Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Arsénius 1


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ARSÉNIUS, diacre de l’église romaine, illustre par la noblesse de sa famille, mais beaucoup plus par sa vaste érudition et par sa piété, fut choisi pour être envoyé à l’empereur Théodose, qui cherchait un précepteur à son fils Arcadius. Ce fut le pape Damase qui fit ce choix. Arsénius arriva à Constantinople l’an 383. Il y fut très-bien reçu par l’empereur, qui se fâcha même un jour, et contre le disciple, et contre le maître, parce qu’il avait vu celui-ci debout, et l’autre assis, pendant la leçon. Il ordonna que son fils, quoiqu’il l’eût déjà déclaré Auguste, se tînt debout et découvert quand Arsénius l’instruirait, et quittât en ce temps-là les marques de la dignité impériale. Arsénius, employant toute son industrie à élever son disciple aux sciences et à la vertu, se crut obligé d’ajouter enfin le châtiment aux censures. Le jeune Arcadius en fut si outré, qu’il pria un de ses officiers de le défaire de son précepteur [a]. L’officier en avertit Arsénius, qui prit le parti de se retirer secrètement, et de s’en aller dans les déserts de l’Égypte. Il y passa un fort grand nombre d’années, avec les solitaires de Sceté, dans les exercices de la plus fervente et de la plus austère dévotion. Il y mourut à l’âge de quatre-vingt-quinze ans (A). Théodose, qui apprit avec regret la retraite d’Arsénius, le fit chercher partout, sans le pouvoir découvrir [b]. Il y a quelques fautes dans le Dictionnaire de Moréri qui concernent cet article (B). J’en ai trouvé aussi quelques-unes dans d’autres écrivains (C).

On trouve plusieurs actions, et plusieurs sentences d’Arsénius, parmi les Apophthegmata Patrum, que M. Cotelier a publiés dans ses Ecclesiæ græcæ Monumenta [c].

  1. Tiré des Annales de Baronius, à l’an 383., num. 22, 23. Il cite Métaphraste sous le 8 de mai, et Surius, sous le 19 de juillet.
  2. Fléchier, Histoire de Théodose, pag. 273, 274.
  3. Voyez-en le premier volume, imprimé à Paris, en 1677.

(A) Il mourut dans les déserts de l’Égypte, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. ] Voici le partage que M. Arnauld d’Andilli donne à cette longue vie d’Arsénius. Il en passa, dit-il [1], quarante dans la cour de l’empereur Théodose, quarante en Sceté, dix à Trohé, qui est au dessus de Babylone, à l’opposite de la ville de Memphis, trois en Canapé d’Alexandrie, et deux en ce même lieu de Trohé, où étant retourné il finit sa course dans la crainte de Dieu. Cette expression, il passa quarante ans dans la cour de Théodose, est très-impropre ; car si l’on n’y veut pas trouver une insigne fausseté, il la faut prendre en ce sens-ci : il avait quarante ans, lorsqu’il sortit de la cour de Théodose. En effet, en la prenant selon la signification propre et naturelle des termes, il faudrait qu’Arsénius eût vécu plus de six-vingts ans. Il faudrait ajouter aux quatre-vingt-quinze ceux qu’il avait lorsqu’il partit de Constantinople, choisi précepteur d’Arcadius par Damase. Ce pape n’aurait pas choisi un jeune de vingt ans. Outre que Théodose ne régna qu’environ seize ans, et qu’il ne reçut Ârsénius qu’en la quatrième année de son empire.

(B) Il y a quelques fautes dans le Dictionnaire de Moréri, qui concernent cet article. ] 1°. Arsénius n’a point pu être envoyé à Théodose l’an 383, pour être précepteur d’Arcadius et d’Honorius, puisque Honorius ne naquit qu’en 384. Baronius avait marqué cette faute à ceux qui ont fait la vie d’Arsénius, et il l’avait attribuée à quelqu’un qui savait en général que Théodose avait deux fils, aliquis quòd sciret duos fuisse Theodosio filios, adjecit Honorium [2]. Cette faute est demeurée dans la vie d’Arsénius dressée par M. Arnauld d’Andilli [3], qui cite Rufin [4] pour son garant. 2°. J’avoue que Baronius [5], sur la foi de la Vie des Pères [6], avance qu’Arsénius fut le parrain des deux fils de Théodose ; mais cela ne s’accorde point avec Rufin[* 1], qui dit qu’ils furent mis entre les mains d’Arsénius aussitôt après leur baptême [7] : outre que Baronius lui-même a remarqué qu’on se trompe dans la vie d’Arsénius, lorsqu’on dit qu’il fut envoyé par Damase pour être précepteur d’Arcadius et d’Honorius. Le dernier n’était pas encore né ; l’autre avait environ huit ans, et il n’y a point d’apparence qu’Arsénius soit demeuré à la cour de Théodose jusqu’au temps qu’Honorius eut besoin de précepteur. 3°. M. Fléchier dit en propres termes, que Théodose fit chercher Arsénius dans toutes les terres de l’empire. Il n’est donc guère apparent qu’Arsénius ne soit sorti de la cour qu’après la mort de Théodose, en 395. Cela, dis-je, n’est guère apparent, quoi qu’on le donne pour un fait certain et dans le premier volume du Dictionnaire, et dans le troisième. 4°. Il ne fallait pas supprimer la circonstance que M. Fléchier a expressément marquée : c’est que l’officier qu’Arcadius chargea de tuer Arsénius en avertit ce précepteur. Le Supplément du Dictionnaire suppose qu’Arsénius en fut averti divinement. 5°. Arcadius ne fut point associé à l’empire à l’âge de six ans, mais l’âge de sept ou huit ans, comme Baronius et M. Fléchier le remarquent. Erat tunc Arcadius annum ætatis agens octavum, natus nimirùm sub consulatu Gratiani quarto et Merobaudis, triennio ante Theodosii patris imperium [8]. 6°. Socrate n’avait que faire d’être cité, car ce qu’il a dit d’Arsénius n’a presque point de rapport à l’article du Supplément. En tout cas, il fallait citer le chapitre XXIII du IIIe. livre.

(C) Voici quelques fautes d’autres écrivains touchant Arsénius. ] Matthias, dans son Théâtre historique [9], suppose perpétuellement qu’Arsénius fut précepteur d’Honorius aussi-bien que d’Arcadius, et cela en même temps. Il ne considère pas qu’Honorius n’était point né lorsqu’on envoya Arsénius à Théodose, pour instruire Arcadius ; il ne songe pas qu’Honorius, étant plus jeune de neuf ans que son frère, n’était guère propre à assister aux leçons qu’on faisait à Arcadius pendant la vie de Théodose. Remarquez bien cette circonstance, puisque Matthias n’ignorait point qu’Arsénius s’évada avant la mort de cet empereur ; car il remarque que Théodose le fit chercher soigneusement. Il cite le chapitre XXII du IVe. livre de Socrate, où l’on ne trouve quoi que ce soit de ce qu’il a débité. Il ajoute qu’Arcadius, après la mort de son père, apprit où était Arsénius, et lui fit demander pardon de ce qui s’était passé, et sa sainte bénédiction. M. Doujat, entraîné par le torrent, associe Honorius à Arcadius [10]. Charles Étienne n’a connu notre Arsénius que sous la qualité de patrice : il ne lui fait point quitter la cour, mais son simple patrimoine, pour l’envoyer dans un couvent, en vertu d’une voix tombée des nues, qui lui ordonnait la fuite, le silence et le repos. M. Hofman n’a joint à cela que la charge de précepteur d’Arcadius. M. Lloyd a supprimé tout l’article. Notez que Nicephore fils de Calliste assure que Théodose donna Arsène pour précepteur à ses fils [11].

  1. * Ce Rufin n’est pas, dit Leclerc, le fameux Rufin qui eut des démêlés avec saint Jérome, et qui est mort long-temps avant Arsénius ; ce à quoi Bayle n’a pas fait attention.
  1. D’Andilli, Vies des Pères des Déserts, tom. II, pag. 204. Édition de 1676, in-8o.
  2. Baron., ad ann. 383, num. 22.
  3. Elle est au IIe. tome des Vies des Pères des Déserts, par Arnauld d’Andilli, pag. 188.
  4. Lib. III, num. 37.
  5. Ad ann. 395, num. 26.
  6. Part. II, cap. XXXVI.
  7. Voyez Arnauld d’Andilli, Vies des Pères des Déserts, tom. II, pag. 188.
  8. Baron., ad ann. 383, num. 22.
  9. Pag. 713, édition d’Amsterd. en 1668.
  10. Arsenius, non ille Arcadii et Honorii præceptor. Doujacii Prænotiones Canon., p. 429.
  11. Nicephor. Hist. Ecclesiast., lib. XII, cap. XXIII.

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