Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Goldast


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GOLDAST [a] (Melchior Haiminsfeld), natif de Bischoffzell [b] au pays des Suisses, et protestant de la confession de Genève, a été un fort savant homme, au XVIIe. siècle. Sa famille n’était point riche (A), et il ne fit jamais fortune ; de sorte qu’il se fit plus connaître par le grand nombre de livres qu’il composa, ou dont il procura des éditions, que par ses emplois publics. Un recueil de lettres, imprimé l’an 1688 (B), fait voir qu’en l’année 1598 il se tenait à Bischoffzell ; que l’année suivante il était logé à Saint-Gal, chez un honnête homme qui se déclara son Mécène, et qui se nommait Schobingérus ; qu’en la même année il fut à Genève, et qu’il y logea chez Lectius (C) avec les fils de Vassan, desquels il était précepteur ; qu’il était encore à Genève l’an 1602, et qu’il s’y plaignait de sa misère ; que la même année il s’en alla à Lausanne, à cause qu’il y pouvait subsister à moins de frais qu’à Genève ; qu’il retourna peu après à Genève ; qu’à la recommandation de Lectius, il fut donné pour secrétaire au duc de Bouillon ; qu’il ne garda guère cet emploi, car il était à Francfort au mois de février 1603 ; qu’il avait une condition à Forsteg l’an 1604 ; qu’en l’année 1605 il demeurait à Bischoffzell, où il se plaignait de n’être pas en sûreté (D), à cause de sa religion, qui le rendait fort odieux, même à ses parens ; qu’il était à Francfort l’an 1606 ; qu’il s’y maria, et qu’il y demeura jusques à l’année 1610 mal dans ses affaires (E), et voyant échouer les vues de ses amis pour quelque bon établissement (F). Le recueil dont je parle finit là. Goldast avait déjà publié beaucoup de livres, et il continua de le faire jusques à sa mort (G), c’est-à-dire jusqu’au 11e. jour du mois d’août 1635 [c]. Scioppius avait donné ordre que l’on publiât dans son Scaliger Hypobolimæus, que Goldast avait été roué ; mais ayant connu la fausseté de ce fait, il fit en sorte que l’on corrigeât cela. Nous verrons dans les remarques comment il se tire d’affaire (H) ; ce n’est pas sans dire beaucoup de mal de Goldast. On ne saurait approuver la conduite de ce dernier à l’égard de Juste Lipse (I), sous le nom duquel il publia une harangue dont il était lui-même l’auteur. Il paraît que l’on se plaignait de son humeur un peu bizarre (K), et de sa mauvaise foi [d].

  1. Par les lettres latines qu’on lui écrivait, il paraît qu’on l’appelait indifféremment Goldastus, ou Goldinastus, ou Guldinastus. Ses prénoms étaient latinisés, Melchior, ou Melior Heiminsfeldius, ou Haiminsfeldius, ou Hamenveltus, ou Hamenvelto, ou Hamenevelto.
  2. En latin Episcopo-Celta. Moréri se trompe en le faisant natif d’Héminsfeldt.
  3. Witte, in Diario Biographico.
  4. Voyez la remarque (G), citations (18) et (19).

(A) Sa famille n’était point riche. ] Cela paraît par quelques lettres de Conrad Rittershusius, chez qui Goldast avait été en pension, Goldast en était sorti sans payer son hôte ; et depuis qu’il fut retourné dans sa patrie, il laissa couler bien du temps sans le satisfaire. Rittershusius s’en plaignit [1], et représenta que les bouchers, les boulangers, les brasseurs l’avaient tant pressé, qu’il lui avait fallu prendre de l’argent à intérêt, afin de faire cesser leurs persécutions. Il ajouta qu’il espérait que Goldast lui ferait tenir le principal et les intérêts, et que c’était ainsi que Taurellus et quelques autres en usaient à l’égard de leurs pensionnaires qui avaient besoin qu’on leur fit crédit. Sa lettre est datée du 21 d’août 1598. L’année suivante, Stuckius [2] écrivit au même Goldast, que Rittershusius se plaignait de ne toucher pas les 52 florins d’or qui lui étaient dus ; c’est pourquoi on exhorte le débiteur à s’acquitter promptement, et on lui dit que s’il y manque les plaintes en seront portées à sa mère. Une lettre de Rittershusius [3], en date du 8 de septembre 1599, apprend qu’il était payé, et qu’il quittait les intérêts ; mais que, comme Goldast avait laissé plusieurs dettes à Altorf, il courait divers mauvais bruits de lui. Ce n’est point une preuve qu’on puisse opposer aux prétentions de noblesse. Nous apprenons de Scaliger que Goldast prétendait être gentilhomme [4]. On peut l’être sans avoir de quoi payer sa pension. Scioppius remarque que Goldast mettait dans ses noms une particule qui n’était propre qu’à la noblesse : Fratribus quidem certè hoc uno nomine nobilior quòd illi se tantum Heiminsfeld, hic autem heros noster pro consuetudine pleræque nobilitalis ab Heiminsfeld cognominat [5]. Mais voici une bonne marque de la pauvreté de Goldast. Quand il faisait imprimer des livres, il en envoyait des exemplaires aux magistrats des villes et aux consistoires, et cela afin qu’on lui fît quelque présent. On lui envoyait un peu plus que le livre ne coûtait, et ses amis s’imaginaient lui rendre beaucoup de service, en lui ménageant ces petites récompenses. Ce chétif trafic aidait à le faire subsister. Un ministre, nommé David Lange, lui écrivit de Memminge, que les magistrats du lieu lui envoyaient dans l’incluse unum mummum aureum, et le consistoire un autre, pour l’exemplaire de son livre [6].

(B) Un recueil de lettres. ] En voici le titre : Virorum clarissimorum et doctorum ad Melchiorem Goldastum Epistolæ, ex Bibliothecâ Henrici Guntheri Thulemarii J.-C. editæ. Francofurti et Spiræ 1688 in-4o.

(C) Il logea à Genève chez Lectius. ] C’était un professeur de l’académie. Le recueil de lettres dont j’ai parlé en contient une [7] qui est fort sanglante contre lui. Il se plaignait que lorsque Goldast et ses disciples étaient sortis de chez lui, ils ne lui avaient pas fait un présent honnête ; mais Goldast de son côté se plaignait qu’on les avait obligés de payer cent sortes de choses injustement, fourneaux, bancs, serrures, clefs, etc. Il faut avouer que ceux qui tiennent des pensionnaires dans les universités, font paraître trop souvent une avarice sordide. Quand ce ne sont pas des professeurs, le mal n’est pas grand ; mais quelle honte pour les lettres, quel déshonneur pour le caractère, lorsque des professeurs s’attachent si mesquinement au gain !

(D) En 1605 il demeurait à Bischofzell, où il se plaignait [8] de n’être point en sûreté. ] Scioppius conte que le sieur Jodocus Mezlérus, vicaire de l’abbé de Saint-Gal, lui avait dit que Goldast fut mis en prison à Saint-Gal pour cause de vol. Il ajoutait que Goldast avait demandé permission d’acheter une petite terre proche de Saint-Gal, où la femme luthérienne qu’il avait dessein d’épouser eût la liberté de conscience, que quant à lui, il serait facilement catholique. Commodum eas litteras legeram cum officii causa visum ad me venit D. Jodocus Mezlerus, illustrissimi principis et abbatis Sancti Galli vicarius, istumque Melchiorem adhuc vivum probèque sibi notum esse affirmavit. Idque ut credibilius faceret, præter alia hoc quoque de eodem narravit, exposuisse eum sibi in sermone in quanto apud Sangallenses periculo semel versatus fuerit, cùm illi furti nomine in carcerem se compegissent : petiisse etiam ut prædioli cujusdam in Sangallensi territorio emendi ab Abbate potestas sibi fieret, ita tamen ut uxori, quam ducere in animo haberet, lutheranæ religionis liberius salva esset : nam seipsum quidem catholicum facilè futurum. His ego auditis cœpi de ipso non desperare futurum ut fato aliquando fratris utatur, et sublime potius quàm humi putiscat, cùm præsertim nemo, qui faciem ejus viderit, non confestim patibulo dignum judicet. Interim nos velut Ciceronem Vatinii morte nunciatâ, cujus parùm certus dicebatur auctor, respondisse legimus, usurâ fruemur [9]. Scioppius est ici suspect, tant parce qu’il était fort médisant, que parce qu’il regardait Goldast comme celui qui avait fourni des matériaux à Scaliger pour la construction de la satire Munsterus Hypobolimæus [10]. Appliquez ceci à la remarque (H).

(E) Il demeura jusqu’en 1610 à Francfort, mal dans ses affaires. ] Cela paraît dans une lettre [11] qui lui fut écrite par Quirinus Reuterus, directeur du collége de la Sapience, à Heidelberg. Il l’exhorte à se venir mettre en pension dans ce collége.

(F) .......... et voyant échouer les vues de ses amis pour quelque bon établissement. ] Ils négocièrent à la cour de l’électeur palatin, pour lui faire avoir la charge de conseiller de son altesse électorale, l’an 1608. La lettre CXCI parle de cela comme d’une chose conclue ; mais dans la lettre CXCIV Lingelsheim témoigne que cette affaire reculait ; et dans la CCIXe. il apprend qu’elle était entièrement échouée. L’électeur de Mayence offrait alors un emploi à notre Goldast. Celui-ci demanda conseil à Lingelsheim [12], qui n’osa le détourner absolument d’accepter ces offres, vu qu’il le savait dans une grande nécessité, et qu’on n’avait rien à lui offrir. Il lui représenta seulement la servitude qui lui était immanquable dans un lieu où les jésuites étaient les maîtres.

(G) Il continua de publier des livres jusqu’à sa mort. ] Donnons ici une liste de ses principaux ouvrages. Alamannicarum Rerum Scriptores vetusti, 3 volumes in-folio ; Monarchia Imperii Romani, seu de Jurisdictione et Potestate Imperatoris et Papæ per varios Autores, trois volumes in-folio ; Constitutionum Imperialium tomi quatuor, in-folio ; Suevicarum Rerum Scriptores veteres, à Francfort 1605 in-4o ; de Juribus ac Privilegiis Regni Bohemiæ, et hæreditariâ Regiæ Familiæ Successione libri sex cum Appendice, in-folio ; Consultatio de officio et jure Electoris Bohemiæ in conventibus Electorum Romani imperii ; Rationale Constitutionum Imperalium ; Statuta et Rescripta Imperialia ; Politica Imperialia ; Catholicon rei monetariæ, seu Leges Monarchicæ generales de rebus nummariis et pecuniariis ; Digesta regia seu Constitutiones Imperiales de SS. Eucharisliâ ; Apologiæ Principum Germaniæ pro Henrico IV Imperatore contra criminationes Gregorii VII ; Replicatio pro Cæsareâ et Regiâ Francorum Majestate et Ordinibus Imperii contra Gretserum [13] ; Imperialia Decreta de cultu imaginum ; Paradoxon de honore Medicorum, et obiter de honore Theologorum et Jureconsultorum ; Sybilla Francica, seu de admirabili Puellâ Joannâ Lotharingâ exercitûs Francorum ductrice sub Carolo VII ; Dialogi duo de querelis Franciæ et Angliæ, et de jure successionis utrorumque Regum in regno Franciæ ; Centuria Epistolarum Philologicarum diversorum hominum, à Francfort 1610, in-8o ; Emendationes in Petronium Arbitrum ; Notæ ad paræneticos Scriptores veteres.

Ce dernier ouvrage n’était pas fort estimé de Scaliger. Il cite de vieux auteurs en ses Parénétiques, dit-il, parlant de Goldast [14]. Il s’est trop amusé après ces vieux mots. Il n’y a rien qui vaille dans ces Parenetici Melchioris. Cela serait bon s’il faisait imprimer ces vieux instrumens : on apprendrait toujours quelque chose pour les maisons des gentilshommes. Melchior a des manuscrits, sed infimi ævi. Je me prostituais en écrivant à Melchior, puisqu’il est tel [15]. Il n’est pas besoin d’avertir que la plupart des ouvrages que Goldast a fait imprimer sont des productions dont il n’était pas l’auteur ; les titres montrent assez qu’il ne faisait que les réduire en un corps, ou que les tirer des bibliothéques où elles n’étaient qu’en manuscrit. Il s’est montré en cela l’un des plus infatigables hommes du monde. Conringius lui donne de grands éloges. Vir, dit-il [16], editis antiquis Germaniæ monumentis tam benè de patriâ meritus, ut absque dubio Athenienses illum in Prytanæo aluissent, si quidem illud in ævum incidisset. Cum [17] primis in Germaniâ certius meliusque hoc studiorum genus (de Jure publico Imp. Germ. agit) incensum fuit initio hujus sæculi auctore Melchiore Goldasto cui nemo Germaniæ rebus illustrandis par fuit, nec fortè erit quispiam, et verò illius ductu paulatim cœpit apud nos solito exquisitior Reip. cognitio. Il ne laisse pas de le traiter d’homme de mauvaise foi en certaines choses [18] : Sunt hæc omnia (examinat nonnulla ex libro III Constitutionum Imperialium) illaudabili facinore perquam tamen Goldasto familiari efficta, quo nomine eum ex merito acerrimè increpavit Wendelinus c. 2 de l. Salicâ. Il n’est pas le seul qui se plaigne de Goldast sur ce chapitre. Qui noverit quàm multas suspectæ fidei merces pro veris erudito orbi obtruserit Goldastus, cui cæteroquin diligentiæ laudem non negamus, in re cui aliundè fides fieri non potest, vix ejus solius auctoritate sibi aliquid planè persuaderi patietur [19].

(H) Nous verrons....... comment Scioppius se tire d’affaire. ] Deux gentilshommes de Franconie, qui avaient, logé avec lui à Altorf, chez Conrad Rittershusius, lui rendirent une visite pendant leur séjour à Rome. Il leur demanda des nouvelles de leurs communs amis, et entre autres de Goldast qui avait été en pension avec eux à Altorf : ils lui contèrent que ce misérable avait été rompu sur la roue, et puis brûlé pour avoir commis un meurtre horrible. Eum videlicet superiori anno cum Bullionio duce, cui interpretis operum dederit, Genevâ in Germaniam profectum, cùm Argentinæ in familiaritatem Centurionis cujusdam pervenisset, qui in contubernio suo puellam nobilem, domo paternâ abductam, pro secutuleiâ muliere et concubinâ circumducebat, audito eum jam satietate illius captum mille aureos ei, qui ab illâ se liberaret, polliceri, avidè conditionem quod pretio inhiaret, arripuisse, et ita digresso Centurione non procul ab urbe in ipsâ viâ regiâ........ misellam obtruncâsse [20]. Il avait lié amitié, disaient-ils, avec un certain capitaine, qui commençait d’être las d’une demoiselle qu’il avait enlevée, et qui promettait mille écus à quiconque l’en délivrerait. Goldast accepta le parti ; mais peu après il massacra cette femme au milieu du grand chemin, proche de Strasbourg, et la dépouilla, et s’en revint à la ville. On le saisit dans son cabaret, comme il décousait les habits de cette femme, et on le mit en prison, et dans sept jours il fut condamné à être roué et brûlé. Septimo tandem post die capitis condemnatum et summo supplicio tanquam parricidam affectum, hoc est membratim penè rotâ contusum et comminutum, et indè lignis infelicibus ustulatum conflagrâsse [21]. Scioppius écrivit tout aussitôt cette histoire, afin qu’elle fût insérée dans l’ouvrage qu’il faisait imprimer en Allemagne, contre Scaliger : il ne crut point avoir besoin d’autre apologie, ni d’autre vengeance contre Goldast [22] par rapport au mauvais office qu’il croyait en avoir reçu. Il prétendait que Goldast avait publié, sous le nom de Scioppius, un Commentaire sur les Priapées, dont lui Scioppius n’était point l’auteur. La lettre qu’il écrivit touchant cette prétendue fin tragique de Goldast, fut suivie d’une autre cinq mois après [23], où il fit savoir à son ami, que l’histoire que les deux gentilshommes allemands lui avaient contée, regardait un frère de Melchior Goldast. Le sieur Charles Fugger, président de la chambre impériale de Spire, avait fait savoir à Scioppius l’action barbare et le supplice de ce frère de Goldast. Voici ce qu’il lui apprit. Sebastianus Heiminsfeld, dictus Guldenast, natus Cellæ episcopi in Turgoviâ, die sextâ junii anno 1603 proptereà in carcerem conjectus fuit, quòd pridiè feminam quandam, Dorotheam de Gries, bambergæ aut Herbipoli, quemadmodùm ipse retulit, natam, quam diebus aliquot hàc illàc circumduxerat, bene mane non longè ab hàc civitate priusquàm patefactæ essent portæ, Satanæ instinctu cultro immaniter obtruncâsset, et omni vestitu usque ad lineam interulam spoliâsset, ac postquàm aliquantum de viâ regiâ eam provolverat, in civitatem portis commodum apertis ingressus in hospitium publicum divertisset, ubi et captus mox, factumque quæstioni subjectus, et sponte etiam suâ, confessus die 10 ejusdem mensis Rotæ supplicio affectus fuit [24]. Scioppius apprit peu après de Jodocus Mezler, vicaire de l’abbé de Saint-Gal [25], que Melchior Goldast était plein de vie. Il écrivit donc à son ami qu’il ne fallait pas imprimer ce qu’il lui avait mandé touchant le supplice de cet homme. Hoc à te pro amicitiâ nostrâ peto, ut si adhuc est integrum, illa supplicii de monstro isto sumpti mentio ex Scaligero meo Hypobolymæo circumscribatur. Sin autem, quod vereor, hâc ipsâ meâ epistolâ ad calcem libri illius adjunctâ totius gestæ rei ordinem palàm omnibus declarari cupio [26]. Cette deuxième lettre est datée du 3 de mars 1607, et par-là on peut convaincre les deux gentilshommes de s’être trompés à la circonstance du temps ; car au commencement de novembre 1606 [27], Scioppius écrivit à son ami qu’ils lui avaient dit que Goldast avait souffert le dernier supplice l’année précédente, superiori anno. Or c’était le 10 de juin 1603 que le frère de Goldast fut roué [28]. Ils disaient aussi que quand Goldast massacra la demoiselle auprès de Strasbourg, il faisait le voyage d’Allemagne avec le duc de Bouillon, dont il était secrétaire. Cela ne s’accorde point avec une lettre que Goldast écrivit au sieur Schobinger, son Mécène, au mois de février 1603 [29]. Il n’était plus avec le duc de Bouillon, et néanmoins l’assassin de la demoiselle, interrogé par ses juges au mois de juin 1603, dit que Melchior Goldast, son frère, était au service du duc de Bouillon [30].

(I) On ne saurait approuver la conduite de Goldast à l’égard de Juste Lipse. ] Scioppius, qui était un grand exagérateur, n’eut point de honte de dire dans un temps où il croyait que Goldast avait été rompu sur la roue, que le principal crime qui lui avait attiré cette affreuse peine, était d’avoir supposé une harangue à Juste Lipse. Hujus ego non minùs facti, quàm supplicii atrocitatem cum animo meo recogitans, nullius magis sceleris, quàm quòd orationem illam, de quâ Lipsius cent. iv epist. lxviii ad consules ac senatum Imperialis oppidi Francofurtensis scribit, ejusdem Lipsii nomine præscriptam minimè Helveticâ simplicitate, sed actu plusquàm punico et verè Genevensi malitià Tiguri edendam curâsset, pænas ab eo expeditas et sumptus esse judicavi [31]. Cette harangue avait pour titre, de duplici Concordiâ Litterarum et Religionis, et parut l’an 1600. On supposait que Lipse l’avait prononcée à Jéna, le 31 de juillet 1574. Elle ne fut pas imprimée à Leyde, comme le titre le portait, mais à Zurich, par Jean-Jacques Frisius [32]. On en envoya cent exemplaires à la foire de Francfort, que Plantin acheta tous, en niant que cette pièce fût de Lipse, et en menaçant que l’imprimeur et le vrai auteur s’en repentiraient [33]. Le libraire de Zurich fit savoir ces choses à Goldast, et le pria de justifier que cette harangue était de celui dont elle portait le nom. Un professeur de Zurich avertit Goldast des menaces de Juste Lipse, et lui marqua que le tissu et le fil de la harangue faisaient connaître que Lipse en était l’auteur : Nos quidem ex filo orationis conjicimus omninò ejus esse [34]. C’est ainsi que les savans de Zurich jugèrent : le goût de ceux de Paris était tout autre ; ils n’y trouvèrent point le style de Lipse. Lipsii oratio nova nobis visa fuit, nec in eâ Lipsii stylum sine monitione tuâ unquàm agnovissemus [35]. Les menaces de Juste Lipse ne furent point vaines. Il s’adressa aux magistrats de Francfort, qui ordonnèrent que cette harangue serait effacée du Catalogue de leur foire [36]. Il les en remercia, et leur montra par bien des raisons l’imposture de ceux qui la lui avaient supposée. Il soutint entre autres choses qu’il n’était point à Jéna le 31 de juillet 1574, et qu’il en était parti le premier de mars [37]. Goldast mérita toute sorte de confusion ; il n’y eut guère de gens équitables qui ne fussent persuadés à cet égard de l’innocence de Lipse. Insulsam illam et vix latialem orationem de duplici concordià litterarum et religionis Jenæ, ut volunt habitam, jam olim falsimoniam esse meram, editâ epistulâ ipse ostendit, et nuper suppositicii istius fœtus parens Melchior Haiminsfeldus Goldastus se prodidit [38]. Mais il y a des gens si entêtés, qu’ils ne veulent démordre de rien, et qu’ils sont à l’épreuve des raisons les plus évidentes. Il s’en trouva qui s’obstinèrent à soutenir que Lipse avait harangué tout comme Goldast le supposait. Lisez ce qui suit [39]. Justi Lipsii nomine, de duplici concordiâ litterarum et religionis, editas orationes [40], non esse ipsius, sed Melchioris Goldasti, Miræus in Vitâ Lipsii, pag. m. 67 refert. Carolus etiam Scribanius jesuita, cap. ult. defensionis posthumæ, Lipsii operibus in folio præfixæ, aliquot jam ante mensibus quàm orationes istæ habitæ perhibentur, Lipsium, Jenà discessisse, audacter scribit : sed vide refutationem hujusce mendacii factam à Sagittario in Lipsio Proteo, Francofurti 1614 edito. Je ne prétends pas nier l’inconstance de Juste Lipse sur le fait de la religion.

(K) On se plaignit de son humeur un peu bizarre. ] Lorsque son patron Schobinger lui conseille de s’en aller à Lausanne, si la dépense y était moindre qu’à Genève, il ajoute cette restriction : Modò à crebris migrationibus in posterum abstineas, quæ neqne è re neque pro existimatione tuâ morositatis nescio cujus suspectum te apud nonnullos fecêre, qui id mihi Tiguri nuper objecerunt [41].

  1. Sa lettre est la IIIe. dans le recueil imprimé l’an 1688.
  2. Sa lettre est la IXe. du même recueil.
  3. C’est la XIe. du même recueil.
  4. Goldastus se dit être noble, et remarque sa maison à l’entour de Saint-Gal. Scaligérana, pag. m. 95.
  5. Oporini Grubinii Amphot. Scioppian., pag. 111.
  6. Voyez la CXXXIe. lettre du recueil.
  7. C’est la LVIe.
  8. Voyez la lettre CIX du recueil.
  9. Scioppius, in Oporini Grubinii Amphot. Scioppian., pag. 108.
  10. Hem qui tibi omnium illorum, quæ de Scioppii natalibus, vitâ, studiis, ac fortunâ in satyram et confutationem tuam conjecisti, auctor fuit. Idem, ibidem, pag. 111. Voyez aussi pag. 332.
  11. C’est la CCLXXVIIIe. du recueil.
  12. Voyez les lettres CCXIV et CCXVII du recueil.
  13. Jésuite allemand, qui écrivit divers livres contre Goldast.
  14. Scaligérana, pag. 95.
  15. Là même, pag. 153, au mot Melchior.
  16. In præfat. ad Tacitum de Moribus Germanorum, apud Magirum Eponymolog., pag. 393.
  17. Id., in dedicat. Exercitationibus de Rep. Imp. Germ. præmiss. apud eumdem Magirum, ibidem.
  18. Idem, cap. VII de O. J. G. apud eumdem, ibidem, pag. 394.
  19. Er. Maurit. de matriculâ Imperii, num. 12, apud eumdem Magirum, ibid.
  20. Oporinus Grubinius, in Amphotidibus Scioppian., pag. 104.
  21. Idem, ibid.
  22. Ibidem, pag. 106.
  23. Ibidem.
  24. Oporinus Grubinius, in Amphotidibus Scioppian. pag. 109, 110.
  25. Voyez la remarque (D).
  26. Opor. Grubin., Amphot. Sciopp., pag. 109.
  27. La IIe. lettre de Scioppius fut écrite cinq mois après la première. Ibid., pag. 106.
  28. Sebastianus Melchioris frater Germanus is fuerit qui Argentinæ, anno 1603 a. d. 10 Junii, ob crudelissimum homicidium et latrocinium affectus, nunc quoque superbus et celsus in rotâ, velut in radiato disco, quotidiano prandio asso, inquam, benè ad solem tosto corvos accipiat. Ibidem, pag. 107. Voyez ci-dessus, citation (24).
  29. Voyez le Recueil des Lettres écrites à Goldast, imprimé en Allemagne, l’an 1688.
  30. Amphotides Scioppian., pag. 110.
  31. Ibidem, pag. 105.
  32. Voyez, la lettre de Stuckius à Goldast, dans le recueil cité ci-dessus, citation (29), c’est la XVIIIe. Voyez, aussi Lipse, epist. LXVIII Centur. ad German. et Gallos.
  33. Jean-Jacques Frisius avertit Goldast de tout cela. Sa lettre est dans le recueil.
  34. Waserus, epist. ad Goldastum. C’est la XXXVIIIe. du recueil.
  35. Vassan, dans la lettre XXXI du recueil, écrite de Paris à Goldast, le 23 de septembre 1600.
  36. Voyez la LXVIIIe. lettre de Lipse. Centur. ad Germanos et Gallos, pag. m. 700.
  37. Idem, ibid. pag. 702.
  38. Miræus, in Vitâ Lipsii, circa finem, pag. m. 35.
  39. Placcius, de Pseudonymis, pag. 219.
  40. Il ne fallait pas s’exprimer par le pluriel ; car il n’y avait qu’une harangue.
  41. Voyez la lettre LVIII du recueil imprimé l’an 1688. Elle est datée de Saint-Gal, au mois de février 1602.

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