Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Eurydice 2


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EURYDICE, fille d’Amyntas, fils de ce Perdiccas, roi de Macédoine, qui était frère de Philippe, père d’Alexandre-le-Grand, fut mariée avec son oncle [a] Aridée, fils naturel du même Philippe. Chacun sait que cet Aridée fut déclaré roi de Macédoine après la mort d’Alexandre [b]. Il n’était guère propre à soutenir cette dignité, et surtout dans un temps de trouble comme celui de son règne. Aussi peut-on dire qu’il fut plutôt un roi titulaire qu’un roi effectif : sa femme Eurydice eut plus de part que lui aux fonctions de la royauté [c], principalement lorsqu’il fut question de s’opposer à Olympias, mère d’Alexandre, car alors elle fut bien plus jalouse de l’autorité, que si elle eût eu pour rival une personne de l’autre sexe [d]. Elle se fia beaucoup en Cassander, et ordonna à Antigonus et à Polyperchon de lui céder le commandement des troupes, ce qui fit qu’il exécuta tout ce qu’elle prescrivait [e]. Elle eut le malheur d’être abandonnée de ses soldats, lorsqu’elle voulut empêcher qu’Olympias ne revînt dans la Macédoine [f]. Cette désertion fit tomber tout aussitôt Aridée au pouvoir d’Olympias [g] : sa femme Eurydice s’étant sauvée dans Amphipolis y perdit sa liberté fort peu après (A). Olympias les fit enfermer dans un cachot, et les y traita inhumainement ; et lorsqu’elle eut vu que sa cruauté faisait murmurer les Athéniens, elle fit tuer Aridée par des Thraces, six ans et demi après la mort d’Alexandre. Cette rigueur fut un frein trop faible pour la langue d’Eurydice ; c’est pourquoi Olympias, indignée que sa prisonnière jasât trop, et ne cessât de crier que la couronne lui était due plutôt qu’à elle, ne la voulut pas laisser vivre. Elle lui fit porter une épée, un licou et un verre de ciguë, et lui donna à choisir l’un de ces trois genres de mort. Eurydice, sans pleurer, ni sans rabattre de la fermeté de son courage, et avant même que le porteur se fût retiré, prit sa ceinture et s’en étrangla, ayant supplié les dieux que pareils présens fussent envoyés à Olympias [h]. Après la mort de celle-ci, Cassander fit faire des funérailles royales à Aridée et à Eurydice [i].

  1. Cyna, fille de Philippe, était mère d’Eurydice. Voyez les Prolégomènes de Freinshémius sur Quinte-Curce, chap. V.
  2. Quint. Curtius, lib. X, cap. VII ; Justin., lib. XIII, cap. III.
  3. Voyez Justin., lib. XIV, cap. V.
  4. Voyez Justin., ibid.
  5. Quo beneficio devinctus Cassander, nihil non ex arbitrio muliebris audaciæ gerit. Idem, ibid.
  6. Justin., lib. XIV, cap. V.
  7. Diodor. Siculus, lib. XIX, cap. XI.
  8. Tiré de Diodore de Sicile, ibid.
  9. Idem Diodorus, lib. XIX, cap. LII.

(A) Elle perdit sa liberté fort peu après. ] On a dit dans le Supplément de Moréri, qu’elle fut faite prisonnière dans un combat. Cela n’est pas vrai. Je ne marque point les autres inexactitudes ni les omissions. Mon lecteur les pourra connaître en comparant ensemble les deux articles. Je dirai seulement que le père de notre Eurydice n’était point Amyntas III [1]. Il est incertain s’il a jamais été roi ; et s’il ne l’a pas été, il ne le faut pas marquer d’une épithète numérale : s’il l’a été, il le faut nommer Amyntas IV. Ce qui fait ici l’incertitude est que Justin [2] marque que Perdiccas laissa un fils en bas âge, dont Philippe fut le tuteur pendant quelque temps. Je n’avertis pas mes lecteurs que si, d’un côté, les femmes sont beaucoup plus débonnaires, généralement parlant, que les hommes, il est vrai de l’autre que celles qui ont de la cruauté et de l’ambition surpassent les hommes en ces deux défauts. Optimi corruptio pessima. C’est bien pis quand la luxure est de la partie ; car alors elles n’épargnent ni la vie de leurs maris, ni celle de leurs enfans. Nous en avons un exemple dans l’autre Eurydice [3].

  1. C’est ainsi qu’on le compte dans le Supplément de Moréri.
  2. Justin., lib. VII, cap. V.
  3. Celle de l’article précédent.

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