Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Labé


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LABÉ (Louise), courtisane lyonnaise [* 1], a été mise entre les auteurs français par la Croix du Maine et par du Verdier Vau-Privas. Elle florissait à Lyon sous Henri II, l’an 1555 [a]. Ses œuvres y furent imprimées la même année (A). Elle ne ressemblait pas en toutes choses aux courtisanes ; car si d’un côté elle était de leur humeur, en ce qu’elle voulait être bien payée de ses faveurs, elle avait de l’autre certains égards qu’elles n’ont pas pour les hommes doctes ; car elle leur donnait la passade gratuitement. On connaîtra mieux son caractère par le passage que je citerai (B).

  1. * Elle était fille d’un nommé Charly, dit Labé. C’est à tort que Leclerc écrit Labbé. Son mari, nommé Ennemond Perrin, faisait commerce de câbles et de cordes : de là le nom de belle cordière donné à Louise Labé, et conservé jusqu’à nos jours à la rue où elle demeurait à Lyon. Chaufepié a consacré un article à Louise Labé, extrait de Colonia, Niceron et Paradin.
  1. La Croix du Maine, pag. 921.

(A) Ses œuvres furent imprimées à Lyon, l’an 1555. ] Elles comprennent un dialogue en prose française, intitulé : le Débat de Folie et d’Honneur ; et plusieurs poésies de son invention [1] : plus les Écrits de divers poëtes, à sa louange, tant en vers grecs, latins, italiens, que français [2] [* 1].

(B) On connaîtra mieux son caractère par le passage que je citerai. ] Je ne change rien aux paroles de du Verdier. Loyse Labe, dit-il [3], courtisane lyonnoise (autrement nommée la belle Cordiere pour estre mariée à un bon homme de cordier) piquoit fort bien un cheval, à raison de quoy les gentilshommes qui avoyent accez à elle l’appelloient le capitaine Loys : ferme au demeurant, de bon et gaillard esprit et de mediocre beauté : recevoit gracieusement en sa maison seigneurs, gentilshommes, et autres personnes de merite avec entretien de devis et discours, musique que tant à la voix qu’aux instrumens où elle estoit fort duicte, lecture de bons livres latins, et vulgaires italiens et espaignols dont son cabinet estoit copieusement garni, collation d’exquises confitures, en fin leur communiquoit privement les pieces plus secretes qu’elle eust, et pour dire en un mot faisoit part de son corps à ceux qui fonçoyent : non toutes fois à tous, et nullement à gens mechaniques et de vile condition, quelque argent que ceux là luy eussent voulu donner. Elle aima les sçavans hommes sur tous, les favorisant de telle sorte que ceux de sa cognoissance avoient la meilleure part en sa bonne grâce, et les eust preferés à quelconque grand seigneur, et fait courtoisie à l’un plustost gratis, qu’à l’autre pour grand nombre d’escus, qui est contre la coustume de celles de son mestier et qualité. Ce passage a été cité dans la suite de la Critique Générale du Calvinisme de Maimbourg [4], et l’on y a joint cette remarque [5] : « Démosthène eût été bien aise que la courtisane Laïs eût ressemblé à cette autre ; il n’aurait pas fait le voyage de Corinthe inutilement, ni éprouvé

Qu’à tels festins un auteur comme un sot
À prix d’argent doit payer son écot. »


Cette femme faisait en même temps déshonneur aux lettres et honneur : elle les déshonorait, puisqu’étant auteur elle menait une vie de courtisane : et elle les honorait, puisque les savans étaient mieux reçus chez elle sans rien payer, que les ignorans prêts à lui compter une bonne somme.

  1. * Les œuvres de Louise Labé ont été réimprimées à Lyon, chez J. Detournes, 1556, in-16. La Monnoie, dans ses notes sur la Croix du Maine, cite une édition de Rouen, Jean Garou, in-16. Niceron et Goujet parlent de cette édition que M. Brunet (dans son Manuel du libraire) déclare n’avoir pas eu occasion de voir. Une société de gens de lettres donna une nouvelle édition des Œuvres de Louise Charly, Lyonnaise, dite Labé, surnommée la belle Cordière, Lyon, chez les frères Duplain, 1762, petit in-8o. M. Delandine, dans ses Manuscrits de la Bibliothéque de Lyon, III, 430, dit que Charles-Joseph de Ruolz, mort le 10 juillet 1756, fut éditeur de ce dernier volume. Il faut qu’il y ait erreur, ou dans ce fait ou dans la date de la mort de Ruolz, qui avait fait imprimer un Discours sur la personne et les ouvrages de Louise Labé, Lyonnaise, Lyon, Delaroche, 1750, in-12 de 63 pages. La dernière édition de L. Labé est de Brest, 1815, in-8o., tiré à cent quarante exemplaires.
  1. La Croix du Maine, pag. 291.
  2. Du Verdier Vau-Privas, Bibliothéque française, pag. 822.
  3. Du Verdier, Vau-Privas, Bibliothéque française, pag. 822.
  4. Lettre XVIII, pag. 595.
  5. Là même, pag. 596.

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