib. XVII. Quinte-Curce, liv. VI, chap. VI, les met au nombre de trois cent soixante.
  40. Exilis domus est, ubi non et multa superrunt,
    Et dominum fallunt, et prosunt furibus.
    Horat., epist. VI, lib. I, vs. 45.

  41. Pellices 360 totidem quot Darii fuerant, regiam implebant ; quas spadonum greges, et ipsi muliebria pati adsueti, sequebantur. Hæc luxu et peregrinis infecta moribus veteres Philippi milites, rudis natio ad voluptates, aversabantur. Quint. Curtius, lib. VI, cap. VI, num. 8.
  42. Quint. Curtius, lib. V, cap. VI, et lib. VI, cap. II.
  43. Idem, lib. VI, cap. V.
  44. Athen., lib. XIII, pag. 603.
  45. Quint. Curtius, lib. VIII, cap. I.
  46. Idem, lib. V, cap. VII.
  47. Eumenes Cardianus, et Diodorus Erythræus, apud Athenæum, lib. X, cap. IX, pag. 434.
  48. C’était un Macédonien nommé Protéas.
  49. Quòd duos congios capiebat. Q. Curt., lib. V, cap. VII.
  50. Idem, ibidem.
  51. Plutarch., in Alexandr., pag. 706. Voyez la remarque (D) de l’article Hercule, tom. VIII, pag. 82.
  52. Plut., ibidem.
  53. Seneca, epist. LXXXIII.
  54. Lib. XVII, sub fin.
  55. Voyez ce qui a été cité de Diodore de Sicile, dans la remarque (G).
  56. Plutarch., in Alexandr., pag. 707.
  57. Philosophe indien qui se brûla lui-même en grande cérémonie.
  58. Ἀκρατοποσίας ἀγῶνα, meræ potionis certamen. Chares Mitylenæus, in Historiis de Alexandro, apud Athenæum, lib. X, pag. 437.
  59. Ibidem.
  60. Plutarch., in Alexandr., pag. 703.
  61. Appliquez à cela ces paroles : Hinc sivè invidiâ Deûm, sivè fato, rapidissimus procurrentis imperii cursus parumper... supprimitur. Florus, lib. I, cap. XIII.
  62. Quint. Curtius, lib. IV, cap. IV.
  63. Idem, ibidem.
  64. Lib. LIX.
  65. Barthius, in Statium, tom. I, pag. 404.
  66. Lampridius, in Alexandro Severo, pag, m. 889, tom. I.
  67. Trebellius Pollio, in 30 Tyrann., pag. 295, tom. II.
  68. Justinus, lib. XXVI, cap. V.
  69. Pausan., lib. VII, cap. X, pag. 546, edit. Lips., 1696.
  70. Justin., lib. IX, cap. VIII, p. m. 207.
  71. Il s’appelle aussi Cibéa Ben Kosan. C’était un fameux jurisconsulte, à ce que dit Abraham Zacuth in Sepher Juchasin, folio 13 ; apud Autoritatem Polygamiæ triumph., p. 287.
  72. Adversus Marcionem, tom. II, cap. XX, apud eumdem.
  73. Parasch. LXI, folio 68, col. 21, apud autorem Polygam. triumph., pag. 283.
  74. Ad Titul. Sanhedr., cap. XI, folio 91, apud eumdem autorem, pag. 287.
  75. Joseph., Antiquitat., lib. XI, c. VIII.
  76. Clitarchi probatur ingenium, fides infamatur. Quintil., lib. X, cap. I.
  77. Johannes Eisenhart de Fide historicâ, p. 130, ex Ruperto in Histor. univ. Obs. ad Synopsim min. Besuldi, cap. XVIII, pag. 678.
  78. Tit. Livius, lib. IX, cap. XVI.
  79. Id verò periculum erat, quod levissimi ex Græcis qui Parthorum quoque contrà nomen Romanum gloriæ favent (voilà un esprit qui paraît dans plusieurs livres sur les matières du temps) dictitare solent, ne majestatem nominis Alexandri, quem ne fama quidem illis notum arbitror fuisse, sustinere non potuerit populus Romanus. Livius, lib. IX, cap. XVII.
  80. Elle est dans la satire VIII.
  81. Parcendum est maximè caritati hominum, ne temerè in eos dicas qui diliguntur. Cicero, de Orat., lib. II, cap. LVIII.
  82. La Mothe-le-Vayer, tom. I, pag. 226, édit. in-12, 1681.
  83. Εὐκοπώτερόν ἐςι κάμηλον (ou plutôt κάμιλον) διὰ τρυπήματος ῥαϕίδος διελθεῖν, ἢ πλούσιον εἰς τὴν βασιλείαν τοῦ Θεοῦ εἰσελθεῖν. Il est plus facile qu’un chameau (ou plutôt qu’un câble) passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est qu’un riche entre au royaume de Dieu. Matth., chap. XIX, vs. 24.
  84. Alexander Magnus hominem solo oris halitu cicera minutissima ex magno intervallo in acum certissimè infigentem, cicerum modio donari voluit, quò se ille nugator in tam ludicræ artis fatuitate diutiùs exerceret. Naudæus, in Syntagm., de Studio liberali.
  85. Lucian., in Encom. Demosth., pag. m. 929, 930, tom. II.
  86. Ælian., Var. Hist., lib. II, c. XXVII.

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